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MARDI 20 AOÛT 2019 france| 9
La rentrée, donc, pourrait « être plus stu
dieuse qu’agitée » , selon le secrétaire d’Etat à
la fonction publique, Olivier Dussopt. « La
colère n’est pas éteinte. Nous avons apporté
des réponses, mais certaines nécessitent plus
de temps pour porter leurs fruits, il faut donc
être prudent » , prévientil. D’autres se mon
trent moins optimistes. « On ne marche pas
sur l’eau. Les vagues vont reprendre » , parie
un proche d’Edouard Philippe. Les foyers
potentiels de contestation ne manquent
pas. Durant l’été, de nombreuses permanen
ces de parlementaires de la majorité ont été
prises pour cible par des agriculteurs ou des
« gilets jaunes », dénonçant la ratification
du CETA, accord de libreéchange entre
l’Union européenne et le Canada. « Les agri
culteurs sont au bord de la crise de nerfs » ,
s’inquiète une ministre.
« La situation agricole me préoccupe beau
coup, je peux comprendre leur inquiétude , as
sure le ministre de l’agriculture, Didier
Guillaume. On demande beaucoup de choses
aux agriculteurs, notamment sur l’évolution
de leur modèle, et dans le même temps, ils ne
gagnent pas assez bien leur vie. »
« LES CHANGEMENTS, C’EST LENT »
Les agriculteurs sont concernés au premier
chef par l’impératif de la transition écologi
que. Un dossier pour lequel le gouverne
ment – qui a subi, en juillet, les coups de
boutoir de Nicolas Hulot au sujet du CETA –
reste critiqué en raison de son inaction sup
posée. Les équipes d’Edouard Philippe tra
vaillent à un déplacement du premier mi
nistre sur le sujet pour la rentrée afin de
montrer qu’il n’en serait rien.
« On va être beaucoup plus à l’offensive en
matière écologique , jure Brune Poirson, se
crétaire d’Etat à l’écologie, dont le projet de
loi antigaspillage doit bientôt arriver au Par
lement. Il va falloir qu’on soit attentifs à
avoir plus de résultats encore et à créer un cli
mat de confiance avec les Français. » Le sou
venir de la taxe carbone n’est pas loin. La
convention citoyenne sur le climat, qui
verra 120 citoyens être tirés au sort pour
proposer des solutions en la matière, sera
installée en septembre. « Sur l’écologie, pen
dant vingt ans, le discours a tenu lieu d’ac
tion. Les gens y sont devenus allergiques.
Nous voulons inverser cette tendance et agir
plutôt que de tenir des discours, défend pour
sa part Emmanuelle Wargon, elle aussi se
crétaire d’Etat à l’écologie. Mais les change
ments, c’est lent, et on ne peut pas les faire
avec une brusquerie trop forte. »
La même circonspection habite le gouver
nement au moment de présenter le projet de
loi bioéthique – dans lequel figure l’élargisse
ment de la procréation médicalement assis
tée (PMA) –, qui sera examiné au Parlement à
partir du 23 septembre. Devant ses proches,
Edouard Philippe reconnaît d’ailleurs sans
mal le caractère inflammable du sujet. « Sur
la PMA, je m’attends à des débats partout, au
sein de la majorité et ailleurs. Je ne peux pas
garantir que ce sera beaucoup plus apaisé que
le mariage pour tous » , a récemment souli
gné le premier ministre en petit comité.
Ces assauts d’humilité n’empêchent pas
toutefois quelques rechutes. Un macroniste
de la première heure s’enflamme ainsi en
pensant déjà à la prochaine élection prési
dentielle : « Estce que quelque chose peut
empêcher Emmanuel Macron d’être réélu?
Non. Il n’a pas aujourd’hui d’équivalent dans
la classe politique française. » Tout le monde
n’a pas encore intégré la « nouvelle mé
thode » à son logiciel.
olivier faye
Quand les députés LRM
redécouvrent la vie locale
Alors qu’ils voulaient rompre avec les baronnies bâties par leurs
prédécesseurs, les élus de la majorité s’ancrent en circonscription
C
e qui se dit en circo, j’en ai
rien à foutre. » Les mots de
Bruno Bonnell, député La
République en marche (LRM) du
Rhône dans M Le magazine du
Monde en mars 2018, étaient ve
nus symboliser le rapport assumé
de certains élus macronistes à leur
territoire d’élection. Leurs têtes
d’affiche revendiquaient d’em
brasser pleinement leur mission
constitutionnelle de « député de la
nation ». Ils juraient de ne pas res
sembler aux parlementaires
d’hier à qui ils reprochaient d’avoir
trop mélangé intérêts locaux et
nationaux à la faveur du cumul
des mandats, prohibé depuis. « Je
ne suis pas là pour faire l’assistante
sociale. Pour les places en crèche ou
les logements, allez voir ailleurs! »
lançait encore M. Bonnell.
Deux ans plus tard, le discours
n’est plus exactement le même. « Il
nous a fallu deux ans pour appren
dre notre métier. De politiques
théoriciens appliquant un pro
gramme, on est devenus des prati
ciens et on se rend compte que les
territoires ont une importance vi
vace » , reconnaît aujourd’hui le
même Bruno Bonnell. « La vie de
député, c’est toujours un pied à Pa
ris et un pied en circonscription, on
a probablement plus musclé une
jambe que l’autre la première an
née de mandat », abonde le député
de Charente, Thomas Mesnier.
« Quand on s’est lancés, on a été
embarqués au PalaisBourbon où
l’activité a été débordante. Mais les
“ gilets jaunes ” ont fait que beau
coup ont dû se réancrer, le grand
débat national aussi y a contri
bué » , ajoutetil. « Cette crise a per
mis de comprendre qu’il y avait une
nécessité à être là (sur le terrain) , y
compris dans les moments diffici
les, pour porter la contradiction et
continuer à expliquer notre politi
que » , ajoute sa collègue de l’Es
sonne, Marie Guévenoux.
« Il faut des barons »
Depuis quelques mois, la perspec
tive des élections locales a accen
tué l’attention des députés pour
leur territoire. « A partir de septem
bre, on va entrer en campagne per
manente jusqu’à 2022 », observe
un « marcheur ». Dans leur viseur :
les élections municipales, en
mars 2020, puis les départementa
les et les régionales prévues
en 2021. Dans la stratégie de con
quête électorale d’En marche !, les
députés sont apparus comme un
maillon essentiel pour LRM, jeune
parti qui dispose de peu de relais
territoriaux. « Le seul ancrage local
ce sont les députés », résume Bruno
Bonnell. « Aujourd’hui, le poids po
litique local d’En marche! c’est moi,
raconte l’un d’eux. C’est moi que les
élus du département qui veulent
nous rejoindre consultent. »
Il y a quelques mois, les parle
mentaires ont eu accès au fichier
des adresses mail des adhérents de
leur circonscription, ce qui n’était
pas le cas à leur entrée en fonc
tions. « Ça avait l’avantage de ne
pas permettre de faire de la politi
que à l’ancienne, car cela pouvait
contribuer à recréer des baronnies,
constate Thomas Mesnier. Mais ça
n’était pas simple de toucher les
“marcheurs” dans ces conditions. »
« Au départ, l’idée c’était : il ne faut
surtout pas de barons. Aujourd’hui,
c’est le contraire, il faut des ba
rons! », résume un autre élu du
SudOuest.
Tous les députés ont été nom
més d’office membres des comi
tés politiques départementaux.
Grâce aux liens tissés depuis deux
ans avec les maires de leurs cir
conscriptions, ils ont permis de re
pérer d’éventuels alliés de la majo
rité en vue des municipales. Avec
les militants, ils ont aussi parfois
préparé des candidatures ad hoc.
Membre de la commission d’in
vestiture pour ce scrutin, Marie
Guévenoux a ainsi vu des candi
dats revendiquer le soutien de dé
putés. « Ils le mettent en avant
comme un point fort » , constate la
macroniste de l’Essonne.
Une situation qui n’a pas été
sans créer des tensions avec le
parti. Certains parlementaires
n’apprécient guère l’irruption de
candidatures inattendues, propul
sées par les cadres parisiens du
mouvement, sans leur consente
ment. « Il y a des gens qui veulent
s’implanter dont on ne veut pas, ça
met à sac tout le mouvement que
j’ai réussi à créer localement »,
s’agace ainsi une macroniste.
Signe que les députés sont deve
nus des poids politiques locaux,
certains sont envoyés pour porter
les couleurs de LRM lors des muni
cipales dans plusieurs villes. Fin
juin, le patron des députés LRM,
Gilles Le Gendre, affirmait qu’une
« bonne vingtaine » de parlemen
taires envisageaient de partir en
campagne. Plusieurs ont déjà été
investis : Benjamin Griveaux à Pa
ris, Romain Grau à Perpignan,
Emilie Chalas à Grenoble, Anne
Laurence Petel à AixenProvence
(BouchesduRhône), Eric Alauzet
à Besançon, Annaïg Le Meur à
Quimper (Finistère), Cécile Mus
chotti à Toulon, Olivier Serva aux
Abymes, en Guadeloupe. D’autres
le seront prochainement. « Dans la
vie politique, il y a des séquences et
des opportunités. Ce que je voulais
faire à l’Assemblée nationale, je
l’aurai fait, et j’aime l’idée du maire
bâtisseur, cette dimension de proxi
mité » , explique Emilie Chalas
pour justifier son choix de se tour
ner vers la mairie de Grenoble.
Si ces candidats sont élus maires,
ils devront quitter le PalaisBour
bon à peine trois ans après avoir
promis de renouveler le monde
politique. « Il y a des députés qui se
rendent compte que ce qui les inté
resse, ce sont les territoires » , éclaire
Bruno Bonnell. Pour l’un de ses
collègues, cet appétit de local tra
duit aussi une « très forte décep
tion » de certains élus. « Ils s’étaient
fait une idée phénoménale du man
dat de député. Pour eux, c’était une
fonction déterminante, oubliant
qu’on est sous la Ve et le règne du
parlementarisme rationalisé. »
Ces trajectoires marquent aussi
une inversion de la logique des car
rières politiques. « Avant, être dé
puté, c’était l’aboutissement »,
constate l’un d’eux. Aujourd’hui,
certains « marcheurs » – qui envi
sagent d’être candidats sur des lis
tes aux municipales afin de viser
une place dans une communauté
de communes ou qui se projettent
sur les élections régionales –, font
le chemin inverse.
manon rescan
« À PARTIR DE
SEPTEMBRE, ON VA
ENTRER EN CAMPAGNE
PERMANENTE JUSQU’À
2022 », OBSERVE
UN « MARCHEUR »
Avant le G7,
le président va recevoir
la « société civile »
Selon son entourage, Emmanuel
Macron doit recevoir à l’Elysée, ven-
dredi 23 août, des représentants de la
« société civile » en vue de préparer le
G7 qui se tient à Biarritz (Pyrénées-At-
lantiques) du 24 au 26 août. Trois thè-
mes seront au programme, explique-
t-on à l’Elysée : « la protection de la
planète », « l’égalité femmes-hommes »
et « les libertés démocratiques ». Dans
le domaine environnemental, des en-
treprises du transport maritime, du
textile ou encore des technologies ré-
frigérantes (climatiseurs, etc.) doivent
être présentes et s’engager à « amélio-
rer leurs pratiques », assure-t-on à la
présidence de la République.
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