2019-08-17_Le_Temps

(Tina Sui) #1

(IN)CULTURE


LA FACE SOMBRE
DE ROUBAIX

Dans son dernier film, en salles ce
mercredi, Arnaud Desplechin explore
les tréfonds de sa ville natale. Entretien
aux côtés de Roschdy Zem, qui incarne
un flic accoucheur de vérités. ● PAGE 21

RÉCITS DE
(LONGUES) VIES

Journalistes ou infirmières, elles se
rendent en EMS pour coucher les
souvenirs des aînés sur papier. Un livre
présente ces «recueilleuses», qui
redonnent sens au grand âge. ● PAGE 22

VOYAGE AU BOUT
DE L’ENFER DE DANTE

«La Divine Comédie» de Dante paraît
dans une nouvelle traduction de
Michel Orcel à La Dogana. Une édition
bilingue italien-français qui rend
au texte sa musicalité. ● PAGES 24-

DANS LES CARNETS
DE GUSTAVE ROUD

Des notes de journal inédites rédigées
par le poète vaudois ont été retrouvées
dans ses archives, à Lausanne.
Une saisie sur le vif des saisons,
des émotions et des désirs. ● PAGE 28

MOSAÏQUE


D’UNE AUTRE


AFRIQUE


ART Première exposition


itinérante du continent,


«Prête-moi ton rêve» se fait


l’ambassadrice des artistes


contemporains africains.


●●● PAGES 18-

◗ Rencontré cette semaine à Locarno, Bong
Joon-ho m'a raconté qu'à son retour à Séoul,
après avoir obtenu en mai la Palme d'or, il
s'est glissé dans une salle pour revoir Para-
site au milieu des spectateurs coréens, et
ainsi observer leurs réactions. Il n'a pas été
déçu, se réjouissant de constater que les gens
deviennent de plus en plus mal à l'aise au
fur et à mesure que le récit opère des virages
surprenants pour finalement proposer un
passionnant discours sur la lutte des classes.
Bong, venu au Tessin accompagner son
acteur fétiche Song Kang-ho, qui s'est vu
décerner un Léopard d'honneur, symbolise
le triomphe international du cinéma coréen,
qui depuis une vingtaine d'années séduit les
grands festivals avec des films d'auteur
remarquables, mais aussi des œuvres à
visées plus commerciales et formellement
virtuoses développant pour la plupart
un vrai discours sociopolitique.
L'Asie a toujours été un continent passion-
nant, souvent en avance sur le reste du
monde en termes d'expérimentations nar-
ratives et esthétiques. Bien avant l'avène-
ment de la Corée, c'est par exemple du côté
de Hongkong que se produisaient dès la fin
des années 1970 les longs métrages les plus
intéressants. La colonie britannique était
alors le troisième producteur au monde
après l'Inde et les Etats-Unis. Elle se distin-
guait notamment avec des polars d'un genre
nouveau qui inspirèrent de nombreux réa-
lisateurs à travers le monde – ce n'est pas
Tarantino qui dira le contraire.
Plus la rétrocession de Hongkong à la
Chine – fixée au 1er juillet 1997 – approchait,
plus le cinéma développait, sous le couvert
de polars survoltés ou de films en costumes
virtuoses, un discours politique. Que cela
soit à travers une menace indicible, une
peur de l'inconnu ou une mère étouffante,
le thème du retour à la Chine était souvent
abordé. Puis la rétrocession advint, et l'Em-
pire du Milieu devint pour les artistes hong-
kongais un gigantesque marché. Mais atten-
tion, pas question de heurter Pékin. C'est
ainsi que de nombreux réalisateurs autre-
fois irrévérencieux se lancèrent dans de
grosses productions calibrées pour les
multiplexes chinois.
Né à Hongkong, Jackie Chan profita de
cette ouverture pour asseoir son statut de
superstar. Et le voici qui aujourd'hui reven-
dique un patriotisme venu d'on ne sait où
pour dénoncer l'attitude des millions de
manifestants hongkongais protestant
depuis près de deux mois contre une loi
d'extradition. Jackie Chan est un acteur
génial, sorte de lien improbable entre Bus-
ter Keaton, Steve McQueen et Jim Carrey.
Mais voilà qu'il préfère s'assurer une fin de
carrière tranquille plutôt que
de défendre une certaine idée
de la démocratie. Désolant. n

PAR STÉPHANE GOBBO
t @StephGobbo

On a perdu Jackie


(MERIEM BOUDERBALA/FOUAD MAAZOUZ)


letemps.ch CONSULTEZ nos critiques littéraires sur notre site http://www.letemps.ch/theme/livres


SUPPLÉMENT
CULTURE & SOCIÉTÉ

SAMEDI 17 AOÛT 2019
N° 1104
Free download pdf