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L’îLe
sanctuaire
Tabou, de Friedrich Wilhelm Murnau (1931)
A Bora Bora, dans une Polynésie
littéraire, telle que Conrad et
Stevenson l’ont exaltée, Murnau
aspire à la consolation après
ses déconvenues hollywoodiennes.
Mieux, il cherche un paradis pas
encore perdu et élabore sur place
une double histoire d’interdit.
Une jeune femme amoureuse est
déclarée intouchable par les
dirigeants d’une île voisine. Et une
partie des eaux devient taboue,
hantée par un terrifiant requin.
Eblouissement devant ce film rare,
même si le point de vue du cinéaste
est finalement celui du voyageur
arrivé trop tard : le sanctuaire a déjà
été profané, soit par les colons,
soit par un début de civilisation et
de corruption, mystérieusement
intrinsèque à la vie sur l’île.
Les îLes prisons
Du Mépris (1963) à L’Ile aux chiens (2018)
« Vas-y toi, à Capri! » lance
une Brigitte Bardot dédaigneuse,
comme un pressentiment. Dans
l’adaptation de Moravia par
Godard, le joyau de la baie de Naples
deviendra, de fait, le théâtre d’un
désamour sans appel, la prison
d’une femme déçue... Le thème de
l’enfermement insulaire revient dans
Shutter Island (2010, photo
ci-dessus), de Martin Scorsese,
derrière les murs d’un hôpital
psychiatrique où culminent la
schizophrénie et la paranoïa
d’un Leonardo DiCaprio sous
camisole chimique... Récemment,
L’Ile aux chiens, de Wes Anderson,
où l’on parque les bêtes décrétées
porteuses d’une grippe fatale,
évoque les zones insalubres
où s’entassent les populations
déplacées, indésirables. Avec cet
arbitraire terrifiant qui frappe tel
groupe, telle ethnie ou telle religion.
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rK
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Pictures | 2010
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