Monde-Mag - 2019-08-10

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10 août 2019 —MLemagazine du Monde

vingt-quatre heures avec ça » ,assure-t-il. Le récit plaisait bien entendu à
Tarantino qui, avant d’émerger,en1992, avec Reservoir Dogs ,travaillait dans
un vidéoclub et fréquentait avec le même désespoir serein les fast-foods,
entretenant une préférence pour les menusàbase de pommes de terre. Brad
Pitt reste convaincu que sa carrière obéitàunconcours de circonstances,
depuis son apparition dans Thelma&Louise (1991), de Ridley Scott. «Deux
acteurs devaient jouer le rôle, puis s’étaient engagés ailleurs. Sans ces deux
désistements, rien ne serait advenu pour moi. »
C’est bien entendu cette idée d’une destinée jouée sur un coup de dés
qui traverse Once UponaTime... in Hollywood .Dans le film, Rick Dalton
se trouve par exemple en concurrence avec Steve McQueen pour La Grande
Évasion .Sicedernier avait jeté l’éponge, la carrière du premier aurait pris
un autre cours. Des nuances que DiCaprio, auquel onatoujours déployé
un tapisrouge, se montraitincapable de comprendre.Àl’inverse de Brad
Pitt qui nageait comme un poisson dans l’eau dans l’Hollywood de 1969
réinventé parTarantino. «Dans Once UponaTime... in Hollywood, mon
personnage habite près d’un drive-in. J’ai grandi dans le Missouri, dans ce

que j’appelle le pays de HuckleberryFinn, près de la ligne Mason-Dixon qui
est la ligne de démarcation entre les États abolitionnistes du Nord et
les États esclavagistes du Sud, où se sont depuis développés les télévan-
gélistes. » Quand il part pour Los Angeles, avec 300 dollars en poche, c’est
avec «l’intention de ne plus jamais retourner chez [lui]. J’habitais à
quelques rues d’un drive-in, et je dormais régulièrement chez un ami dont
la maison donnait sur un écran géant. Autant vous dire que j’ai saisi d’em-
blée les ressorts de mon personnage. »
Il afallu àBrad Pitt et QuentinTarantino enseigneràleur comparse,sinon les
douleurs de l’existence, du moinslemalheur d’arriveràHollywood sans par-
venir,tout de suite,àpercer dans l’industrie du cinéma, si tant est qu’on y
arrive un jour. «J’ai empruntéàBrad l’origine géographique de mon person-
nage.Rick Dalton est issu comme lui du Missouri, explique DiCaprio, mais
ilsait qu’il finira paryretourner.» Une fois encore,l’acteur s’est mis dans la

roue de son partenaireàl’écran. Dans Once
UponaTime... in Hollywood
,son person-
nage est alcoolique. On le découvre dans sa
loge, sur le tournage d’un épisode d’une série
télé,se tapant presque la tête contre les murs.
Il se reproche son alcoolisme, puis se ressaisit
autour d’une formule magique : «TuesRick
“fucking” Dalton. »
Une scène quasiment
écrite sous la dictée de Brad Pitt. «Audébut
des années 2000, je traversais une dépres-
sion,
se souvient la vedette. Je fumais trop,
je me transformais en légume. Je suis bien
resté six mois allongé sur mon canapé à
contempler le plafond. Je me terrais littérale-
ment chez moi. Puis un amiatrouvé cette
expression qui m’a permis de tout déver-
rouiller :
Tu ne peux plus te conduire ainsi.
Tu es Brad Pitt.Tu es ‘fucking Brad Pitt’.

S’adresseràmoi àlatroisième personne m’a
permis de me relever.»

Reprenant presque les mots de son parte-
naire, DiCaprio avaitinsisté pour forcer le
trait, boireencore davantage quenelesug-
gérait le scénario, apparaître toujours plus
dépressif, porter une moustache épaisse,
requise pour son rôle de méchant. Il s’esti-
mait bon. Et il l’est. Car ce registre pathé-
tique lui va désormais comme un gant. «À
un moment, j’avais expliquéàLeonardo que
notre carrière pourrait peut-être continuer
quelques années, mais sans garantie,
se sou-
vient Brad Pitt. Après tout, nous sommes
peut-être des dinosaures nous apprêtant à
être touchés par une comète, condamnésàdis-
paraître. Moi, je suis prêtàça. »
Le regard
de DiCaprio, qui n’avait pas eu le temps
d’enleverses moustaches, défait, hagard,
affolé,avait frappé son partenaire.Et lorsque
Brad Pitt raconte cette anecdote dans la suite
du Carlton, DiCaprio n’a pas l’air plus
serein:ilserecroqueville, en position
presque fœtale. Le problème, aujourd’hui,
n’est plus seulement la place qu’on veut
bien lui laisser.C’est, qu’un jour,iln’en ait
plus du tout.
OnceUponaTime... in Hollywood (2 h41) ,
de QuentinTarantino. En salle le 14 août.
Miramax/Prod DB. Andr


ew Cooper/SonyPictures Entertainment

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