Provence - 2019-08-14

(Jacob Rumans) #1
D’un coup, les arcs majestueux, les piliers robustes
ont semblésuspects. La catastrophe de Gênesn’a lais-
sé aux Provençaux d’autre choix que de se pencher
sur leur propre patrimoine: 733 pontssur le réseau
national routier surveillés par la Direction interdépar-
tementale des routes Méditerranée (Dir Med), plu-
sieu rs centainesconfiés aux soins de sociétés d’auto-
routes. Sans compter les autres:ponts municipaux,
orphelins, épars et non recensés. Dans la liste rendue
publique en septembre 2018par le ministère des
Transports sur l’état des "grands ouvrages" (plus de
7000 m²) du pays,11étaie nt situésenPro-
vence-Alpes-Côted’Azur:cinq auxmains de la Dir
Med, sixàcelles d’Escota et d’ASF (Vinci autoroutes).
Et si un seul (leviaduc de Caronte,àMartigues) affi-
chait un caractère d’urgence(voir ci-dessous),trois
autres nécessitaient d’importants travaux:deux à
Marseille(bd. National et bd. de Strasbourg) et un
sur l’A7, enjambant la Durance, aux mains d’ASF.

14M¤par an pour les ponts de la région
Un an après, tandisque l’ouvrage martégal pour-
suit sa mue, des études ont été lancées sur les deux
viaducsmarseillais, explique James Lefèvre, direc-
teur adjoint exploitationdelaDir Méditerranée, afin
"d’identifier et programmer les travaux d’entretien"
qui devraient être réalisés en 2021. Des études de ren-
forcement ont également été lancées sur le pont de
Savines qui enjambe le lac de Serre-Ponçon et qui,
bien que classé sans risque, est surveillé attentive-
ment. "Nous préparons ces études pour être en mesure
de faire ces travauxavant que l’ouvrage n’en ait be-
soin. L’objectif, c’est de ne pas rentrer en zone3ou3U
(classification réclamant de grosses réparations, par-
fois assorties de la mention "urgente", Ndlr)", pour-
suit le responsable. Pouryparvenir, le budget consa-
cré àl’entretien des ponts sous la surveillance de la
Dir Méditerrannée en Pacaaété gonflé-et ce, avant
même la catastrophe italienne. De8millions d’euros
par an en moyenne entre 2012 et 2016, il est passé à
14 millions entre 2017 et 2019.
Du côté des autoroutes, en revanche, il est moins
aisé d’en savoir plus. Été-ouvolonté de discrétion?-
oblige, ASF n’a pas été en mesure de confirmer si des
travaux avaient été engagés sur le pont qui enjambe
la Durance. Une chose est sûre:depuis l’épisodetra-
gique de Gênes, les gestionnaires-publics ou privés -
n’ont plus droitàl’erreur.

Marguerite DÉGEZ

U


ngrondement brutal sous
un ciel sombre qui vomit
des trombes d’eau;des
voituresetdes camions précipi-
tés dans le vide d’une hauteur de
45 mètres:lepont Morandi, du
nom de son architecte concep-
teur qui l’avait inauguré en 1967,
vient de s’effondrer dans sa par-
tie centrale sur une longueur de
200 mètres. Plongeant toutel’Ita-
lie et Gênes, dont il reliait les
quartiers de Cornigliano et de
Sampierdanera, dans le chaos.
Ce 14 août 2018, en fin de mati-
née, la rupture de l’ouvrage fait
de câbles d’acieretdebéton pré-
contraint provoquera la mort de
43 personnes, dont quatre Fran-
çais. Elle ne laisseraqu’un mira-
culé témoigner de sa chute au mi-
lieu des blocs et de l’enfer qui a
pris possession du sol où les sau-

veteurs s’affairent, tandis que
plus d’un millier de logements
sont vidés de leurs occupants.
Ce jour-là, la capitale ligure a
aussi perdu une artère vitale gé-
rée par la société Autostrade per
Italia, empruntée chaque jour
par des milliers de voitures et ca-
mions qui désormais vont devoir
accomplir un énorme détour
pour traverser la ville. Le port de
Gênes voit son activité réduite
d’environ8%et les pertes écono-
miques sontévalu éesàprès de
430 millions d’euros par la
Chambre de commerce. Accusé

d’avoir négligé l’entretiende
l’ouvrage malmené par le temps
et la fréquentation,c’est donc
l’exploitant Atlantia,propriété
du groupe textileBenetton, qui
devra payer la reconstruction.
Après que le reste du pont jadis
long de 1,14 km, dont ses piliers,
ait été démantelé. C’estàpré-
sent chose faite, puisque le
28 juin dernier les deux ultimes
piles de4500 tonnes ont été dy-
namitées.
Place doncàlareconstruction
d’un nouveau pont fait de métal,
imaginé parl’architecte Renzo

Piano.À82ans,celuiàquil’on
doit le Centre Pompidou ou en-
core le nouveau Palais de Justice
de Paris,adécidé de travailler
gratuitement. Un donàGênes,
sa villenatale. Le reste sera le fait
d’un groupement constitué des
entreprises Sailini-Impregilo, Fi-
cantieri et ItalFer. L’ouvrage
pourrait être achevé fin 2020. Ou
plus tard...
Mais l’onde de choc de l’effon-
drementafranchi la frontière
française. Réveillant la question
de l’entretiendes 200 000ou-
vrages d’art qui structurent

routes et voiesferréeshexago-
nales. Un premier rapport pu-
blié en septembre2018,et sur-
tout un second documentséna-
torial rendu en juin dernier, ont
tour àtour pointé du doigt les ca-
rences et les menaces qui pèsent
sur 25 000 ponts "qui présentent
un risque réel". 70 000 ponts sont
même dits "orphelins"parce
qu’on ne sait plus qui les gère...
D’où cette interrogation:fait-on
en France, et dans notre région,
tout ce qui doit être entre-
prispour préserver nos ponts?
Jean-Luc CROZEL

60


millionsd’euros:c’est


le prix du lifting pour


l'hôtel du Palaisde


Biarritz pouraccueillir


les sept plus grands


leadersmondiaux,le


G7 qui auralieu du


24 au 26 août.


Christian Tridon, président
du syndicat national des en-
trepreneurs spécialistes
des travaux de réparation
et renforcement de struc-
tures (le STRRES), milite
pour l’instauration "d’un
carnet d’entretien pour
chaqueouvrage"... "Cela
existe pour les ascenseurs,
pourquoi pas pour les
ponts?Onnesait même
plus combien il en existe en
France, quelle est leur typi-
cité et qui doit les entrete-
nir. C’est pourcelaque le
rapport sénatorial de juin
dernier parle de ponts or-
phelins et prône la mobilisa-
tion de moyens importants
pour la maintenance".
Christian Tridon reconnaît
"que l’accident de Gênes a
provoqué une prise de
conscience.Mais ilyaeu
des accidents en France,
par exemple en 1972 avec
l’effondrement de la voûte
du tunnel ferroviaire de
Vierzyqui avaitprovoqué
la mort de 108 personnes.
Mais ilyaune tendance à
l’oubli, or la vigilance doit
être constante. C’est pour
cela que je répète que nous
ne sommespasàl’abri,
qu’un jour ça nous arrivera
si on ne fait rien. Je dis éga-
lement qu’un ouvrage, c’est
comme un avion:lui aussi
transporte des passagers".
J.-L.C.

Il avait été frappé du sceau infamant "3U" dans la clas-
sification du ministère des Transports-qui signifie que
la structure est "gravement altérée et nécessite des tra-
vaux urgents"-dans la liste rendue publique au lende-
main de lacatastrophe génoise. D’où la viveémotion
des riverains du viaduc autoroutier de Martigues. Mais
une étude plus approfondie avait révélé que ce classe-
ment, effectué au début des années 2010, n’était plus
toutàfait pertinentàl’été 2018. Et pour cause. De-
puis 2012, les phases de travaux s’enchaînent pour sécu-
riser l’ouvrage-l’Étatyaconsacré environ 40 millions
d’euros. Chacun des 26 piliersasubi une inspection mi-
nutieuse, le système d’assainissementaété revu, un dis-
positif anti-suicide installé, l’étanchéité vérifiée. Rendu
àlacirculation en mars dernier, il subitjusqu’au
30 août la première étape de l’ultime phase de travaux :

la rénovation du revê-
tement routier. La se-
conde phase sera réa-
liséeàl’été 2020. En
parallèle, les travaux
de rénovation du
pont levant deMar-
tigues-propriété du
Grandport maritime
de Marseille et lui aus-
si dans le collimateur
du maire, Gaby Char-
roux-ont démarré. La première phasedevrait durerjus-
qu’en février 2020;larestauration complète de cet ou-
vrage mécanique de pointe, mis en service en 1962, est
estiméeàprès de5millions d’euros.

Hier, trois hommes ont offi-
ciellement déposé leur candida-
ture àlaprésidence des Républi-
cainsquiélirasonnouveauchef
en octobre.


  • Christian Jacobrevendique
    le soutien de la grande majorité
    des pontes du parti et des dépu-
    tés LR, dont il dirige le groupe
    depuis 2010.À59 ans, l’ancien
    ministre est un fin connaisseur
    de la machine LR. Mais cet élu
    de Seine-et-Marne tient surtout
    pourprincipalequalité de ne
    nourrir aucune ambition prési-
    dentielle. La garantie d’absence
    de querelleaprèscelle ayant op-
    posé François Fillon et
    Jean-François Copé en 2012.

  • JulienAubert,élu du Vau-
    cluse cite comme modèles"Phi-
    lippe Séguin et Charles Pasqua".
    Le condisciple d’Emmanuel Ma-
    cronàl’Ena, âgé, comme le pré-
    sident, de 41 ans, avait créé son
    mouvement Oser la France
    en 2017,s’imposant comme
    l’un des représentants de la
    branche souverainiste de LR. Ce
    natifdeMarseille,magistratde
    la Cour des comptes,oppose
    ses"convictions gaullistes"àses
    détracteurs qui l’accusent
    d’une certaine proximité avec le
    Rassemblement national.

  • GuillaumeLarrivé,député
    de l’Yonne depuis 2012,
    énarque, s’est fait connaître du
    grand publicàl’été 2018 en cla-
    quant la porte de la commission
    d’enquêtedel’Assemblée sur
    l’affaireBenalla, en dénonçant
    des"pressions"de l’Élysée. Ma-
    gistrat au Conseil d’État, le can-
    didat, âgé de 42 ans, s’est initié
    àlapolitique dans le cabinet de
    Nicolas Sarkozy au ministère de
    l'Intérieur, puis auxcabinets mi-
    nistérielsdeBrice Hortefeux.
    Sur les sujetsrégaliens et écono-
    miques, Larrivé tient une ligne
    "nationale et libérale".


Le chiffre


Le 28 juin dernier, ce qui restait du pont Morandiaété dynamité. Placeàlareconstruction /PHOTO AFP


"Un jour, ça peut


nous arriver..."


Un an après le drame de


Gênes, où en sont nos ponts?


La catastrophe quiafait 43 mortsaprovoquédes interrogations sur l’étatdenos ouvragesd’art


ÀMARTIGUES, LES RÉNOVATIONS S’ENCHAÎNENT


EN PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR


11 grands ouvrages sous haute surveillance dans la région


CONGRÈS LR


Àdroite,


trois offres


de sauvetage


France


SANTÉ


Infirmiers enpsychatrie,


denouvellescompétences
Lestatutd'infirmier"enpratique
avancée"(IPA), qui permet déjà
aux soignants formésdepres-
crire desmédicaments et exa-
mens médicaux pour certaines
maladies chroniques,aété éten-
du àla"psychiatrieetsanté men-
tale"par une série de textes pa-
rus hier au Journal officiel.

DIVERTISSEMENT


ÀParis, leprojet


Europacity divise
Des centaines de boutiques, une
salle de concert, des hôtels de
luxe, un parc d'attractions:lemé-
gacomplexeEuropacit yentend
s'implanter en 2027 au nord de
la capitale, mais le projet divise.
Aux portes de Paris, lesterres
arables du "triangle de Gonesse"
dans le Val d'Oise, qui ont fait la
richesse de la plaine de France,
attisent toujours les convoitises.
Promoteurs, commerçantset
écologistes nourrissent pour ces
dernières des projets concur-
rents.

25 millions


de véhicules circulaient


sur le pont en un an


ViaducdeCaronte(Martigues)
(travauxencours)

ViaducduBdNational(Marseille)
(étudesencours)

ViaducduBddeStrasbourg(Marseille)
(étudesencours)

PontsurlaDurance
(Pont-de-Mirabeau)

PontdeSavines
(Savines-le-Lac)

ViaducsurlaDurance
(Avignon)

PontsurleRhône
(Roquemaure)

ViaducduVarNord
(Nice)

ViaducduRank
(Saint-Sauveur)

Source:ministèredesTransports

Viaducdel'OliNord
Viaducdel'OliSud
(LaTrinité)

II
http://www.laprovence.com

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