Version Femina N°905 Du 4 Août 2019

(Amelia) #1
version femina

C’est comme le pastis des vacances, il
faut savoir doser et éviter de remettre
en question l’éducation des copains »,
sourit Sidonie Mangin. En effet, mieux
vaut quelques accrocs en début de séjour
– histoire de se mettre d’accord – qu’un
gros clash à la fin qui rendrait une récon­
ciliation impossible. Dans le cas où l’on a
affaire à des ados, il faut là aussi redou­
bler de prudence. On
peut s’apercevoir, comme
Sandrine, 49 ans, que les
parents, ce couple d’amis
que l’on invite chaque
été, a changé avec l’ado­
lescence de ses enfants.
« Petits, ces gosses étaient
mignons. Maintenant, ils s’invitent à tout
moment dans nos discussions, nous
coupent la parole, sans que cela gêne nos
amis... Difficile de passer des moments
entre adultes! Un soir, on a attendu que
les jeunes s’éclipsent enfin pour en faire la
remarque, avec le plus de délicatesse pos­
sible. La discussion a failli virer à l’aigre
mais, finalement, elle a été constructive.
Nous avons pu trouver une règle com­
mune : faire soirée “à part” une fois sur
deux. Du coup, les jeunes avaient quartier
libre, ils ont adoré. Et nous aussi! »

Défricher les terrains minés
Il vaudrait mieux pourtant s’y prendre
plus tôt pour poser des règles. « Avant
de partir, on peut organiser un déjeuner
dominical qui réunit tout le monde pour
s’assurer que l’on a la même vision des
vacances, propose Aurélie Callet*, psy­
chologue. Vérifions nos valeurs éduca­
tives pour pouvoir éventuellement envi­
sager des compromis. » En général, les
grands désaccords pédagogiques se cris­
tallisent à des « points culminants » de la
journée, au lever, au coucher et aux repas.
Avons­nous les mêmes rythmes? Ceux­
ci peuvent varier en fonction de l’âge des
enfants. Pourtant, mélanger des ados et
des petits n’est pas si difficile, selon Auré­
lie Callet, car les seconds comprennent
très bien que les premiers, que l’on ne
transformera pas en baby­sitters gra­
tuits, n’obéissent pas aux mêmes règles...
A condition toutefois que ces dernières
existent pour tous, même si elles sont dif­
férentes! Entre des enfants du même âge,

C’est bien connu, la promiscuité sur un
bateau peut saborder une amitié. Pour
éviter le naufrage, il faudra non seule­
ment tenir compte du lieu de vacances
– la maison est­elle assez grande avec des
possibilités de repli, y a­t­il des activités à
portée de main pour les enfants ? –, mais
aussi que tous respectent les règles éta­
blies au départ. Et surtout pas d’exception,
en particulier pour ses propres enfants!
Dernière règle de base : on n’est pas obli­
gés de tout faire ensemble! Ce n’est pas
parce que le bébé des uns doit faire la
sieste que les autres attendront 17 heures
pour aller à la plage. Les vacances, c’est
aussi un espace de liberté.

Entre eux, ils ne s’aiment pas
Là où ça peut se compliquer, c’est quand
les enfants de nos amis ne sont pas vrai­
ment amis avec les nôtres. Tensions,
disputes, chipotages... « Cela finit par
déteindre sur les parents, dit Sandrine,
qui en a fait l’expérience. On a tendance
à vouloir forcer l’amitié entre nos enfants,
reconnaît­elle. Et quand on s’aperçoit
qu’ils ne s’aiment pas, il est bien difficile
de ne pas prendre parti pour sa progé­
niture. » C’est justement l’erreur à ne pas
commettre, selon Aurélie Callet : « Il faut
demander à tous de respecter les règles
communes et de rester dans une poli­
tesse mutuelle mais, pour le reste, il est
très important que chacun ne s’occupe
que de ses enfants! Aller gronder ceux
des autres, ça peut être très mal vécu,
même si on gronde aussi les siens : on
n’a pas un rôle éducatif auprès des enfants
des autres », prévient­elle. D’autant que
lorsque les jeunes résolvent leurs brouilles
eux­mêmes, ça se passe toujours mieux!
Si les adultes ne s’en mêlent pas, ils pour­
raient même finir par bien s’entendre...

Et si on jouait?
Dans son livre Jouons malin !, la psychopédagogue Delphine de Hemptinne propose
deux cent cinquante jeux destinés à décrisper les relations. Pas des jeux de société avec
gagnants et perdants – cela peut raviver les tensions – mais des jeux coopératifs dans
lesquels tout le monde se groupe contre le hasard ou un adversaire commun. Chasse au
trésor, parcours nature, mise au point d’un spectacle, « repas de stars », défis au moment de
faire les courses ou à l’heure du ménage, il y en a pour tous les âges, avec l’avantage de tisser
ou de restaurer les liens du groupe, entre enfants, mais aussi avec les adultes qui peuvent
participer et ainsi porter un regard neuf et plus conciliant... sur les enfants des autres.
* Auteure avec Clémence Prompsy de Je ne veux pas !, Au Fil de Soi.

il peut y avoir plus de rivalité, surtout s’ils
ne sont pas logés « à la même enseigne ».
« Par exemple, des parents peuvent vou­
loir profiter des leurs jusqu’à 23 heures,
quand d’autres insistent pour coucher
leurs enfants à 21 heures. Pour qu’il n’y
ait pas de différence de traitement et que
les adultes puissent aussi profiter de leurs
soirées, on peut convenir que les jeunes
aient le droit de regarder
un film deux soirs par
semaine et qu’ils aillent
tous au lit à l’heure conve­
nue les autres soirs »,
préconise Aurélie Callet.
On peut trouver le même
compromis avec les repas,
lorsque l’on est divisé sur l’idée de manger
ou non avec les enfants. Pour en discuter,
il faut défricher les terrains minés comme
les écrans (tablettes, jeux vidéo...). Mieux
vaut convenir d’un usage commun – une
heure chaque jour en rentrant de la plage
ou un après­midi par semaine. Idem avec
l’alimentation : « D’accord pour les glaces
ou les frites, mais pas tous les jours. »

Pas d’exception qui tienne!
« On en avait parlé et on s’était mis d’ac­
cord : les enfants mangeaient comme
nous », s’énerve Michel, 51 ans, père de
deux ados, 13 et 16 ans, tous embarqués
l’été dernier sur un voilier de location avec
un couple d’amis et leurs trois enfants. « A
chaque repas, j’avais envie de jeter leur
petit dernier, 10 ans, par­dessus bord!
Le regarder trier les tomates et entendre
systématiquement sa mère lui proposer
des coquillettes, ça me mettait hors de
moi. On était déjà partis ensemble, mais
en clubs de vacances. Du coup, je n’avais
pas remarqué à quel point leurs enfants
étaient difficiles, surtout le plus jeune! »

On n’est pas
obligés de tout
faire ensemble. On
peut se laisser des
espaces de liberté.

MÉLANIE ACEVEDO/TRUNK ARCHIVE/PHOTOSENSO

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