MONDE
Vendredi, à Lausanne, une marche pour le climat a clôturé le premier meeting international de FFF.PHOTO DENIS BALIBOUSE. REUTERS
Pendant une
semaine, des
jeunes grévistes
pour le climat
venus de toute
l’Europe se sont
réunis au bord du
lac Léman. Objectif:
faire évoluer le
mouvement et ses
modes d’action.
E
n ce début août, le
grand amphi de l’uni-
versité de Lausanne
affiche complet. Plusieurs
centaines de jeunes sont
alignés en rangs, derrière
des tables encombrées par
les ordinateurs portables et
les gourdes. Sur l’estrade,
d’autres jeunes, micro en
contrer les eurodéputés éco-
logistes. Des quatre villes qui
s’étaient portées candidates,
Lausanne a été choisie pour
sa position géographique
et l’engagement de son
groupe local.
«Consensus».Un quota
de 30 représentants par pays
a été instauré pour«éviter la
surreprésentation des pays
les plus mobilisés, et les plus
proches, comme la France,
la Suisse et l’Allemagne,
explique Kelmy Martinez,
l’un des organisateurs.Notre
but est de prendre
d e s d é c i s i o n s
représentatives du
mouvement dans
son entier. C’est aussi pour ça
qu’on a choisi un système de
consensus, qui évite aux petits
pays ou à ceux qui font enten-
dre une voix différente d’être
écrasés par la majorité.»
L’organisation, digne d’un
mini-sommet climatique qui
se serait égaré dans un centre
de vacances, est impression-
nante, surtout pour un
mouvement aussi récent et
résolument horizontal.
Réunis en assemblée plé-
nière, les jeunes se sont pro-
noncés sur un texte posant
les principes et valeurs du
mouvement, ses stratégies et
ses revendications.
La première version, compo-
sée de l’ensemble des propo-
sitionsenvoyéesenamontdu
sommet par les participants,
était par nature hétéroclite. Y
figurait par exemple côte à
côte l’interdic-
tion des voitures
envilled’ici2030,
la nécessité de
mieux informer de l’ampleur
de la crise climatique et
celle d’accueillir les réfugiés
climatiques. Pour l’améliorer,
tous les participants, réunis
par petits groupes, ont pro-
posé des clarifications ou re-
fusé certains éléments. Le
groupe stratégique –des vo-
lontaires en chaussettes assis
en cercle dans une salle un
peu à l’écart– s’est ensuite
chargé toute la semaine de
prendre en compte ces pro-
positions pour amender et
épurer le texte.
Al’issuedelonguesheuresde
votes, les participants se sont
finalement mis d’accord sur
trois revendications majeu-
res: maintenir le réchauffe-
ment sous 1,5 degré, garantir
la justice climatique et écou-
ter les scientifiques. Greta
Thunberg, initiatrice du
mouvementavecsapremière
grève scolaire en août 2018,
est elle aussi venue à Lau-
sanne, avant de prendre la
route de New York, où elle
doits’exprimerausommetde
l’ONU sur le climat. Toujours
installée en fond d’amphi, la
petite Suédoise s’est faite dis-
crète et a évité les prises de
parole publiques.
Après un début d’année en
fanfare, qui a culminé sur
la grève internationale du
15 mars et son 1,6 million de
participants, ce sommet d’été
estbienvenupourunmouve-
ment qui s’interroge sur ses
modes d’actions. Pour beau-
coup ici, il faut passer à la vi-
tesse supérieure. Aurore, Avi-
gnonnaise de 17 ans, trépigne
à l’entrée de la plénière.«On
ne s’est pas adaptés nous-mê-
mes à l’urgence climatique.
C’est comme si on était encore
dans les années 70 et qu’on ve-
nait de découvrir le réchauffe-
ment. On fait encore des mar-
ches alors qu’on devrait agir
plus concrètement.»Matteo
est à fond pour des actions
coup-de-poing,quiviseraient
aussi les entreprises.«Chez
nous, on s’est enchaînés de-
vant une banque. Un émis-
saire a donné les clés de la
chaîne au directeur pour
l’obliger à descendre discuter
avec nous.»Autre débat ré-
current cette semaine: le rap-
port au capitalisme. Faut-il
en sortir pour sauver l’envi-
ronnement?
Décroissance.Après un
atelier avec Julia Steinber-
ger, professeure d’écologie
sociale à l’université de
Leeds, portant notamment
sur la culture de l’automo-
bile, la discussion s’engage et
révèle une ligne de fracture
entre délégations de l’est et
de l’ouest de l’Europe. Les
jeunes venus d’anciens pays
du bloc soviétique sont prêts
à avancer sur l’idée de la
décroissance mais refusent
de se dire anticapitalistes.
Même au-delà des différen-
ces de cultures politiques, le
sujet divise dans un mouve-
ment qui a fait de son
caractère apartisan l’une de
ses forces.«Il faut être
réaliste : 95 % des gens ne
veulent pas sortir de ce sys-
tème, on ne pourra pas les
faire changer d’avis en si peu
de temps,affirme un jeune
Polonais.Mieux vaut miser
sur le marché.»A l’issue de
l’atelier, Julia Steinberger
félicite les participants :
«Vous pouvez être fiers de
vous. Les questions sur les-
quelles vous débattez sont de
haute volée. Vous êtes en
train de les imposer dans l’es-
pace public.»•
«Fridays for Future», colo écolo à Lausanne
main, déroulent le pro-
gramme et les objectifs de la
semaine. Ils sont 450, tous re-
présentants des grévistes
pour le climat, venus en bus
ou en train de 38 Etats euro-
péens, de la Norvège à la
Turquie. Depuis lundi, ils se
sont réunis pour le premier
meeting international de
Fridays for Future (FFF),
achevé vendredi avec une
manifestation dans les rues
de Lausanne.
«Cette semaine est une formi-
dable opportunité de créer
des liens forts entre nous et
surtout de travailler ensem-
ble pour définir clairement
les lignes directrices du
mouvement»,explique Lou-
kina Tille, l’une des figures
des grèves scolaires en
Suisse. L’idée du rassemble-
ment est née en avril, après
la réunion à Strasbourg
d’une soixantaine de mem-
bres de Fridays for Future
venus de 20 pays pour ren-
Par
NELLY DIDELOT
Envoyée spéciale à Lausanne
HISTOIRE
DU JOUR
Oslo veut réduire de 95 % ses émissions
de CO 2 d’ici 2030A un mois des municipales,
la majorité rouge-verte qui dirige la capitale norvé-
gienne a dévoilé son plan vendredi. Elle parle de
«la stratégie climatique la plus ambitieuse de toutes
les grandes villes au monde».Parmi les mesures en-
visagées, la mairie veut que toutes les voitures in-
dividuelles roulant sur ses routes en 2030 soient
«propres».PHOTO AP
12 u Libération Samedi10 et Dimanche11 Août 2019