Là où l’eau
est
comme
un second ciel
Olivier Cena
. L’inspiration fuit Matisse, qui s’embarque
pour Tahiti. La vie simple des pêcheurs de perles
dans la beauté époustoulante du lagon lui
rendra le goût de peindre ses émerveillements.
Comme chaque matin de bonne heure, Matisse en le
son maillot de bain, protège ses yeux avec les lunettes en bois
que se fabriquent les pêcheurs de perles et, accompagné de
Gustave, entre dans le lagon turquoise moiré de jade. Il
contemple la splendeur des poissons tropicaux : le vache
jaune citron, le perroquet aux écailles arc-en-ciel, le co re
ponctué noir et blanc au ventre bleu tavelé d’orange, le pa-
pillon jaune d’or zébré de noir, le labre merle verdâtre, la
vieille coquette orange et bleue, le labre nettoyeur rayé noir
et bleu électrique ou la girelle échiquier à la tête verte grêlée
de rouge. Il observe au-dessous de lui les pêcheurs de perles
armés d’un harpon s’aventurer vers les fonds. L’eau est claire,
pure, transparente, « comme un second ciel », pense-t-il...
Trois mois plus tôt, le février , une pluie froide
tombe sur le port du Havre que quitte un paquebot transat-
lantique. A peine le navire s’est-il éloigné des côtes de France
que Matisse regrette déjà de s’y être embarqué. Son épouse,
Amélie, sou rante, n’a pu l’accompagner, et le souvenir de
Nice, où il vit, prend bientôt le pas sur le projet aventureux
qu’il s’est inventé : aller à New York à bord de l’Ile-de-France,
puis rallier San Francisco en train ; de là embarquer pour Ta-
hiti à bord du steamer le Tahiti, et revenir par le canal de Pa-
nama. Le voyage doit durer cinq mois. Matisse est alors âgé
Là où l’eau
est
comme
un second ciel un second ciel
Télérama 3630-3631 07 / 08 / 19