Télérama Magazine N°3630 Du 10 Août 2019

(Nancy Kaufman) #1
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mercredi 21


t 20.55 LCP-Assemblée nationale Doc

Détruire Paris,


les plans secrets de Hitler


| Documentaire de Françoise Cros de Fabrique
et Richard Poisson (Fr, 2017) | 65 mn. Rediffusion.
On s’en souvient comme d’un « Schindler
bis ». Dans ses Mémoires, le général alle-
mand Dietrich von Choltitz, gouverneur
du « Gross Paris » en août  1944, prétend
avoir protégé la capitale en désobéissant à
Hitler. Le télégramme du Führer récep-
tionné le 23 août par ce haut gradé zélé ne
laissait planer aucun doute : « Paris ne doit
pas tomber aux mains de l’ennemi, ou que ce
soit un champ de ruines. » Mais l’Histoire est
un terrain miné dont les faussaires fi-
nissent par être démasqués. Si von Choltitz
ne mit pas la capitale à feu et à sang, c’est
qu’il n’en eut ni les moyens militaires ni le
temps, et qu’il voulut sauver sa peau. « C’est
l’insurrection qui a empêché le forfait de se
commettre », conclut Luc Rudolph, ancien
inspecteur général de la police nationale.
Accompagnée de cet historien et
d’autres spécialistes, Françoise Cros de
Fabrique passe les archives allemandes et
françaises au peigne fin, tombant sur des
documents peu accessibles. Comme un
rapport du 9 septembre 1944 établissant
que la tour Eiffel ne fut jamais minée, à la
différence du palais du Sénat... Son en-
quête, minutieuse et à la forme un peu
austère, ne fait pas de révélation fracas-
sante, mais dissocie systématiquement
mythes et réalités. Et nous replonge dans
les semaines périlleuses qui suivirent la li-
bération de Paris. — Yohav Oremiatzki

y 23.35 Arte Film

Citoyen d’honneur


| Film de Mariano Cohn et Gastón Duprat
(El ciudadano ilustre, Espagne/Argentine, 2016)
| Scénario : Andrés Duprat | 115 mn. VM
| Avec Oscar Martínez (Daniel Mantovani),
Dady Brieva (Antonio), Andrea Frigerio (Irene).
| GEnRE : GlOIRE AMèRE.
Romancier, Daniel vit seul dans une im-
mense villa bunkérisée, non loin d’une
grande ville d’Espagne. Il est devenu riche,
a reçu tous les honneurs, dont le prix No-
bel de littérature. Parmi les multiples solli-
citations venues du monde entier, l’une
des rares qu’il accepte d’honorer vient
d’une bourgade d’Argentine, Salas, où il a
grandi, sur laquelle il a écrit, mais où il n’est
jamais retourné, depuis quarante ans...
Sur fond de différences culturelles, de
rancœur sociale et sentimentale, la réus-
site de cette satire, cruelle mais tendre,
tient au mélange de générosité et de lâ-

y 20.55 Arte Film

Orpheline


| Film d’Arnaud des Pallières (Fr, 2016) | Scénario : Christelle Berthevas et A. des Pallières | 105 mn
| Avec Adèle Haenel (Renée), Adèle Exarchopoulos (Sandra), Solène Rigot (Karine), Vega Cuzytek
(Kiki), Gemma Arterton (Tara), Jalil lespert (Darius), nicolas Duvauchelle (le père de Kiki).
| GEnRE : EllE ET PAS EllE.
Marcel Proust avait sa théorie des personnes successives, étrangères les unes aux autres,
que nous devenons au cours de notre vie. Il y a cette même idée dans le magnifique pa-
ri d’Arnaud des Pallières : restituer les métamorphoses d’une femme en la faisant jouer
par quatre actrices. On découvre l’héroïne presque trentenaire (Adèle Haenel). Puis on
remonte le temps. On la voit à 20 ans (Adèle Exarchopoulos), adolescente (Solène Rigot)
et finalement enfant (Vega Cuzytek).
Rien à voir avec ces fictions en plusieurs époques où l’on vieillit les comédiens. C’est
moins le changement physique qui intéresse le cinéaste que la captation, à chaque
étape, d’une nouvelle personnalité, d’un autre rapport au monde. Le scénario puise
dans l’histoire personnelle de la coscénariste, Christelle Berthevas : enfant, l’héroïne
est le témoin muet d’un drame qui la coupe symboliquement de sa famille et en fait cette
« orpheline » des périodes suivantes.
Le plus intense reste l’immense besoin d’amour, à la fois pathétique et moteur, qui
taraude le personnage. Un puits sans fond, qui le fait se jeter dans les bras et le lit des
hommes dès l’adolescence. Sa demande d’affection compulsive devient un danger pour
l’héroïne au moment d’assurer sa subsistance. Dès lors, le suspense final, où on la re-
trouve adulte, comme au tout début, porte moins sur les suites du dossier judiciaire que
sur la possibilité d’une indépendance, enfin. — Louis Guichard

y 22.30 Canal+ Spectacle

Soixante


| Enregistré au Théâtre de l’Européen, à Paris,
en 2019 | 85 mn. Rediffusion.
Après des courts à succès (Bref, Bloqués) et
une émission consacrée au stand-up (Der-
rière un micro), revoilà Kyan Khojandi,
l’éternel « mec de Bref », et son acolyte,
coauteur et metteur en scène, Navo (Bru-
no Muschio). Aux commandes de l’une
des soirées humour les plus originales de
ces dernières années, ils adaptent le
concept créé en 2016 par le Québécois Ga-
briel D’Almeida Freitas pour le ZooFest de
Montréal. Soixante, ce sont soixante hu-
moristes qui défilent pour un passage de
soixante secondes chacun.
Au Théâtre de l’Européen, c’est bien la
crème du stand-up français — mais aussi
de nouvelles recrues et de belles sur-
prises — qui enchaîne les plaisanteries à
un rythme effréné. Et si on n’en dira pas
trop pour laisser aux spectateurs le plai-
sir de découvrir ce line-up impression-
nant (bien qu’inégal), on vous conseille
de ne pas rater les passages de Thomas
Ngijol (mémorable), de Djimo ou de Mon-
sieur Fraize. Bonnes vannes, program-
mation de haut vol et mise en scène lé-
chée : pour une première, c’est une vraie
réussite. — Rossana Di Vincenzo

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Dans sa vie, chacun
est amené à être
plusieurs personnes.
En faisant interpréter
une héroïne bosselée
par différentes
comédiennes,
le tour est joué.

cheté du héros. Pas sympathique, vani-
teux mais aussi fatigué de l’être, il s’ex-
pose à la fragilité de sa condition. Que
poursuit-on, que fuit-on quand on est ro-
mancier? Pour qui écrit-on? A partir de
quand reconnaissance rime avec compro-
mission? Autant de questions qui, visible-
ment, obsèdent le duo de réalisateurs ar-
gentins qui avait déjà traité de l’art et de
l’imposture, avec L’Artiste, en 2008.
Retrouvant des accents de la grande
comédie italienne de jadis, Citoyen d’hon-
neur bénéficie du talent d’Oscar Mar-
tínez (sacré meilleur comédien à la Mos-
tra de Venise 2016), déjà remarqué dans
Les Nouveaux Sauvages. Sauvage, ce film
l’est aussi. Point de goudron ni de plumes
comme au Far West, mais presque. Le
titre aurait pu être « Règlement de
comptes à OK Salas ». — Jacques Morice

Télérama 3630-3631 07 / 08 / 19
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