2019-08-17_Le_Temps

(Tina Sui) #1
LE TEMPS SAMEDI 17 AOÛT 2019

4 International


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FABIEN PERRIER, ATHÈNES

«La situation est stabilisée, il n’y
a plus de front d’incendie, mais il
reste des foyers à éteindre.» Le
vice-président des pompiers
volontaires, Dimitris Zervas,
semble soulagé. Depuis qu’un
gigantesque incendie a éclaté
mardi à 3 heures du matin dans le
centre de l’île d’Eubée, la deu-
xième plus étendue de Grèce, 200
pompiers, professionnels et béné-
voles, se sont mobilisés sur place
pour se battre contre les flammes
avec l’aide de 75 véhicules ter-
restres, cinq hélicoptères et six
avions bombardiers d’eau. Pour la
première fois, l’Italie a dépêché
deux de ses appareils et l’Espagne
en a envoyé un dans le cadre du
plan RescUE de l’Union euro-
péenne. La Grèce, elle, doit encore
progresser dans sa lutte contre les
incendies.
L’an dernier, dans le village
côtier de Mati, 103 personnes
avaient perdu la vie. Cette année,
sur l’île d’Eubée, la catastrophe est
environnementale. Plus de 2400
hectares de forêts de pins ont été
détruits, dont 550 hectares de
réserve naturelle dans la forêt
d’Agrilitsa. Pendant plus de
72 heures, les images de ce caillou

planté à l’orée de la mer Egée pré-
sentaient des scènes apocalyp-
tiques: un front d’incendie de 12
kilomètres, des flammes attei-
gnant parfois 40 mètres de haut,
quatre villages et un monastère
évacués... Les fumées âcres, carac-
téristiques des forêts de pins, ont
été poussées vers les régions limi-
trophes, de la péninsule du Pélion
au nord d’Eubée, en passant par
l’Attique et Athènes au sud.
Depuis le début du mois d’août,
les incendies font la une de tous
les journaux grecs. Ile de Thassos
au nord du pays, Béotie au centre-
ouest, Péloponnèse dans le sud,
banlieue d’Athènes, île touristique
d’Elafonissos: plus de 50 incendies
ont éclaté en Grèce en moins d’une
semaine, donnant l’impression
que le pays n’a tiré aucune leçon
des drames précédents.

Pas assez d’eau en hiver
«Les tactiques de lutte contre les
incendies sont définies dans des
plans d’intervention mis à jour
annuellement de février à mars,
par toutes les brigades de pom-
piers», explique le  bureau de
presse des sapeurs pompiers. «Le
déclenchement et l’expansion des
incendies s’expliquent par les tem-
pératures élevées dans de nom-

breuses régions du pays au cours
des quinze derniers jours, le faible
taux d’humidité qui affecte la
végétation et des vents forts
dépassant parfois 7 et 8 Beaufort.»
Bref, tous les ingrédients sont réu-
nis pour que le feu se propage
rapidement à la végétation très
dense et sèche.

Ministre délégué à l’Environne-
ment de 2015 à juillet 2019 et
membre du parti des Verts, Yannis
Tsironis incrimine le changement
climatique, qui «met incontesta-
blement les forêts en danger». Les
arbres n’accumulent pas assez
d’eau en hiver, leurs troncs restent
secs. Et les pluies de printemps
favorisent la croissance d’une
végétation basse, plus inflam-
mable. L’ancien ministre souligne
aussi que «le principe de précau-

tion n’existe pas en Grèce». Un
exemple? «Personne n’entretient
sérieusement les forêts.» Pour lui,
les forêts sont abandonnées par
l’Etat et les citoyens.
Phénomène aggravant: l’agricul-
ture, qui entretenait traditionnel-
lement forêts et zones monta-
gneuses, a périclité. «Avant 1945,
la Grèce comptait environ 30 mil-
lions d’animaux qui se nourris-
saient de la végétation naturelle. Il
n’y en a plus que 10 millions.» Per-
sonne n’a remplacé ce rôle régula-
teur, ni chez les particuliers ni
dans les collectivités locales. L’an
dernier, la catastrophe de Mati a
révélé à quel point arbres non cou-
pés et buissons non taillés avaient
favorisé la propagation du feu.

Une carte inédite
«Nous n’avions jamais connu ce
type d’incendie en Grèce à proxi-
mité d’une zone urbaine sans
issue de secours», analyse Dimi-
tris Zervas, qui s’inquiète: «La
population ne sait toujours pas
ce qu’elle doit faire en cas d’in-
cendie.»
A ce défaut «d’éducation»
s’ajoute celui d’une mise en place
tardive d’une documentation à la
hauteur de l’enjeu. Une carte
forestière n’a commencé à être

dessinée que sous le gouverne-
ment précédent. Depuis la sortie
de la dictature en 1974, ni le parti
social-démocrate Pasok, ni la
droite de la Nouvelle Démocratie
ne l’avaient établie. «Aujourd’hui,
nous avons un plan précis pour
plus de 50% des zones forestières»,
assure l’ancien ministre de l’Envi-
ronnement. Il ajoute qu’en poste
il a mis en place «un plan Natura
2000 pour que les zones protégées
puissent obtenir des subventions,
qu’il a développé un programme
pour que les forêts soient durables
et favorisé les coopératives fores-
tières pour entretenir les forêts,
notamment en y coupant le bois
et en le vendant».
Les services du feu sont inquiets.
Ils disent tous manquer de
moyens. «Nous ne disposons que
de 12 500 hommes, dont 1500 sur
les aéroports du concessionnaire
aéroportuaire allemand Fraport»,
s’insurge Dimitris Stathopoulos,
président du syndicat des pom-
piers professionnels. «Il faudrait
3000 pompiers en plus!» Quant à
son collègue Dimitris Zervas, il
souligne que «certains camions
ont 40 ans...» Après dix ans d’aus-
térité, la Grèce espère pouvoir,
enfin, renforcer ses capacités d’in-
tervention... et de prévention. n

La Grèce désarmée face au feu


CATASTROPHE Plus de 50 incendies ont éclaté dans le pays depuis le début du mois d’août. La faute à un été


brûlant mais aussi au sous-équipement des services du feu... ainsi qu’au recul de l’agriculture et de l’élevage


AFP


L’enlèvement de 17 marins dans
l’attaque de deux navires commer-
ciaux au large du Cameroun, pro-
bablement par des pirates nigé-
rians, démontre une nouvelle fois
que le golfe de Guinée est l’une des
zones océaniques les plus dange-
reuses du monde.
Jeudi matin, des pirates, «pro-
bablement nigérians» selon un
responsable des autorités mari-
times du Cameroun, ont attaqué
deux navires commerciaux, dont
un porte-conteneurs, au large de
Douala, le grand port de ce pays
frontalier du Nigeria. L’une des
attaques s’est soldée par le kid-
napping de «neuf marins civils
chinois», la seconde par l’enlève-
ment de huit Ukrainiens, selon ce
responsable.
Les deux bateaux étaient «au
mouillage» au large de Douala, a
précisé à Kuala Lumpur Noel
Choong, chef du centre d’infor-
mation sur la piraterie du Bureau
maritime international (BMI),
basé dans la capitale malaisienne.
Les attaques ont été perpétrées «à
quelques heures d’intervalle l’une
de l’autre». n


GOLFE DE GUINÉE Deux
bateaux ont été attaqués à
quelques heures d’intervalle par
des pirates


Dix-sept marins


ukrainiens


et chinois enlevés


au large de Douala


«Le principe


de précaution


n’existe pas


en Grèce»
YANNIS TSIRONIS, EX-MINISTRE DÉLÉGUÉ
À L’ENVIRONNEMENT
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