Chasseur d’images N°414 – Août-Septembre 2019

(Michael S) #1

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L


Le Kodak 35 Rangender était,
comme son nom l‘indique, la ver-
sion télémétrique du Kodak 35.
Ce Kodak 35, premier 24x36 Kodak
américain, était apparu en 1938. Et
curieusement, lui, il avait plutôt une
bonne bouille – pour ceux qui appré-
cient la rusticité, le style shérif texan,
large dépaules. Et cest vrai quil était
indestructible.
En matière de 24x36, chez Kodak, les
choses étaient alors claires : il y avait les
Retina, performants et élégants, qui
étaient fabriqués par Kodak Stuttgart.
Et à côté deux, le Kodak 35 de Kodak
Rochester, destiné à occuper, à leurs
côtés, le créneau de lappareil populaire.
Cétait devenu nécessaire avec la percée
du 35 millimètres dans le grand public.
Et puis, il y avait ce contexte de “pré-
guerre”, qui avait suscité aux États-Unis
des inquiétudes quant à la disponibilité
à terme des appareils allemands ainsi
que les vocations
patriotiques de nou-
veaux constructeurs
dappareils “made
in USA”.

Et parmi
eux, Argus, qui
allait jouer un rôle dé-
terminant dans la trajectoire du
Kodak 35.
Mais revenons au Kodak 35, un compact
on ne peut plus classique, entièrement
en bakélite (boîtier et dos/semelle amo-
vible), avec viseur de Galilée pliant,
obturateurs maison grimpant au 1/100
s, 1/150 s ou 1/200 s selon les versions et

objectifs Kodak, non rentrants et non
amovibles, à mise au point frontale, ouvrant
à f /5,6, 4,5 ou 3,5.
Parmi ceux-ci, le f/3,5, pour dobscures
raisons, était modestement gravé Anas-
tigmat Special (et non pas Ektar). Cétait
une excellente optique à quatre lentilles
de type Tessar quon retrouvera entre
autres sur plusieurs Retina et sur lEktra –
atteuses références.
Autre point fort étonnant du Kodak
35 : ses tolérances de fabrication étaient
plus sévères... que celles des Retina!
Bas de gamme daccord, mais sans
concession. Dame, c‘était un Kodak!
Le prix de la version f/3,5 avec obtura-
teur au 1/200 s, avait été xé à 40
dollars. Lennui cest que, la même
année, Argus lançait ses premières
“briques” (modèles C et C2), appelées
à un énorme et persistant succès.
Leur ligne très typée, cubique, faisait
penser à celle du Contax original, émule
du Bauhaus. Ni belle ni laide, elle dégageait
une agréable impression de cohésion.
Leur objectif Cintar f/3,5 (un triplet pas
terrible paraît-il) était interchangeable
contre un 35 ou un 100 mm. Et surtout,
ces appareils étaient dotés dun télémè-
tre.
Argument décisif : on pouvait sen orir
un pour 30 dollars seulement. Dix dollars
de moins quun Kodak 35. Les Améri-
cains sont des gens qui comptent.
Total: même si les Argus connaissaient
des problèmes auxquels échapperont
tous les Kodak 35 (performances
irrég ulières des optiques, ajustement
délicat des télémètres), ceux-ci ne
réussiront en aucune manière une
percée digne de la grande maison de
Rochester. Argus avait envahi toute
la niche!

Le 35 Rangender
rate le train du design
Les années 1930 avaient vu le décollage
de ce qui sappelait alors lesthétique
industrielle (Raymond Loewy, “La lai-
deur se vend mal”).
Kodak nétait pas resté à lécart de ce
mouvement. Joe Mihalyi (le concep-
teur) et Walter Dorwin Teague (le
styliste) avaient eu les mains libres pour
dessiner toute une série dappareils
magniques (parfois qualiés “darts

Je sais bien : des goûts et


des couleurs, on ne discute pas.


Mais ce malheureux Kodak 35


Rangefinder, tout de même...


pourquoi tant de laideur?


Une laideur qui a d’ailleurs


torpillé sa carrière.


Et pourtant, il avait


de bonnes qualités!


Retour sur un ratage.


LE COIN DES


MêME SA MèRE


NE L’AIMERAIT PAS!


Rangefinder


KO DA K 35


Kodak 35 Rangefinder avec l’orgueilleux
bandeau “made in USA” ; il s’agit d’une
version intermédiaire sans retardateur ni
synchronisation mais avec mémo-film.
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