Télérama Magazine N°3630 Du 10 Août 2019

(Nancy Kaufman) #1

190 t On aime un peu... y ... beaucoup u ... passionnément r ... pas du tout I Pas vu mais... faut voir


tnt câble | satellite


y 20.50 Canal+ Cinéma Film


Shéhérazade


| Film de Jean-Bernard Marlin (France, 2018)
| Scénario : J.-B. Marlin, Catherine Paillé | 105 mn.

Inédit | Avec Dylan Robert (Zachary), Kenza


Fortas (Shéhérazade), Idir Azougli (Ryad),


Lisa Amedjout (Sabrina), Kader Benchoudar


(Mehdi Mouton), Sofian Bentoumi (Zelda).


| GenRe : CouP De FRAIS.

Marseille, ses quartiers difficiles, ses tra-


fics, sa violence, mais sans le folklore. La


vérité de cette ville où il a passé son en-


fance, Jean-Bernard Marlin la cherche


dans les visages de ses personnages, mé-


tissés comme leur langage. Avec Zac, qui


sort de prison, à 17 ans, pour repartir dans

un foyer dont il s’échappe, court dans les


rues, vole à l’arraché et s’envole sur une


moto, c’est Marseille qui vibre, dangereu-


sement. Et dans les yeux mélancoliques

de Shéhérazade, prostituée adolescente,


se reflète la sombre dureté de la cité pho-

céenne... Porté par la grâce de deux comé-


diens non professionnels, Dylan Robert et


Kenza Fortas, eux aussi marseillais, ce


premier long métrage noue d’emblée des


liens avec le cinéma de Pialat (A nos


amours) et celui de Kechiche (La Vie


d’Adèle), réalisateurs passionnés par la


jeunesse. Celle de Zac et de Shéhérazade


appartient déjà au passé : elle se lit sur


leurs traits, mais eux semblent l’avoir ou-


bliée. Elle se vend, il surveille ses clients,


encaisse l’argent... Et puis, histoire simple


et magnifique, l’amour surgit entre eux et


les rend à leur jeunesse, qui refleurit,


comme un besoin de fusion réparatrice.


Avec sensibilité et intelligence, Jean-

Bernard Marlin a construit ce film autour


d’une question d’actualité : le respect de la


femme, quelle qu’elle soit. En plongeant


dans un milieu machiste, où le mépris


pour les filles de la rue conforte un senti-


ment de domination, le jeune cinéaste sé-


duit, d’abord, par sa générosité, et impres-


sionne, finalement, par son courage et sa

vigueur critique. — Frédéric Strauss


y 14.00 TV5 Monde Téléfilm

V comme Vian


| Téléfilm de Philippe Le Guay (France, 2011)
| 105 mn. Rediffusion | Avec Laurent Lucas
(Boris Vian), Julie Gayet (Michelle Vian),
Bernard Le Coq (Raymond Queneau).
« Quand j’écris des blagues, on me prend au
sérieux, et quand j’écris pour de vrai, on
croit que je blague. » Sous ce constat faus-
sement détaché pointe la tragédie d’un
grand écrivain qui souffrit de n’être jamais
reconnu comme tel. S’il s’empare de ce
drame intime et méconnu, V comme Vian
n’est jamais un film amer ni même une en-
treprise de démystification : la vie y pal-
pite au rythme du jazz et des nuits de
Saint-Germain-des-Prés, l’ima ginaire du
génial Bison ravi y déborde à chaque ins-
tant (au gré de belles trouvailles visuelles,
séquences animées ou burlesques), les
mots virevoltent comme les danseurs du

t 20.40 OCS City Film

Euforia


| Film de Valeria Golino (Italie, 2018) | Scénario : V. Golino, Francesca Marciano et Valia Santella
| 110 mn. Vo. Inédit | Avec Riccardo Scamarcio, Valerio Mastandrea, Isabella Ferrari.
| GenRe : SouDAIn, Le DeRnIeR éTé.
Le flamboyant Matteo mène une existence opulente et survoltée loin d’Ettore, son
grand frère bourru. Tout change le jour où le rugueux aîné développe une tumeur fa-
tale au cerveau...
Pour son deuxième long métrage en tant que réalisatrice (après Miele, en 2013), Va-
leria Golino raconte un adieu lancinant mais chaleureux, un deuil anticipé, mais aussi
une relation fraternelle vivace : de ce côté-là, rien n’est incurable entre les deux beaux
personnages masculins. Ettore (Valerio Mastandrea) n’est pas dupe : il sait qu’il va mou-
rir. Et les efforts de son encombrant frangin l’agacent d’autant plus qu’ils le touchent.
D’abord très entourée — un brouhaha moins convaincant de collègues, famille, amant-
ami —, la fratrie se resserre pour un dernier dialogue. Matteo, c’est Riccardo Scamarcio
(Romanzo criminale), magnifique d’énergie fanfaronne et blessée. — Cécile Mury

2018 Gek

O Films/Arte FrAnce

cinémA

| AndreA

Pirrell

O

L’Italien des villes et
l’Italien des champs.
Entre ces deux frères,
rien de commun.
Mais quand l’un d’eux,
malade, va mourir,
tout leur devient
commun.

Ah, Marseille... un film sur toi sans délinquants


reste à faire. En attendant, celui-ci est très bien.


Tabou. Le déchirement sous la fantaisie,
la brutalité après la poésie : Laurent Lucas
joue formidablement toutes les variations.
Philippe Le Guay et le scénariste Didier
Vinson ont réussi à raviver l’esprit de
l’écrivain, à faire sentir l’urgence de vivre
et de créer qui guida celui-ci, emporté par
une crise cardiaque à 39 ans, en 1959. Ni
biopic ni hommage, leur film affronte aus-
si les contradictions de l’auteur du Déser-
teur, pourfendeur de l’ordre établi qui bri-
guera, en vain, les honneurs de Gallimard.
Une « aristocratie des lettres » qui le juge
trop potache, puis trop sulfureux après le
scandale de J’irai cracher sur vos tombes.
Dans cette vie-là comme dans ce film ins-
piré, réel et imaginaire se nourrissent, se
confondent et se combattent jusqu’aux
portes de la mort. — Isabelle Poitte

Télérama 3630-3631 07 / 08 / 19
Free download pdf