46 CI 414 - Août-septembre 2019
Chasseur d’Images — Que signifie être
femme photographe dans une agence
télégraphique telle que l’AFP?
Anne-Christine Poujoulat— Je ne fais pas
tellement la différence entre une femme
et un homme photographe dans le métier
que je fais. Je suis reporter photographe
et j’ai une formation d’agencière. Mon
travail en tant que femme, je ne le
trouve pas différent de celui que font
mes collègues hommes. La seule chose
que je peux constater c’est que l’on est
très peu nombreuses dans la photo
d’actualité et en agence télégra-
phiques (AFP, AR, Reuters, EPA...). J’ai
des collègues masculins qui considè-
rent qu’il existe un regard féminin, moi
je ne fais pas de distinction.
Il y a des regards plus ou moins sensi-
bles de part et d’autre.
Peut-on parler d’un métier “catalogué mas-
culin”, comme l’est celui de pompier?
C’est possible. Historiquement, on y trouve
plus d’hommes, de là à en déduire que c’est
un métier d’homme... Si on aime la photo
et l’actu, on ne se pose pas ces questions-là.
Pour moi, en tout cas, ça n’a jamais été un
frein. Mais quand j’étais responsable
régionale au bureau de l’AFP à Marseille, je
recevais des demandes de stagiaires, et il
n’y avait jamais de filles. Au bout d’un
À la suite de quoi, ils m’ont gardée pour des
piges et me voilà. On m’a juste prévenue
qu’il n’y avait pas de femme, mais à aucun
moment il n’a été question que cela allait
être plus dur pour moi. J’ai commencé à
Marseille et j’ai été très bien accueillie.
Qu’est-ce qui vous a plu dans le traitement
de l’actu généraliste?
Ce que j’ai aimé d’abord c’est le fonc-
tionnement de l’AFP. La manière dont
l’agence était organisée ; le fait de traiter
l’information en textes et photos, puis en
vidéo. J’ai été très attirée par ce photo-
journalisme-là, très factuel et qui tous les
jours pouvait changer de sujet. Le fait
que ce soit une actualité que l’on traite
au quotidien, qu’il y ait un enjeu chaque
jour, à trouver l’image qui va raconter
l’information le plus précisément possible,
le plus factuellement possible ou le plus
symboliquement possible. L’image qui
serve l’actu.
Quelles sont selon vous les qualités à avoir
pour faire ce métier?
Être réactif d’abord, voire anticiper les
événements. Il faut se tenir très au courant
de l’actualité, suivre son développement,
s’adapter à la situation en cours pour
chercher le meilleur angle et le meilleur
moment. Cela demande de la vigilance, de
moment je m’en suis étonnée, c’est vrai. En
revanche, à Paris, ils ont des demandes
régulières de la part de filles, signe que les
choses sont peut-être en train de changer.
Quand on est jeune et que l’on arrive dans
ce métier avec déjà une idée d’empêche-
ment, c’est qu’on vous a tenu un discours
dans ce sens à un moment donné. Ça n’a
pas été mon cas. Je ne suis pas pour un
militantisme forcené, mais j’attends le jour
où on ne se posera plus la question, où les
choses se seront équilibrées. Ce qui pilote
c’est l’appétence que l’on a pour ce métier ;
si on n’y met pas l’énergie, les photos ne
rentrent pas. Il faut être bien là où on est et
dans ce que l’on fait.
Comment êtes-vous entrée à l’AFP?
Je devais valider ma maîtrise d’audiovisuel
par un stage en entreprise. J’étais en
spécialisation photo, je l’ai donc fait à l’AFP.
L’AFP, c’est :
1700 journalistes,
2400 collaborateurs
dans le monde,
201 bureaux dans 151 pays
et 3000 photos par jour.