Télérama Magazine N°3630 Du 10 Août 2019

(Nancy Kaufman) #1
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Du 10 au 16 août


MeMento/Arte 2018 | Pierre (LAPin) Le Bruchec


futur dans notre originalité ou, à l’in-


verse, dans notre similarité avec


d’autres formes de vie complexes? Or,


pour l’espèce humaine, anticiper


l’avenir est crucial car cela lui permet


de s’orienter autant que possible pour


mieux tenter d’échapper à certaines


catastrophes.


Justement, en référence


à la catastrophe du dérèglement


climatique, l’astrophysicien


américain adam Frank considère


que « l’on n’atteindra pas les étoiles


si l’on ne préserve pas la terre ».


Adam Frank a raison : si nous voulons


aborder des territoires aussi lointains


et inconnus, il nous faut prendre des


mesures radicales ici et maintenant,


sans quoi ce type d’odyssée n’aura pas


lieu. En revanche, lorsqu’on me dit


d’oublier l’espace et de revenir sur


Terre, je réponds, en tant qu’observa-


teur engagé du spatial, que l’explora-


tion a été et continue d’être une source


d’enseignement nous éclairant sur la


manière dont nous devons aborder


notre espace commun et connu.


Concevoir notre planète comme


un patrimoine à préserver,


nous en sommes malheureusement


encore loin...


Certes, mais l’exploration spatiale


peut justement servir de modèle pour


mieux préserver notre bien commun


sur Terre. N’avons-nous pas déclaré


l’espace « patrimoine commun à pro-


téger »? En réalité, les explorateurs,


les astronautes particulièrement, ont


toujours accepté des contraintes, sur-


tout matérielles, qui doivent nous invi-


ter à nous interroger dès aujourd’hui


sur notre mode de vie sur Terre, notre


propension à gaspiller, à privilégier le


confort, etc. Dans le pire des scénarios,


si notre planète devenait inhabitable,


il n’est pas impensable que nous puis-


sions envoyer un vaisseau génération-


nel pour tenter d’aller vivre sur une


exoplanète, à l’instar du film Interstel-


lar, de Christopher Nolan. Les condi-


tions de vie de cette communauté se-


raient alors des plus drastiques en


termes de ressources, de natalité, de


mortalité... Autant s’y préparer, même


si avant de se détacher totalement de


notre planète, il faudra encore


attendre une éternité.


Propos recueillis par Yohav Oremiatzki


A lire : La Lune m’a dit..., de Jacques


Arnould, éd. du Cerf, 176 p., 18 €.


y
L’Odyssée
interstellaire
Samedi 20.50
Arte

L’ ACtu DVD, VOD...


musique À la carte


Par Eléonore Colin


L’été 2019 sera psychédélique


ou ne sera pas. Fin juin, Red Axes


déployait sa sono mondiale


au Sónar, le festival électro culte


de Barcelone, lors d’un concert


torride, extatique... à savourer


sur la plateforme France.tv.


Flanqué de machines, d’un batteur


frénétique et d’une guitare


électrique, ce duo de Tel-Aviv


brille dans l’art de brouiller


les pistes. Son public espagnol


gravitait ainsi, survolté, entre


techno acid, post-punk, italo-


disco, house israélienne et


musiques subsahariennes...


Et pour cause! Nav Irzi et Dori


Sadovnik reviennent d’Ethiopie


et de Côte d’Ivoire où ils ont


enregistré de folles polyrythmies.


D’où la puissance fédératrice


de leur musique, étoilée


sur scène de vidéos fluo.


Un certain psychédélisme


infuse aussi LP5, le dernier album


du Berlinois Apparat, alias Sascha


Ring. Ex-membre du trio électro


hip-hop Modeselektor et


fondateur du label d’IDM


(Intelligence Dance Music),


Shitkatapult, ce doux « raver »


donnait, le 29 avril, un live stellaire


au Palais de la découverte,


aujourd’hui disponible sur Arte


Concert. L’écrin parfait pour sa


« pop music de chambre »... Mêlant


sons électroniques (nappes


cosmiques, glitchs, distorsions)


et acoustiques (guitare, basse,


batterie, trombone, violoncelle,


Apparat (Sascha Ring) : des nappes cosmiques, un chant éthéré... pour bien planer.

Musique


violon), quatre musiciens font


écho à son timbre séraphique.


Si Apparat a grandi au son de la


techno de Détroit (Underground


Resistance, Jeff Mills), il puise


aussi ses racines dans le krautrock


(« rock choucroute », ou rock


expérimental allemand).


Ce courant d’avant-garde


– né de la synthèse entre musique


minimaliste, rock psychédélique


et free jazz – dénonçait dès la fin


des sixties l’aliénation de l’homme


moderne par la technologie.


Ses héros se nommaient Klaus


Schulze, Amon Düül, Can, ou


encore Klaus Dinger (1946-2008).


Batteur originel de Kraftwerk,


ce dernier fondait, en 1971 à


Düsseldorf, le groupe Neu! avec


le guitariste Michael Rother, pour


dépasser un terrible chagrin


d’amour. Sa marque de fabrique?


L’hypnotique « motorik beat » : un


jeu de batterie implacable qui se


répète à l’infini, comme le bruit


des machines à l’usine ou le


ronron d’une autoroute. Réalisé


par Jacob Frössén et visible sur


Arte.tv, un documentaire ardent


retrace son parcours. Klaus


Dinger. Aux avant-postes


de la techno rend ses lettres


de noblesse à ce génie méconnu


qui révolutionna l’histoire de


la musique dans la douleur. Et


influença Iggy Pop, David Bowie,


Stephen Morris (New Order) ou


Bobby Gillespie (Primal Scream)...


Rien que ça!


Télérama 3630-3631 07 / 08 / 19
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