Télérama Magazine N°3630 Du 10 Août 2019

(Nancy Kaufman) #1

76 t On aime un peu... y ... beaucoup u ... passionnément r ... pas du tout I Pas vu mais... faut voir


Documentaire


☞ pèces animales — et imagination pro-


duit des mondes incroyables. Une pe-


tite voix en nous se dit : « Si seulement je


pouvais m’y confronter. »


Dans la dernière partie du film,


vous concluez : « nous serons maîtres


de notre futur si aujourd’hui


nous sommes maîtres de notre


imagination. » Que voulez-vous dire?


L’imaginaire seul, débridé, est perçu


comme une forme de folie par certains


philosophes s’il n’est pas relié à ce que


nous sommes aussi : des êtres de rai-


son, de connaissance, et des individus


appartenant à des groupes. Dans l’ex-


ploration spatiale en général, et la re-


cherche d’exoplanètes en particulier,


la curiosité et l’imaginaire sont focali-


sés sur la quête des origines au sens du


commencement, et celle du destin.


Les chercheurs pensent qu’en trou-


vant d’autres formes de vie ailleurs, ils


en apprendront davantage sur la vie


terrestre, son évolution passée, pré-


sente et à venir. En comprenant d’où


l’on vient, on cherche aussi à se distin-


guer, à comprendre en quoi nous se-


rions différents. En découle une ques-


tion essentielle : quel peut être notre


extrasolaire, Minerva  B, nouvelle


frontière située à 4,5 années-lumière


de la planète bleue. Ils tentent ensuite


de donner corps à une prodigieuse


mission d’exploration inhabitée qui


occuperait des générations jusqu’à


l’aube du XXIIIe siècle.


Philosophe, historien des sciences


et théologien, Jacques Arnould est aus-


si chargé des questions éthiques au


Centre national d’études spatiales


(CNES). Interrogé dans le film, il dé-


fend les vertus d’une exploration spa-


tiale visant à renseigner l’homme sur


lui-même.


L’ odyssée interstellaire suppose


que nous serons capables d’envoyer


vers Proxima du centaure (système


planétaire le plus proche du nôtre)


un gigantesque vaisseau piloté


par une intelligence artificielle


surpuissante, au siècle prochain.


en quoi le caractère inhabité d’une


telle mission change-t-il la donne?


Pendant longtemps, l’exploration,


d’une voie maritime ou autre, impli-


quait un engagement de l’homme et


son retour pour raconter ce qu’il avait


vu et, pourquoi pas, encourager à ex-


plorer de nouveaux horizons. Depuis


quelques décennies, nous sommes ca-


pables d’envoyer des sondes dans l’es-


pace. Or, jusqu’à présent, un robot ne


vit pas la même expérience qu’un hu-


main. Mais les promoteurs de l’intelli-


gence artificielle l’affirment : « Attendez


quelques années et les robots rempliront


toutes les missions des explorateurs. » Y


compris celles de restituer des sensa-


tions analogues à celles des hommes.


Pourquoi cette propension de


l’homme à explorer des zones aussi


inaccessibles et dangereuses?


Selon moi, cela tient notamment à


l’imagination, cette capacité propre à


l’être humain de s’absenter dans un ail-


leurs à la fois géographique et tempo-


rel. Si L’Odyssée interstellaire reste en


partie fictionnelle, cette série s’appuie


sur un socle de connaissances acquises


depuis une vingtaine d’années dans le


domaine des exoplanètes, et plus en-


core pour ce qui a trait à l’idée même


de la vie. Le savoir scientifique donne


une idée de ces mondes que nous avons


aussi construits en partie grâce à notre


imagination. Le cocktail curiosité


— une faculté partagée avec d’autres es-


Bienvenue
sur Minerva B,
une exoplanète à
4,5 années-lumière
de la Terre. Quand
la science se met au
service d’une fiction,
c’est convaincant.

Télérama 3630-3631 07 / 08 / 19
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