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FRANCE
MARDI 20 AOÛT 2019
0123
Macron aborde
avec prudence une
rentrée à risques
Retraites, budget, PMA... Les dossiers délicats
s’accumulent pour le président, qui, soucieux
de mettre fin au procès en arrogance,
a promis un changement de méthode
C’
est paisible, Bormesles
Mimosas (Var). Le village
s’alanguit sur son rocher
audessus de la Méditer
ranée, insouciant
comme un lézard au so
leil. On danse avec le démon de minuit, on
boit des anisettes et on accueille avec cha
leur le voisin venu passer l’été au fort de
Brégançon. Samedi 17 août, Emmanuel et
Brigitte Macron participent pour la
deuxième année d’affilée à la cérémonie
commémorant la libération de la ville,
en 1944. L’habitude, espèreton au village,
pourrait devenir un rituel. Dans le bain de
foule, une femme s’adresse au président de
la République, les larmes aux yeux : « Si
vous saviez comme je suis contente de vous
rencontrer. » Même les angoisses sur la fu
ture réforme des retraites se formulent avec
nuance. « On sait que c’est compliqué... » ,
convient une jeune femme. La pente est
douce vers la rentrée.
L’exécutif a bon espoir de trouver devant
lui un terrain plus dégagé qu’à la même
époque en 2018. Nicolas Hulot et Gérard
Collomb quittaient alors le gouvernement,
l’affaire Benalla passait l’été, et personne ne
voyait que les « gilets jaunes » se dessi
naient à l’horizon. « Il n’y a plus Nicolas Hu
lot au gouvernement, donc il ne peut plus dé
missionner » , plaisanteton aujourd’hui à
Matignon, à la veille du conseil des minis
tres de rentrée, mercredi 21 août.
Les rondspoints se sont vidés, le taux de
chômage est descendu à son plus bas ni
veau depuis dix ans (8,5 %), et les opposi
tions – à l’exception de Marine Le Pen – ont
été pour la plupart laminées par les élec
tions européennes. Pendant ce tempslà,
l’agenda des réformes à venir de l’« acte II »
du quinquennat est plein : retraites, ouver
ture de la PMA à toutes les femmes, loi anti
gaspillage, en faveur des élus locaux, etc.
Jusqu’ici tout va mieux, veuton croire.
« La rentrée 2019 se présente sous de
meilleurs auspices que celle de 2018. A condi
tion que nous tirions tous les enseignements
de l’année compliquée que nous venons de vi
vre , estime Gilles Le Gendre, président du
groupe La République en marche (LRM) à
l’Assemblée nationale. Même si nous
aurions préféré l’éviter, c’est une chance que
cette crise des “gilets jaunes” se soit produite
si tôt dans le quinquennat. Elle a servi
d’alerte, nous a permis de corriger un certain
nombre de fragilités, en particulier dans no
tre relation aux Français. »
« ÉCOUTE, DIALOGUE, PROXIMITÉ »
A défaut d’un changement de cap, c’est une
« nouvelle méthode » de gouvernance qu’a
promis l’exécutif. Le pouvoir assure en avoir
fini avec l’arrogance des débuts. Une devise
toute neuve est inscrite sur son frontispice :
« Ecoute, dialogue, proximité. »
A BormeslesMimosas, par exemple, Em
manuel Macron a estimé qu’il faut savoir
« entendre » les désaccords qui peuvent s’ex
primer dans la société. Ce qui ne l’empêche
pas de penser – en même temps – que la
« crise profonde de doute » du monde occi
dental provient de « l’esprit de résignation ».
Traduit dans la bouche de Gilles Le Gendre –
toujours lui –, cela donne : « Nous ne devons
en rien renoncer à l’ambition transforma
trice. C’est elle qui incarne la personnalité du
macronisme. »
Le chef de l’Etat n’entend donc pas transi
ger avec son train de réformes. A commen
cer par celle des retraites. Cette dernière doit
notamment permettre de créer un système
universel à points, de supprimer les régimes
spéciaux, et de faire travailler les Français
« plus longtemps ». « Pour moi, cette réforme
des retraites, c’est un vrai sujet de société. Le
système actuel ne peut pas durer tel qu’il est ,
a assumé M. Macron, samedi, alors qu’il
était interpellé sur cette question par deux
femmes lors de son bain de foule. Je ne vais
pas vous dire : “On va travailler jusqu’à 62 ans
de toute éternité”, ce n’est pas vrai, ce serait ir
responsable de ma part. » Cette fermeté se
conjugue avec de l’ « écoute » : Edouard Phi
lippe doit ainsi recevoir les partenaires so
ciaux à Matignon, les 5 et 6 septembre, pour
évoquer le sujet. Force ouvrière et la CGT ont
d’ores et déjà prévu de descendre dans la
rue, fin septembre.
« Sur les retraites, on souhaite qu’il y ait un
débat avec les Français , assureton dans l’en
tourage du premier ministre. Vu la transfor
mation qu’on projette sur les vingtcinq à
trente prochaines années, il ne faut pas avoir
peur de prendre son temps. » Le calendrier du
projet de loi, qui pourrait arriver en conseil
des ministres à la fin de l’année (au plus tôt),
doit être arbitré prochainement.
« NOUS NE DEVONS
EN RIEN RENONCER
À L’AMBITION
TRANSFORMATRICE.
ELLE INCARNE
LA PERSONNALITÉ
DU MACRONISME »
GILLES LE GENDRE
président du groupe LRM
à l’Assemblée nationale
Emmanuel Macron
à BormeslesMimosas (Var),
en compagnie du maire de
la ville et de membres d’une
association de lutte contre
les feux de forêts, le 17 août.
YANN COATSALIOU/POOL/REUTERS
Avant les municipales, le spectre d’un remaniement ministériel
La perspective du scrutin de mars 2020 pourrait contraindre le président à modifier une équipe qui manque cruellement de poids lourds
L
a rumeur d’un remanie
ment gouvernemental,
c’est un peu comme la ma
rée : ça monte, ça descend... « Ça a
bruissé en juillet, ça bruisse moins
aujourd’hui » , observe une mi
nistre. Les vacances d’été sont
passées par là. Elles ont posé un
couvercle sur le sujet, qui agitait
la majorité au lendemain des
élections européennes. « Il y aura
sûrement des ajustements à la
Toussaint » , assurait ainsi un pro
che du premier ministre,
Edouard Philippe, avant la trêve
estivale. Matignon se garde
aujourd’hui d’alimenter cette
chronique à la veille du conseil
des ministres de rentrée, mer
credi 21 août. L’Elysée, de son
côté, feint de s’étonner que l’on
puisse poser la question : « Il n’y a
rien sur la table de ce typelà. »
Le calendrier va pourtant con
traindre l’exécutif à s’y intéresser.
La perspective des élections mu
nicipales des 15 et 22 mars 2020
pourrait faire bouger quelques li
gnes, certains ministres ambi
tionnant d’être candidats. Les
noms de Sébastien Lecornu, mi
nistre chargé des collectivités ter
ritoriales, ou de Gérald Darma
nin, ministre de l’action et des
comptes publics, reviennent
ainsi régulièrement comme pos
sibles têtes de liste dans les villes
de Vernon (Eure) et de Tourcoing
(Nord), où ils ont été maires par le
passé. Avant l’été, Edouard Phi
lippe avait demandé à tous les
membres de son gouvernement
de lui faire connaître rapidement
leurs intentions pour permettre
de fixer une règle : peuton être
ministre et en même temps can
didat? La réponse n’est toujours
pas tranchée.
« Il n’y a pas de règle spécifique
pour le moment , assureton dans
l’entourage de M. Philippe. Etre
sur une liste ou mener une liste, ce
n’est pas la même chose. Comme le
fait d’être candidat dans une
grande ville ou dans une ville de
quelques milliers d’habitants. Le
sujet sera probablement de nou
veau abordé. » L’intéressé lui
même n’a toujours pas écarté
l’idée d’être candidat dans son fief
du Havre (SeineMaritime) ou de
se poser en recours de la majorité
à Paris en cas de crash de la candi
dature de Benjamin Griveaux.
Castaner affaibli
A cela s’ajoutent d’autres problè
mes plus ou moins épineux. Ce
lui du ministre de l’intérieur,
Christophe Castaner, n’est pas le
moins important. Déjà ébranlé
par les violences policières com
mises lors de mobilisations des
« gilets jaunes », ou par sa com
munication hâtive sur la suppo
sée « attaque » par des manifes
tants de l’hôpital parisien de la Pi
tiéSalpétrière, le 1erMai, le « pre
mier flic » de France a subi ce que
redoute tout locataire de la place
Beauvau : un mort en marge
d’une intervention policière.
Si l’enquête n’a pas encore dé
terminé quelles sont les respon
sabilités éventuelles des forces
de l’ordre dans la noyade de Steve
Maia Caniço le soir de la Fête de la
musique à Nantes, le 21 juin, l’épi
sode a fortement affaibli M. Cas
taner.
« Ça a été le ministre des “ gilets
jaunes ” , des permanences dégra
dées, de l’incident de la Fête de la
musique... De fait, c’est compliqué
pour lui » , reconnaîton à Mati
gnon, où l’on précise néanmoins :
« Christophe Castaner a toute la
confiance du président de la Répu
blique et du premier ministre. »
La gestion de la sécurité autour
du G7 organisé à Biarritz (Pyré
néesAtlantiques), du 24 au
26 août, aura pour lui valeur de
test. Les black blocs seront sur
veillés de près, alors qu’un contre
sommet doit se tenir au même
moment, à Hendaye (PyrénéesAt
lantiques) et Irun (Espagne),
autour d’ONG et d’associations.
D’autres questions, moins brû
lantes en apparence, restent po
sées. Fautil, par exemple, adjoin
dre un secrétaire d’Etat aux trans
ports à Elisabeth Borne, qui a rem
placé au pied levé François de
Rugy comme ministre de la tran
sition écologique et solidaire, le
17 juillet? Cette dernière cumule
une charge pléthorique, de l’éner
gie aux transports, en passant par
la biodiversité. « Il n’y a pas de
veto » à l’arrivée d’un renfort,
diton à Matignon. « On va préci
ser la répartition des porte
feuilles » , ajoute une source au
sein du ministère, notamment
dans la définition des périmètres
des secrétaires d’Etat, Brune Poir
son et Emmanuelle Wargon.
Autre question sur la table :
fautil faire entrer JeanPaul Dele
voye au gouvernement pour por
ter la réforme des retraites? Le
hautcommissaire a remis son
rapport sur le sujet en juillet, et
pourrait bien se trouver
désœuvré maintenant que la « pa
tate chaude » a changé de mains.
Sa nomination, en tout cas, est
ardemment souhaitée par la ma
jorité, qui apprécie l’expérience et
la stature de l’ancien chiraquien.
« Son entrée au gouvernement at
testerait que ce projet de loi est de
venu celui de la majorité et du gou
vernement » , estime un poids
lourd du PalaisBourbon. « On
manque de gens visibles et solides.
Son entrée au gouvernement serait
un plus. Il faut des gens qui incar
nent au regard de l’opinion publi
que », abonde Bruno Fuchs, dé
puté MoDem du HautRhin.
Tout l’enjeu est là pour un exé
cutif en manque de poids lourds.
« Si on doit remanier, il faut le faire
à la rentrée, pour incarner l’acte II
du quinquennat, pas après les mu
nicipales , estime un ministre. Et il
faudra que ça se voit. »
o. f.
R E N T R É E D E L ’ E X É C U T I F
ÉDOUARD PHILIPPE
N’A TOUJOURS PAS
ÉCARTÉ L’IDÉE
D’ÊTRE CANDIDAT
DANS SON ANCIEN
FIEF DU HAVRE