Chasseur d’images N°414 – Août-Septembre 2019

(Michael S) #1
Chassimages.c m - CI 414 113

déco”). Ils sappelaient Beau Brownie, Baby
Brownie, Folding Vanity, Six-20 Super, Ban-
tam Special, Ektra, Medalist, Cine Special
16... Daccord, les ventes navaient pas tou-
jours suivi, à cause de prix trop élevés (en-
core). Heureusement pour nous, loriginalité
et la qualité de réalisation étaient telles que
ces modèles sont devenus, avec le recul du
temps, des monuments historiques. Du gi-
bier de collectionneur. Ce qui les a sauvés!
Mais bien sûr, en dehors de ce petit bataillon
dappareils sophistiqués, limmense majorité
des Kodak américains était restée à lécart de
la tendance. À lécart voire à contre-courant.
La beauté est un luxe interdit aux pauvres.
Et cest sous ces sombres auspices que le
35 Rangender est né en 1940, dessiné par
des gens qui nétaient pas, mais alors pas du
tout, inspirés par lesprit “grand design”. ue
na-t-on consqué leurs crayons aux maudits
ingénieurs qui ont gribouillé cette version té-
lémétrique du Kodak 35!
On navait pas voulu le doter de la mise au
point hélicoïdale, coûteuse à fabriquer, mais
qui aurait permis, dans lobscurité complice
du tube porte-objectif, un couplage discret
objectif/télémètre, façon Foca Sport II!
Résultat, on sétait retrouvé avec un palpeur
externe, “dissimulé” derrière un pliage de
tôle style Reyna Cross. Une vilaine balafre.
Et qui donnait une impression de bricolé, de
rajouté...
On avait logé dans le boîtier un télémètre à
grande base (60 mm), bonne chose, mais
hélas on avait fait le choix dun télémètre de
type “artillerie”, à coïncidence (comme sur le
Kodak Folding N° 3 Autographic Special de
1917, le tout premier télémétrique histo-
rique). Alors que le classique télémètre à
superposition était tellement plus agréable
et ecace.
Pour une raison obscure, on avait perché le vi-


Vue de trois-quarts : impression-
nant semis de vis et de rivets...

seur au-dessus du télémètre. Prix à payer : des
oculaires situés à 35 mm lun de lautre (7 mm
sur le Leica contemporain...). Allez faire de la
“candid photography” avec ça!
Point positif quand même, lobturateur se
retrouve automatiquement armé lorsquon a
avancé le lm dune vue. Une fois cette vue
prise, il faut obligatoirement réarmer pour
faire une nouvelle photo. Il convient de le
préciser parce que cette sécurité était loin
dêtre, à lépoque, le lot de tous les 24x36.
Sur les briques Argus, il fallait non seule-
ment réarmer lobturateur avant chaque
nouvelle vue, mais encore débrayer pour
pouvoir avancer le lm dune vue... Discrète
mais importante supériorité du 35 Rangen-
der – qui na rien changé au résultat nal.
Derniers petits détails. Le presse-lm, de
toute beauté, est réalisé en acier chromé
étincelant. On dirait un pare-chocs de Ca-
dillac Série 62.

Lorsquon retire le dos, le mécanisme den-
traînement du lm est entièrement visible,
disposition censée faciliter le nettoyage
interne. Les anneaux de courroie de cou
ainsi que lécrou de pied, solidaire du
dos/semelle, sont tous trois en bakélite – ce
qui révèle une belle conance dans la robus-
tesse de ce matériau.
Le 35 Rangender a dabord été commer-
cialisé de 1940 à 1942, avec obturateurs à re-
tardateur, puis de 1946 à 1951 avec
obturateurs synchronisés (lArgus C3 létait
depuis 1939), avec quelques versions intermé-
diaires.
En 1951, Kodak, qui a parfaitement im-
primé les causes de léchec du 35 Range-
nde, lancera le Signet.
Plutôt réussi techniquement et esthétique-
ment (quoique très daté, il faut aimer), le
Signet a un boîtier compact en alu coulé, un
viseur-télémètre à superposition avec
oculaire unique, et son Ektar 44 mm f/3,5
met au point jusquà 60 centimètres via une
hélicoïdale, luxe inouï, montée sur roule-
ment à billes.
Toutes les erreurs du 35 Rangender sont
corrigées! Alors que les Argus C commen-
cent à sessouer sérieusement... Cest le
succès, et ce sera la diversication, vers le
haut et vers le bas. Ouf. En quelque sorte, le
Kodak 35 Rangender a joué un rôle “pou-
lidorien” par rapport aux Argus C.
Les 35 Rangender nétaient pas numérotés
et on ne connaît pas leurs chires de vente.
On sait seulement que les Argus “C” ont
battu les Kodak 35 dans une proportion de
100 à 1! Sans commentaire.
Comme quoi, on ne perd pas tout à fait son
temps en taillant bien son crayon.

Patrice-Hervé Pont

Vue de face en gros plan : de part et d’autre de la
frontale, molette de mise au point et capotage
dissimulant (?) la tringlerie du télémètre.

Vue de l’arrière : dos/semelle déposé ;
35 millimètres séparent les deux oculaires
(7 mm sur un Leica contemporain).

Kodak 35 dans sa version militaire PH 324,
en finition “olive”. Un curieux Kodak 35 pour
périscope de sous-marin a également existé ;
il possédait un viseur reflex externe récupérant
l’image fournie par l’objectif par le truchement
d’un miroir semi-transparent.

ICONOMÉCANOPHILES

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