SAMEDI 10 AOÛT 2019 france| 9
Le renseignement
à l’épreuve du
débat législatif
Les échanges promettent d’être
animés entre les pouvoirs exécutif
et législatif sur ce sujet sensible
A
près avoir exprimé, fin
avril, son souhait de
voir le Parlement
adopter en 2020 une
nouvelle loi sur le renseignement,
Yaël Braun-Pivet, présidente (La
République en marche, LRM) de la
commission des lois de l’Assem-
blée nationale, sait à quoi s’en te-
nir du côté de l’Elysée. Dans un do-
cument public fixant, mi-juillet,
la stratégie nationale du rensei-
gnement, le pouvoir exécutif,
sous la plume de Pierre de Bous-
quet, l’un des plus proches con-
seillers du chef de l’Etat, coordon-
nateur national du renseigne-
ment et de la lutte contre le terro-
risme, écrit : « Il n’est sans doute
pas opportun de bouleverser l’éco-
nomie générale de l’écosystème »
mis en place depuis 2015.
Mauvais œil
Mme Braun-Pivet n’a pas souhaité
répondre dans l’immédiat. Toute-
fois son entourage indique que
cette position n’entrave en rien le
travail de la mission d’évaluation
de la loi de renseignement de 2015,
préalable à un nouveau texte qui
débutera ses travaux en septem-
bre. Menée, notamment, par le dé-
puté Guillaume Larrivé (Les Répu-
blicains), elle livrera ses propres
conclusions sur la nature de la re-
fonte de l’encadrement du rensei-
gnement en France. Les échanges
promettent d’être animés entre
les pouvoirs exécutif et législatif
sur ce sujet sensible pour lequel
l’Etat a encore du mal à admettre
d’autres voix que la sienne.
En avril, Mme Braun-Pivet avait
assuré au Monde , que « le Parle-
ment a son rôle à jouer, il ne doit
pas abandonner les questions de
renseignement aux seuls experts et
aux services ». Sa volonté de voir
adopter un nouveau cadre légal
fait écho à un constat : la loi 2015 a
déjà fait l’objet de six modifica-
tions législatives, elle n’a pas éli-
miné une certaine insécurité juri-
dique dans l’exercice quotidien
des principaux services français.
Un nouveau texte permettrait de
combler le fossé toujours plus
grand entre l’état du droit et le pro-
grès continu des technologies et
de leurs capacités de surveillance.
La loi de 2015 n’avait, en réalité,
fait que « blanchir » des techniques
déjà utilisées – illégalement – par
les services de renseignement. Elle
n’avait, par ailleurs, fourni que
deux nouveaux outils aux servi-
ces : le suivi en temps réel sur les
réseaux des opérateurs de télé-
phonie et fournisseurs d’accès à
Internet, et la détection d’une me-
nace grâce à l’analyse par « un algo-
rithme » des données de commu-
nication. Depuis, la puissance des
moyens techniques a fait de tels
bonds en matière de recherche de
données personnelles que la pro-
tection juridique de ces mêmes
données, garantie par la loi, peut
être mise en danger.
Matignon voit également d’un
mauvais œil cette volonté réfor-
matrice du Parlement. Le gouver-
nement aimerait que l’interven-
tion sur la loi renseignement de
2015 « soit limitée ». Quoi qu’il en
soit, une clause de revoyure, ins-
crite dans cette loi de 2015, concer-
nant l’algorithme impose un pas-
sage devant le Parlement. A cette
époque, le législateur, jugeant en-
core peu abouti l’article sur cet
outil destiné à repérer la menace
terroriste de basse intensité, avait
demandé que ce dispositif soit
réexaminé deux ans après sa mise
en service. L’algorithme n’ayant
vu le jour que fin 2017, rendez-
vous est pris en 2020.
« Volonté politique »
Sollicité par Le Monde pour expli-
citer les termes de la stratégie nou-
velle du renseignement sur « l’éco-
nomie générale du système » ,
Pierre de Bousquet indique « qu’il
y aura un nouveau véhicule législa-
tif pour opérer quelques adapta-
tions utiles, mais il n’est sans doute
pas nécessaire de bouleverser l’en-
semble de l’organisation mise en
place depuis 2015 ». Pour lui, l’éco-
système actuel « garantit l’équili-
bre entre la protection des libertés
publiques et l’efficacité des services
de renseignement ». Il réfute tout
soupçon de mise à l’écart du Parle-
ment : « La stratégie nationale du
renseignement, publiée mi-juillet,
est un texte qui était prévu dans la
loi de programmation militaire du
18 décembre 2013, c’est seulement
la deuxième fois qu’un tel do-
cument informe ainsi la représen-
tation nationale. » De plus, dit-il,
« cette nouvelle stratégie nationale
est le fruit d’une véritable volonté
politique, après avoir consulté dix-
huit ministères ; les services de ren-
seignement sont un outil pour les
autorités, ce ne sont pas eux qui
fixent les objectifs ».
A partir du mois de septembre
s’ouvrira donc un débat serré en-
tre le Parlement et le gouverne-
ment, chaque camp ayant eu
le temps de fourbir ses argu-
ments. Pour s’y préparer, M. de
Bousquet a d’ailleurs demandé à
sa conseillère, Agnès Deletang, de
réunir, à plusieurs reprises, entre
mars et juin, les services dits « du
premier cercle » – direction géné-
rale de la sécurité extérieure
(DGSE), direction générale de la
sécurité intérieure (DGSI), direc-
tion du renseignement militaire
(DRM), le gendarme antiblanchi-
ment (Tracfin), direction natio-
nale du renseignement et des en-
quêtes douanières (DNRED) et di-
rection du renseignement et de la
sécurité de la défense (DRSD). Un
travail qui a permis de connaître
leurs attentes. C’est désormais le
conseiller aux affaires intérieures
du premier ministre, Eric Jalon,
qui a la main sur ce dossier. Il a
déjà assuré aux services que le
texte voté en 2020 ne serait qu’un
« toilettage » de la loi de 2015.p
jacques follorou
La loi de 2015
n’avait, en
réalité, fait que
« blanchir »
des techniques
déjà utilisées
- illégalement –
par les services
de renseignement
Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, et Christophe Castaner, le 5 février, à l’Assemblée. JACQUES WITT/SIPA
L’ex-patron suisse d’HSBC condamné
pour « blanchiment d’argent »
Peter Braunwalder a accepté, avec la procédure de plaider-coupable,
une peine de un an de prison avec sursis et 500 000 euros d’amende
L’
ancien patron de la filiale
suisse de HSBC, Peter
Braunwalder, a été con-
damné par le biais de la procé-
dure de plaider-coupable à un an
de prison avec sursis et
500 000 euros d’amende pour
des faits de complicité de blanchi-
ment de fraude fiscale et de dé-
marchage illicite de résidents
français. Cette procédure est le
dernier volet judiciaire de l’af-
faire HSBC, révélée par la « liste
Falciani », du nom de l’ancien sa-
larié informaticien Hervé Falciani
qui avait dérobé en 2008 des fi-
chiers portant sur 127 000 comp-
tes appartenant à 79 000 clients
de 180 nationalités, mettant ainsi
au jour les pratiques d’évasion fis-
cale et de blanchiment massives
encouragées par la banque
suisse.
En novembre 2017, HSBC Pri-
vate Bank, mise en examen pour
les mêmes délits en qualité de
personne morale, avait accepté
de payer 300 millions d’euros
d’amende afin d’échapper à un
procès. La banque avait signé la
première convention judiciaire
d’intérêt public (CJIP), instituée
par la loi anticorruption du
9 décembre 2016, dite loi Sapin 2,
destinée à moderniser et à ren-
forcer l’action du juge contre la
délinquance financière transna-
tionale. Cette convention per-
met à la justice d’obtenir la répa-
ration d’un préjudice, moyen-
nant non pas une reconnais-
sance de culpabilité de la part de
l’entreprise soupçonnée, mais
une simple reconnaissance des
faits. Elle n’est pas susceptible de
recours. Ce type de transaction,
inspiré des mécanismes anglais
et américain, a été étendu aux
faits de fraude fiscale par la loi
du 23 octobre 2018.
« Rompre avec le dogmatisme »
Dans l’affaire HSBC, l’administra-
tion française avait estimé à « au
moins 1,67 milliard d’euros » les
sommes frauduleusement sous-
traites à l’imposition avec le con-
cours de la banque. L’ex-chef du
Parquet national financier (PNF),
Eliane Houlette, partie à la re-
traite en juin, a défendu à plu-
sieurs reprises ce nouveau mode
de règlement des dossiers finan-
ciers, contre ceux qui s’opposent
à l’idée d’une justice « négociée ».
« Il y a des évolutions qui nous
contraignent à rompre avec le
dogmatisme d’une justice close
qui répète, de décennie en décen-
nie, les mêmes mythes, les mêmes
habitudes, les mêmes certitudes »,
avait-elle observé lors de
l’audience solennelle de rentrée
du tribunal de grande instance de
Paris le 21 janvier.
L’accord entre la société HSBC
et la justice n’avait toutefois pas
mis fin aux poursuites engagées
par le PNF contre l’ancien direc-
teur général de la banque. Pour
éviter lui aussi un procès, Peter
Braunwalder, 68 ans, a accepté la
peine proposée par le PNF dans le
cadre d’une « comparution sur re-
connaissance préalable de culpa-
bilité » (CRPC). Il a obtenu que
cette condamnation ne figure
pas au bulletin numéro 2 de son
casier judiciaire. Le contenu de
l’ordonnance du tribunal de Paris
rendue le 29 janvier a été dévoilé
mercredi 7 août par l’agence
Bloomberg.
Le parquet de Bruxelles a an-
noncé de son côté, mardi 6 août,
que dans le volet belge de l’af-
faire HSBC Private Bank a égale-
ment accepté une sanction fi-
nancière de près de 300 mil-
lions d’euros pour clore l’en-
quête pénale ouverte en 2014
pour « fraude fiscale grave » et
« blanchiment ».
Poursuivie pour les mêmes dé-
lits, la banque suisse UBS avait en-
tamé elle aussi en juin 2016 des
négociations en France en vue
d’une CJIP qui n’ont pas abouti. La
banque avait en effet estimé que le
montant minimum de 1,1 milliard
d’euros proposé par le Parquet na-
tional financier était trop élevé.
Elle a été condamnée le 20 fé-
vrier 2019 à Paris à 4,5 milliards
d’euros, dont une amende record
de 3,7 milliards et 800 millions
dus à l’Etat français à titre de dom-
mages et intérêts. La banque a fait
appel de ce jugement.p
pascale robert-diard
Embouteillage éditorial en vue
pour les municipales à Paris
E
lle n’est pas encore candidate et se déclarera le plus tard
possible, en décembre ou en janvier 2020, pour profiter
au maximum de son statut de maire de Paris, au-dessus
de la mêlée. Touche par touche, Anne Hidalgo n’en prépare pas
moins méthodiquement sa campagne. Prochain signe adressé
aux électeurs parisiens : la sortie, le 25 septembre, d’un livre in-
titulé (à ce stade) Paris avenir. Ce texte de 160 pages, publié par
les Editions de l’Observatoire, a été peaufiné avec Antoine Lei-
ris, l’auteur de Vous n’aurez pas ma haine (Fayard, 2016), em-
bauché en 2018 pour rédiger les discours de la maire. En atten-
dant un programme en bonne et due forme, il vise à ne pas
abandonner le terrain éditorial à ses adversaires.
Car, à Paris, capitale bourgeoise et intellectuelle, la campa-
gne des municipales se joue aussi dans les librairies. Les jour-
nalistes Nadia Le Brun et Airy Routier ouvriront le feu le
4 septembre avec Sainte-Anne (Albin Michel), une enquête à
charge dénonçant la politique d’Anne Hidalgo, dans le prolon-
gement de leur best-seller Notre-
Drame de Paris (2017).
Le même jour, Gaspard Gantzer, l’un
des outsiders de la campagne, publiera
Nous autres Parisiens (Fayard). « Un li-
vre permet de s’extraire du quotidien
pour poser des idées, des convictions, de
façon approfondie », plaide l’ancien
conseiller de François Hollande. « Les
textes de ce type sont rarement des suc-
cès d’édition, ajoute-t-il. Mais c’est aussi
l’occasion de faire le tour des libraires, des médias, de rencon-
trer des gens. »
Même logique pour Pierre Liscia, jeune élu de la droite pari-
sienne et ex-chroniqueur sur C8, qui publiera, le 2 octobre,
La Honte (Albin Michel). « J’ai honte de ce qu’est devenu Paris »,
assène-t-il : une ville « à l’agonie », marquée par « la pollution,
la saleté, la vie chère, l’insécurité, les embouteillages, le stress ».
Puis viendra le tour, en décembre ou janvier, de l’écologiste
David Belliard, qui a récemment signé son contrat avec la
maison d’édition – tout aussi écolo – Rue de l’Echiquier.
Benjamin Griveaux, le candidat de La République en mar-
che, n’a, lui, pas de livre en préparation. « Même si je le re-
grette, je ne crois pas que ce soit le bon format dans le monde
dans lequel nous vivons », juge-t-il. Une façon de plus pour
ce macroniste de la première heure de rompre avec l’« an-
cien monde ».p
denis cosnard
« C’EST L’OCCASION
DE FAIRE LE TOUR
DES LIBRAIRES »
GASPARD GANTZER
ancien conseiller
de François Hollande
P O L I C E
Enquête ouverte
après une fausse couche
en garde à vue
Une enquête a été ouverte
après la plainte d’une
femme enceinte de deux
mois ayant fait une fausse
couche le 7 août, après une
garde à vue dans un com-
missariat parisien. Cette
femme avait été interpellée
mardi après une agression
sur la voie publique. Refu-
sant d’être placée en cellule
de garde à vue au commissa-
riat du XIIe arrondissement
de Paris, elle s’est débattue
et les policiers sont interve-
nus pour la maîtriser. Les
fonctionnaires ont ensuite
appelé un médecin et elle a
été hospitalisée.
L’inspection générale de la
police nationale (IGPN) a été
saisie et un policier a été
suspendu à titre conserva-
toire « sans qu’à ce stade
un lien de causalité puisse
être établi entre la perte de
l’enfant et une éventuelle
faute », a précisé la préfec-
ture de police. – (AFP.)
E M P L O I
62 100 créations
de postes dans le privé
au deuxième trimestre
Le secteur privé a enregistré
62 100 créations nettes
de postes au deuxième
trimestre 2019, soit une
hausse de 0,3 %, selon des
chiffres provisoires de l’Insee
publiés vendredi 9 août.
Ces créations ralentissent
par rapport à un premier
trimestre marqué par
une accélération, avec plus
de 90 000 emplois créés.
Sur un an, l’emploi salarié est
en hausse de 1,3 %. – (AFP.)