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La septième édition estivale de l’abbaye de l’Épau
illustre le thème large de l’itinérance et du dépla-
cement, où l’étonnement croise l’inquiétude,
quand l’épopée sociale traverse l’histoire.Yvré-L’Évèque (72)
LE MONDE
À L’ÉCHELLE DU CLOÎTRE
7 eSaison photographique
de l’abbaye royale de l’Épau.
Route de Changé
Yvré-L’Évêque (Sarthe).
Jusqu’au 4 novembre.© Matjaž Krivic© Sébastien TixierÉvénement
7
e
Saison de l’ÉpauL
’image d’auteur, promue au rang d’expression
aussi noble que la musique, fait un beau mariage
avec ce lieu de paix qui accueille le voyage comme
l’héritier des pèlerinages et des transhumances de
jadis revus à l’actualité de notre monde moderne.
Pour marquer cette édition qui présente les travaux
d’une douzaine de photographes contemporains,
une large section est consacrée aux reportages de
Dorothea Lange sur les déplacements et le confi-
nement de communautés des États-Unis du XXe
siècle, tels que les présentait notre numéro du mois
de décembre 2018 à la faveur de son exposition
au Jeu de Paume.mentaire. Ces deux voyages qui croi-
sent l’absurde dans le réel rejoignent
les chemins plus tangibles des trans-
ports d’ouvriers, pris à l’aplomb d’un
pont par Alejandro Cartagena, du
convoiement du lithium suivi par
Matjaž Krivic depuis ses filons d’ex-
traction jusqu’aux sites de son ex-
ploitation dans la fabrication des ob-
jets incontournables de notre XXIe
siècle, avec ce que cela comporte
de pollution et d’exploitation humaine
ou minière.Loi des femmes et famines annoncées
Le séjour de Karolin Klüppel au village Mawlynnong
dans l’état du Meghalaya, au nord-est de l’Inde,
donne la note d’un exotisme culturel qui bouleverse
les idées reçues, avec la société si singulière du
peuple khasi fondé sur le matriarcat et son mode
de succession, de la mère à la plus jeune des filles.
De cette opposition radicale à la tradition mondiale
et immémoriale du droit d’aînesse mâle naît une
suite d’images émouvantes de petites filles comme
les autres, peu à peu amenées à la conscience de
leur responsabilité de tête de famille. Aussi étonnante
mais traitée sur la dérision, la série “Dystopia”
d’Alexa Brunet simule avec réalisme le quotidien
des campagnes dans l’aboutissement du processus
qui peu à peu ruine et pervertit la chaîne agro-ali-Aires d’autoroutes ou transsibérien
Ces itinérances plutôt dures alternent
avec des contrepoints plus légers,
comme cette pause des forçats du
week-end et des vacances que David
Richard nous joue “Sur un air d’auto-
route”, et surtout le long voyage ef-
fectué en Transsibérien par Sébastien
Tixier: “9288”, titre tiré du nombre
de kilomètres parcourus sur rails à
saisir les variations du paysage, et à
engranger le copieux échantillon
d’humains constitué par le flux des
voyageurs. Le sujet de Bernard Mot-
tier pourrait proposer une halte à ce
trajet au long cours avec ses photo-graphies de l’ordinaire spirituel des
moines de l’abbaye d’Orval, non loin
du monastère qui abrite cette évo-
cation estivale comme la mise en
abyme du silence. Un supplément
de réflexion est enfin apporté par
les travaux savants et documentés
sur le profil végétal de la planète
par Cédric Pollet et Hiro Chiba, et
surtout par l’incursion de Mario del
Curto dans l’impressionnant institut
Nikolaï Vavilov de Saint-Pétersbourg :
une folle collection de 250 000 spé-cimens de semences entreprise sous
Staline et destinée à perpétuer la
fragile biodiversité des plantes dans
un monde promis à sa fin.
Hervé Le Goff© Mario del Curto © Karolin Klüppel