Chasseur d’images N°414 – Août-Septembre 2019

(Michael S) #1

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de peinture. Indéniablement, Guy Bourdin plaît,
au point de se faire ouvrir en 1955 les portes de
Vogue France, qui souhaite voir et montrer les col-
lections photographiées par un talent neuf.
S’inventant un style et une manière résolument
personnels, le nouveau photographe éclaire le
chic d’une lumière inédite, il étonne son monde
en accumulant les provocations et les audaces,
sans jamais altérer l’éclat d’une robe ou l’élégance
d’un manteau. Tout en continuant de peindre et
d’exposer des deux côtés de l’Atlantique, Guy
Bourdin reçoit les commandes de Vogue Italie,
Vogue Grande-Bretagneet d’Harper’s Bazaar.
La touche de l’escarpin
Jourdan, Bourdin, les deux noms qui semblaient
faits pour s’associer partageront quelques belles
pages de l’histoire de la mode et des sagas publi-
citaires. Autant que le lien avec Man Ray, la ren-
contre avec les fils et successeurs de l’inventeur
de l’escarpin sera déterminante dans la carrière
de Guy Bourdin, offrant un terrain inédit à son
imagination. Le luxe porté par tout ce qui compte
dans la jet-set internationale participe aux fictions
insolites mises en couleurs par le photographe.

Sur le mode toujours libre de
l’anecdote sophistiquée, de
l’humour décalé, la chaussure,
vedette légitime de l’évoca-
tion visuelle, tient sa place
faussement discrète d’acces-
soire absolument essentiel.
Bourdin signe les pages gla-
cées des grands titres de la
mode qui publient aussi ses
campagnes pour Christian
Dior, Chanel, Issey Miyake,
Gianfranco Ferré ou Gianni
Versace, quand Nikon ou
Pentax le sollicitent pour leurs
communications de prestige.

Dans la lignée de l’évocation
arlésienne d’il y a six ans, la rétrospective toujours
montée sous le commissariat de Shelly Verthime
au Centre d’art de Campredon fait un élégant
mélange des supports pour mettre au jour une
œuvre qui dépasse la condition éphémère de la
mode pour s’ancrer durablement dans la création
contemporaine. Au bout du compte, le travail de
Bourdin fera référence pour toute une génération
de photographes, parfois jusqu’au plagiat.
Accompagnant les clichés de campagnes, une
collection des Polaroids pris à partir de 1970 et
une sélection des dessins que Bourdin n’avait
jamais délaissés donnent une vision généreuse de
l’esprit inventif et curieux d’un artiste qui aimait
séduire et surprendre : après avoir refusé en 1985
le Grand Prix National de la Photographie
décerné par le ministère français de la Culture,
Guy Bourdin acceptait trois ans plus tard l’Infinity
Award de l’International Center of Photography
de New York.
Hervé Le Goff
• Guy Bourdin, L’Image dans l’Image.
Campredon, centre d’art, 20 rue du Dr Tallet,
L’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse). Jusqu’au 6 octobre.

À gauche –
Charles Jourdan
Summer 1978
© The Guy Bourdin Estate, 2019

Page de droite, de haut en bas –
Charles Jourdan
Spring 1978
© The Guy Bourdin Estate, 2019

Charles Jourdan
Spring 1979
© The Guy Bourdin Estate, 2019
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