16 CI 414 - Août-septembre 2019
Dix mois après l’éblouissante rétrospective
parisienne, la part provençale de l’œuvre de Willy
Ronis s’expose à Cavaillon, non loin des deux
villages aimés du photographe. Images solaires
d’une certaine Provence, asile et paradis.Cavaillon (84)
UN REFUGE
NOMMÉ LUBERON
Le Luberon de Willy Ronis,
Chapelle du Grand Couvent,
Grand’Rue, Cavaillon,
jusqu’au 2 novembre.Le Café de France, l’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse), 1979
© Ministère de la Culture, Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, dist. RMN-GP, donation Willy RonisÉvénement
Willy Ronis
L
e soleil, l’ombre des oliviers, l’animation des
places de villages et le désert des garrigues, il
ne manque plus que le chant des cigales pour re-
joindre le pur bonheur de la Provence vécu très
loin des grisailles parisiennes et des conflits sociaux
du XXesiècle. Après l’exposition montée par Jean-
Claude Gautrand et Gérard Uféras au Carré de
Baudoin à Paris et relayée dans notre numéro du
mois d’octobre 2018, l’exposition de Cavaillon par-
tage en ses murs la lumière de la Provence telle
que Willy Ronis a su la faire vibrer dans son éclat et
ses demi-teintes. Sa relation avec la Provence com-
mence en 1941, quand il franchit la Ligne de dé-
marcation pour se soustraire aux lois anti-juives du
gouvernement de Vichy. Au lendemain de la Libé-
ration, la presse renaissante ouvre ses pages à la
découverte de régions qui, dans un même élan de
reconstruction, se débarrassent des souvenirs trop
frais de l’Occupation. À Mirmande et à Gordes où il
réalise pour l’agence Rapho un reportage sur le
peintre André Lhote, Willy Ronis imagine s’installer
dans ce midi de la France, ce qu’il fait dès 1948
avec sa jeune femme, en achetant une vieille maison
à Gordes. Les Ronis rejoindront en cela une société
d’artistes attirés par une lumière et une atmosphère
méridionales particulièrement propices à la créativité
et au simple bonheur de vivre. Autour du célébris-
sime Nu provençalde 1949 et de l’essai aéromo-
déliste du jeune Vincent de 1952, l’exposition signée
par les mêmes Jean-Claude Gautrand et Gérard
Uféras retrace en images la relation heureuse en-
tretenue par l’auteur du Baiser de l’Hôtel de Ville
avec ces villages du midi de la France. Il en fixera
pour toujours un charme qui ne tarderait pas à s’es-
tomper par la colonisation estivale de tous ceux
qui, citadins ou touristes, rêvent de s’y enraciner.La Provence, définitivement
À part les quelques icônes auxquelles on réduit
souvent l’œuvre de Ronis, le visiteur de Cavaillon
déjà immergé dans la Provence retrouve en images
le temps des siestes, l’animation des marchés etdes places publiques, les pierres de
l’ère gallo-romaine, toutes figures au-
jourd’hui rangées dans les vieux livres
de lecture, comme le garde-cham-
pêtre et ses annonces tambour bat-
tant. Fondue dans la même tonalité
noir et blanc dont Ronis signe le
meilleur de son œuvre, les périodes
qui s’enchaînent lors des Trente glo-
rieuses sont aussi celles d’une pro-
ductivité particulièrement féconde
dans le reportage, la publicité et la
mode. Cependant, les petites trahi-
sons de grands journaux d’informa-
tion qui retouchent ses photos et dé-
tournent leurs légendes conduisent
définitivement Willy Ronis à vivre
dans la sérénité de sa maison de
l’Isle-sur-la-Sorgue.Érudit, philosophe, passionné de mu-
sique, Ronis entreprend de transmet-
tre sa vision de la photographie et
de son histoire en intervenant à l’École
des beaux-arts d’Avignon comme au-
près des étudiants des facultés de
Marseille ou d’Aix-en-Provence; et
c’est en maître presque centenaire
qu’il reçoit en 2009 le bel hommage
des Rencontres d’Arles.
Hervé Le GoffLe tambour de ville un jour de marché,
L’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse), 1979
© Ministère de la Culture, Médiathèque de l’Architec-
ture et du Patrimoine, dist. RMN-GP, donation Willy RonisLa sieste, Gordes (Vaucluse), 1949
© Ministère de la Culture, Médiathèque de l’Architec-
ture et du Patrimoine, dist. RMN-GP, donation Willy Ronis