La Provence Marseille du samedi 17 aout 2019

(Michael S) #1

À


quelleheureça s’est termi-
né pourla petitemamie?"
Hier,aux urgencesde la
TimoneàMarseille,Sylviane,
aide-soignante,étaitpréoccu-
pée par cettedamede 99 ans.
Enregistréeà20h41mercredi
dansle serviceavecune suspi-
cionde pyélonéphrite(infec-
tiongrave du rein),"elleétait
toujoursen attentesur un bran-
card,jeudimatin".
Christelle,infirmière,connaît
la réponse:"On afini par lui
trouverun lit à16heures. Elle
aurapassé18 heuressur le bran-
card.Nous,on n’y resteraitpas
une heuretellementc’est dur..."
Et cettepatienteest loin d’avoir
battules records:"Onaeudes
maladesqui ont attenduplusde
36 heuresdans un couloir",as-
surele personnel.Et encore:
seulsles pluschanceuxou les
plusmal en pointont droitàun
brancard."Régulièrement,on en
manque.Les autresservicesles
gardentet fontdes stocksdans
les étages.On est obligésde faire
releverdes patientspourles faire
asseoirsur des chaisesafinde
faireallongerlescaslesplussé-
rieux",raconte Sylviane.

"Chaquejour15 patients
sontenattentede lits"
Ainsiva la vie aux urgencesde
la Timone.Etcetteconversa-
tion,pêchéehier matindansle
service de l’AssistancePu-
blique-Hôpitauxde Marseille
(AP-HM),suffit àexpliquer
pourquoil’undesplusgros
centresdeFrance(300passa-

ges/jour)arejointla grèvenatio-
nale. Plusde200 services en
Francesontconcernés.Démar-
ré il yacinqmois, ce mouve-
mentconnaîtunsoubresautau
cœurde l’été. La primede
100 eurosaccordéeen juinaux
agentspar la ministrede la San-
té?"C’est loin de suffire àré-
soudre les problèmes, qui sont
avanttout liés àunmanqued’ef-
fectifs et de moyens",estime
Éliane Calvet, déléguée
CGT-AP-HM.
Auxurgences de la Timone,
dansdes locauxflambantneufs
inaugurésil yaàpeinecinqans,
"rienne va plus"soupirentles
agents qui travaillaient hier
avecle brassard"en grève".Mal-
gré une augmentationde la fré-
quentation,les effectifsont fon-
du commeneigeau soleil:"A
l’ouverture,on était14 infir-
mièreset 14 aides-soignants. Au-
jourd’hui, on est 11 ou 12 dansle
meilleurdes cas. Les congésma-
ternité,les longuesmaladiesne
sontpas remplacés.Etaux ur-
gences,on n’a pas le droitdefer-
merdes lits quandon manque
de personnel,commele fontles
autresservices".Résultat,inévi-
table: ça bouchonneàl’unité
de post-urgences,comprenant
19 lits,oùles patients s’éter-
nisentfauted’obtenirune place
dansun servicespécialisé.
D’aprèsChristelle,unequin-
zainede patientschaquejour
sontplacésenattentedelit,
plusou moinslongtemps.Àdé-
faut,certains sont"hébergés"
dansd’autresservices,qui

n’ontrien àvoir avecleur patho-
logie.Des maladesdes yeuxou
du cœurse retrouventen ortho-
pédie."Mêmesi on aune forma-
tion générale,la priseen charge
est compliquée",explique une in-
firmière,pour qui cettepra-
tiquefait"ressemblerl’hôpitalà
un dispensaire".

En été,avecles congésdes
agentset les fermeturesde lits,
l’hébergementest courant."Le
problème,c’est qu’avecl’afflux
des touristeset les médecinslibé-
rauxqui partenten vacances,
l’activitédes urgencesne dimi-
nue pas vraiment".Cettepénu-
rie d’effectifs épuiseles person-

nels,estimentles syndicats
(d’aprèslaCGT, 1000 recrute-
mentssontnécessaires)et ex-
pliquel’absentéismerecordqui
frappel’AP-HM.Avec un taux
de 10,24%,soit 30 joursd’arrêt
paranetpar salarié,ce sont,
chaquejour,1200 agents(sur
un totalde 12 000)qui

manquentau chevetdes ma-
lades.
Du coup,de nombreuxsoi-
gnants ne peuvent plusposer
leurscongés."Ilestcourant
d’être obligéd’annulerdes va-
cancesau derniermoment",ex-
plique AudreyJolibois(FO).
D’autrescumulent les heures
sup'.Autotal,ce sont
800 000heures de congés qui
sontduesauxagents."Celava
de 2 moisàunandesalaireou
de repos",calculela CGT.
D’aprèsladirectionde la
l’AP-HM,la moyennese situe-
rait toutefois à60heurespar
agent,"ce qui n’estpas épouvan-
table".
Ce qui l’estassurément,c’est
le contexted’agressivitéauquel
le personneldes urgencesest
confronté."Plusles patientsat-
tendent,plusilss’énervent.On
doitfairefaceàuneoudeux
agressionspar semaine",té-
moigneChristelle. Il ya
quelquesmois,l’unede ses col-
lèguesaeu"la mâchoire fracas-
sée"par un accompagnateurde
malade:"Cetteagressionaénor-
mémentchoquédansle service.
Ici, les gensadorentleur travail,
leboulotetpassionnant.Mais
lesdépartsetlesdemandesde
mutationse multiplient".
SophieMANELLI

La ministrede la Santé,AgnèsBuzyn,aannoncé
pourla rentréede"nouvellesmesures",issues
despremièresrecommandationsdudéputé
(LREM)ThomasMesnier et du Pr PierreCarli,
chefdu Samude Paris,àqui elleacommandé
un "rapportsurles structuresd’urgence"pour
la fin novembre.Si quelque 200 servicessont
actuellementen grève,desnégociationsme-
néeslocalementontdébouchésurdesproto-
coles de sortie de grèvedans28 établisse-
ments.
ÀMarseille,uneréunions’esttenuele 14 août
avecles syndicats.La directionde l’AP-HMya
annoncédiversesaméliorationsmatérielles(ré-
parationdelaclim,attributiondetéléphones
portables)et desmesurespouraméliorerrapi-
dementle fonctionnement desurgencesde la Ti-
mone.Concernantle problèmedeslitsd’aval,
des horairesde sortieplusprécocesdansla jour-
néedoiventpermettrede dégagerdesplaces.
De plus,14 litssupplémentairesdevraientou-

vrir d’icidécembreàl’unité neurovasculaire.
Deslitssupplémentaires sontégalement pré-
vuspourl’unitéde post-urgences.
Reconnaissant implicitementdes problèmes
d’effectifs, la directions’estengagéeàdéplafon-
nerdesheuressupplémentairesdesagents"à
titredérogatoireet exceptionnel",etàaugmen-
ter le recoursàl’intérim.De plus,les salariées
en maternitéserontdésormais systématique-
mentremplacéeset desaffectations provi-
soiresàdes postesmoinspéniblesleurseront
proposéespendantleurgrossesse.
Dernièreannonceetnon desmoindres:pour
désengorgerle service,uneMaisonmédicalede
garde,ouvertele soir,les week-endset joursfé-
riés,pourraitouvrird’icila fin de l’annéeàla
Timonepouraccueilliret orienterles patients
les pluslégers.Il existedéjàunestructurede ce
typeàl’hôpital Nord,l’autreservicedes ur-
gencespubliquesàMarseille.
S.Ma

La grèveauxurgencesdu
centrehospitalier d’Avignon?
C’estdéjàunevieillehistoire.
Non parceque le mouvementau-
raitcessé.Ilnecesseau
contrairede se renforcerdepuis
troismois,lorsqueles urgences
avignonnaisessontentréesdans
le mouvement national. Mais
plutôtparcequ’ils’élargità
d’autres zonesdudépartement
et àd’autresservices."Il yaune
logiqueàl’ampleurdu mouve-
ment:leproblèmedes urgences
n’estque le refletglobalde l’état
du mondehospitalier"com-
menteun grévistedu CH d’Avi-
gnon.
En Vaucluse,les urgencesde
Cavaillonetdel’hôpitald’Apt,
qui fontpartiedu Groupement
hospitalierterritoriald’Avignon,
ont ainsirejointla lutte. Tout
commeles urgencesd’Orange.
Et ce qui vautpourla réparti-
tiongéographiquevautpourles
services.Depuisle 10 juillet,les
personnelsdes urgences pédia-
triquesont collédes placards
"En grève"sur leursblouses et
les mursde l’établissement.
Mêmechosedepuisle
28 juilletauserviceorthopé-

dique-traumatologiedu CH
d’Avignonoù desagentsqui
n’avaient jamais fait grèveen
12 ans sontpourla premièrefois
entrésdansun tel mouvement.
"En néonatalogie,aucunedéci-
sionn’estencoreprisemais on
commenceàréfléchir très sérieu-
sementàentrerdansla danse"
avoueun responsableCGTde
l’hôpital,qui expliqueaussique
les ambulanciers hospitaliers,

maiségalementdes agentsdes
transportsinternesainsique de
la logistique,s’y sontmis àleur
tour.
"Toutesles catégoriesde per-
sonnelsauxurgencesont reçu
uneprime,maislatutellen’a
rien compris. C’étaitjuste un
moyend’acheterla paixsociale.
Or ce que nousréclamonsaujour-
d’huiau seinde l’intersyndicale
FO, CGTet CFDTdes personnels

hospitaliers,c’estquel’onre-
donneàl’hôpital la possibilité
d’enfinir enfin aveclamaltrai-
tanceinstitutionnelle qu’impose
la faiblessedes moyens", com-
plètele syndicaliste.
Car si le mouvementdépasse
désormaisles urgences,c’est
que les séquencesde "12 heures"
se généralisent sur l’établisse-
mentet que,"...onlesait, toutes
les étudesle disent:lamortalité
devientplus précoce lorsqu’on dé-
passeles seuilsrecommandés".
Enfin, autrepoint d’inquié-
tudedepuispeu du côtédesur-
gences:laCGT affirmeque,pour
gagnerde la place,le serviced’ac-
cueil du CAP 72, qui reçoitdes pa-
tientsprésentantun état de crise
psychique,quellequ’ensoit la
cause, pourraitêtre récupérépar
les urgences."Où va-t-onrece-
voir les patientsqui souffrentde
pathologies psychiques ou psy-
chosomatiques (dépression,
burn-out...) qui n’exigent pas
unehospitalisationen hôpital
spécialisé?Onn’en saitrien!
C’estun problèmede plusqui
vient se grefferàl’ensemble. Ça
ne finit jamais!"
J.BN

EN VAUCLUSE


La grognecontamine tout l’hôpital d’Avignon


Desmesures pourpasser l’été


Au centrehospitalier de Digne-les-Bains,les Urgencessonten
grèvedepuisle11juin dernier et la mobilisationne faiblitpas.
"Entre60 et 100%du personnelest en grèveselonles jours",souligne
le syndicatCGTde l’hôpital.Les négociationsavecla Direction ne
débouchentsurriendeconcret"lesseulessolutionsapportéesdans
l’immédiat sontdurafistolage",etcenesont pas les mesuresan-
noncées par le gouvernement, notammentla primeindividuelle
de risque,qui mettrontfin au mouvement. Outreles revendica-
tionsnationales, le syndicat demandelocalementleretraitdu pro-
jet de fusionentreles Samudes Alpes-de-Haute-Provenceet des
Hautes-Alpes.
M.L.
ÀSisteron également, le servicedes Urgencesqui peutaccueillir
jusqu’à70patients,par jour,en pleinesaisonestivale, est en grève
"dansl’espritcar noussommesréquisitionnés",souffleun person-
nel soignant.Le manquede médecin,de 4à4postes,ad’ailleurs
entraîné, le 15 juilletdernier,la fermeturetemporaire,la nuit(de
20 h30à8h), desUrgences. En revanche, le Servicemobile d’ur-
genceet de réanimation(Smur)resteopérationnel24 h/24.
J.L.
Au centrehospitalierLouis-Raffalli de Manosque,lamobilisa-
tion n’a duréque deuxjours,les 1er et 2juilletderniers,mobilisant
39 grévistes."C’estd’abord partid’unélandesolidarité pour soute-
nirlemouvementnationalmaischaqueétablissementasespropres
caractéristiques,préciseledirecteurduCHdeManosqueFranck
Pouilly.Ici,noussouhaitonsmettreenplaceuneéquipestablealors
quelesUrgencesontenregistréplusde 35000 passagesen 2018 et
quenousattendonsunehausseaveclafermeturededeuxcabinets
de généralistes àValensole.Troispostessont àpourvoir..."
A.A.

Hôpitalde la Timone,hier.Commedansplusde 200servicesenFrance,lepersonneldes urgences
marseillaisesest en grève. Un mouvementdémarréil ya5mois qui rebonditcet été./PHOTOVALÉRIE VREL

On en comptait90 àl’ouverturedu serviceil ya
cinqans.Àpeine 3 0à40 aujourd’hui.Mais où
sontpassésles brancards des urgencesde la Ti-
mone?L’un des plusgrandshôpitauxde France
en pannede brancards?"Certains jours d’af-
fluence,onestobligédebloquerlespompiersàl’en-
trée parce qu’onne peutpas transporterles pa-
tients.Les camionsfont la queue,en stand-by,jus-
qu’auboulevardBaille!",r aconte une infirmière.
Heureusement, pourles casles plus graves,"on
gardetoujoursun brancardenréserveavec inter-
dictiond’y touchersauf urgenceabsolue".
Le problèmen’estpas nouveau. En juin 2016 dé-
jà,ces"pannes"debrancardexpliquaientenpar-
tie les délaisd’attenteaux urgencesde la Timone:
6h30enmoyenneen 2015contre4h30pour la
moyennedes CHUen France."Depuisle transfert
du servicedansles nouveauxlocaux,le tempsde
priseen chargeaété multipliépar deux", assurait
un responsable du Bataillondes marins-pom-
piers.Dansun courrielàses confrères,le chefdes
urgencess’alarmaitde la situationet faisaitpart

de son"exaspération".L adirection de l’AP-HMre-
connaissaitl’existencede"difficultés".Maisassu-
rait que"plusieursmesures"avaientété engagées:
informatisationdes demandesde brancard,"qui
seront réguléespar logiciel, afinde répondreau
plusviteaux besoinsdes équipesmédicales", télé-
phones portables pouréquipertousles brancar-
diers. Enfin, une"charte du brancardage"(sic)
"pourrappelerles bonnespratiquesaux agentsqui
transportentles malades et aux équipesqui font ap-
pel àeux".Troisans plustard,le problèmereste
aigu. Lorsd’uneréunion organiséele 14 aoûtder-
nier,la directionrenouvelleses promesses.L’ob-
jectifest de"revenirau chiffredes 90 brancards"
pourles urgenceset àun"stock de brancards’Plan
blanc’spécifiqueet sécurisé".D’ici àlafin de mois,
12 brancardsdoiventêtre remisen fonctionavec
desmatelas neufs.Un"rappel aux services"sera
réalisépouraméliorerla disciplinedansle retour
systématiquedes brancardsaux urgences.Enfin,
une étudeaété annoncéepourun systèmede"géo-
localisationdes brancards". S.Ma

Aux urgences, le malempire

200services sont ànouveauen grèveenFrance.ÀMarseille, on manque d’agents, de lits, et même... de brancards


France


DANSLES ALPES


La mobilisation dépend


des situationslocales


"Plusles patients
attendent, plus
ils s’énervent."

Depuisle 10 juillet,les agentsdesurgencespédiatriquessontà
leurtourentrésdansle mouvement. /PHOTOPHILIPPEDAUPHIN

Lachasse auxbrancardsest ouverte


Samedi 17 Août (^2019) II
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