Télérama Magazine N°3630 Du 10 Août 2019

(Nancy Kaufman) #1


TAHITI ET MOOREA LES ÎLESTAHITI ET MOOREA LES ÎLES


Et pourtant, on en avait déjà vu, des palmiers. On pen-


sait que ces plantes arborescentes ne nous impressionne-


raient plus beaucoup, et puis, un jour de février, on s’est re-


trouvée à l’ombre d’un cocotier de la plage Temae, à Moorea.


Un stipe fuselé comme une cuisse de mannequin, d’une hau-


teur de trois ou quatre étages d’immeuble, un houppier de


palmes riquiqui surmonté d’un halo solaire bien net... et à


son pied une vaste plage immaculée, une eau cristalline, des


poissons multicolores, des raies débonnaires. En face, Tahi-


ti ennuagée essuyait l’un de ces grains qui rendent la végéta-


tion coruscante et les voyageurs (et voyageuses) extatiques.


Lorsque soudain l’angoisse nous saisit : pour venir jusqu’en


Polynésie française, on avait été transportée par une com-


pagnie low cost qui déverserait bientôt des hordes de va-


canciers prêts à éteindre leurs mégots dans un sable dou-


teux piqué de parasols tape-à-l’œil. Donc de transformer ce


paradis franc en cliché de vacances façon Martin Parr.


Car le fait est là : le bout du monde est (presque) à portée


de bourse. Depuis l’année dernière, la compagnie à bas coût


French Bee relie Paris à Papeete (via San Francisco) en une


vingtaine d’heures de vol pour moins de   euros l’aller-


retour — sans valise ( euros le bagage en soute) ni repas


( euros le plateau). Des tarifs encore conséquents, mais


moins élevés que ceux pratiqués jusqu’alors par Air France


et Air Tahiti Nui. « C’est bien, il faut ouvrir le ciel, se félicite


Heiura Itae-Tetaa, une entrepreneuse tahitienne de  ans


soucieuse de prospérité économique, créatrice de la start-


up Speak Tahiti. L’arrivée de French Bee a fait baisser les prix,


on peut voyager plus facilement. Pour


les consommateurs, c’est plus juste. »


Pro tant aussi de l’arrivée sur le mar-


ché d’United Airlines, les globe-trot-


teurs ne se sont pas fait prier, et le ter-


ritoire d’outre-mer a vu le nombre de


ses visiteurs augmenter de près de  


en , atteignant   personnes.


Une tendance con rmée au premier


trimestre , avec une hausse de  


sur un an. Il y a quelques années, le


gouvernement local a même ambition-


né d’atteindre les   visiteurs à


l’horizon . L’objectif a été réactua-


lisé à  , mais avec l’explosion


mondiale du tourisme, qui a précipité


l’an dernier ,  milliard de prome-


neurs sur les routes de la planète, tous


les espoirs de records sont permis.


« Nous cherchons à développer le tou-


risme, mais pas le tourisme de masse »,


défend Caroline Tang, déléguée de la


Polynésie à Paris. A l’entendre,


l’époque où l’on faisait à Tahiti ou à Bo-


ra Bora « le voyage d’une vie » (celui de sa


lune de miel) est révolue. Il n’empêche.


Pilier économique du pays, le secteur a


récemment béné cié de , milliards


de francs paci ques (, millions d’eu-


ros) d’aides par le Fonds européen de


développement, destinés à augmenter


la capacité hôtelière et à améliorer


l’accueil des villégiateurs — Américains


et Français, puis Européens, en tête. A


Tahiti, un projet de « village polyné-


sien », posé entre l’aéroport et la capi-


tale, devrait bientôt doubler le nombre


de chambres disponibles sur le terri-


toire — la candidature d’investisseurs


néo-zélandais vient de tomber à l’eau,


mais le projet a toutes les chances


d’aboutir. Des travaux de rénovation


ont été programmés au Cook’s Bay de


Moorea (l’île la plus proche voisine de


Nager seul avec les
requins et les raies
de Moorea, l’île
voisine de Tahiti,


sera-t-il encore
possible dans
quelques années?



Télérama 3630-3631 07 / 08 / 19
Free download pdf