Planète Cyclisme N°90 – Août-Septembre 2019

(Sean Pound) #1

HEROS DU TOUR – JULIAN ALAPHILIPPE 2019


Comme un bolideà Pau!


Le Gallois Geraint Thomas était archi-favori du contre-la-monte à Pau! Pourtant, certains spé-
cialistes ou responsables d'équipe comme Nicolas Portal mentionnaient le nom de Julian Ala-
philippe également. Le parcours en première partie lui était favorable. Mais les dix derniers
kilomètres étaient par contre un désavantage pour le Français. Mais le maillot jaune trans-
cende! Alaphilippe porte une combinaison manches longues et cuissard court. Ses manches
ont été raccourcies de 10 cm et le cuissard de 3 cm sur le devant et les côtés. Tout a été étu-
dié en une nuit par les couturières et modélistes du Coq Sportif dépêchées à l'hôtel du cham-
pion. Un temps canon passe aussi par une combinaison hyper aéro avec le meilleur textile
possible. Pourtant, Ricardo Scheidecker le responsable de la performance chez Deceuninck-
Quick•Step peste un peu. Il aurait préféré avoir le textile de l'équipe, mais le règlement im-
pose aux maillots leaders une combinaison avec le Coq Sportif. « On aimerait changer cette
règle »dit-il, « faire en sorte que les équipes puissent avoir leurs propres combinaisons. »
Le Français sera pourtant aérodynamique à souhait. Il passera en tête de tous les temps inter-
médiaires. La foule porte Alaphilippe qui n'est pas loin de se faire exploser les tympans sur le
circuit urbain. Et au final, il laisse Geraint Thomas à 14 secondes! Whaoowww! Il raconte le
chrono de sa vie comme un laser.

4 « Je savais, vue ma condition physique, que c'était le moment ou jamais de frapper un
grand coup. Je savais que j'allais me mettre la misère. Mais je ne pensais pas gagner de-
vant de grands coureurs comme Geraint Thomas et encore moins avec de l'avance. J'étais
transporté avec le maillot jaune sur le dos. Le public était à fond derrière moi, et partir
en dernier c'était quelque chose de très spécial. J'étais ultra-motivé et j'avais le parcours
en tête. J'étais hyper concentré. Avant de m'élancer, je refaisais les trajectoires et je me pré-
parais à la douleur. Mais j'attendais beaucoup aussi de mes supporters et du public. Je me
suis dit : “Tu as le maillot, mets toi à bloc pendant 15 bornes et vois ce que tu peux faire,
peut-être que tu vas te surprendre”. Quand j'ai su que j'avais de l'avance, je n'ai plus
compté. J'ai essayé de maintenir l'effort maximal le plus longtemps possible et ne pas chu-
ter. J'avais vu des chutes à la télé avant de commencer mon échauffement, notamment
celle de Wout van Aert. Mais il fallait rester concentré sur ce type de parcours technique
en première partie et avec des bouts droits en deuxième partie. Je savais aussi qu'il y avait
une bosse juste avant l'arrivée et que pendant 300 mètres, je pouvais me bruler les jambes.
Je crois bien que dans la voiture derrière moi, le DS et le mécano pleuraient. »

Même pas peur!


Il avait passé les Pyrénées sans encombre et les Alpes se profilaient. Monstrueuses. Un tracé dan-
gereux. Un triptyque en haute altitude où les rapaces font leur nid. Alaphilippe appréhendait,
conscient du danger de perdre le maillot jaune. Pourtant, rien ne lui faisait peur! Même pas
l'Izoard et la Casse déserte qui a enterré bien des champions.

4 « Il n'y avait pas une étape en particulier qui me faisait peur. Je connaissais le parcours, sa-
vais à quoi m'attendre. On n'avait pas une équipe pour gagner le Tour, mais ça aussi on le
savait. J'allais tout donner. J'avais déjà tout donné dans le Tourmalet. J'étais resté devant, je
m'étais accroché. Il ne fallait pas craquer. Dans les Alpes, j'étais dans le même état d'esprit. »

Vous avez ditrepos!


Une pause est toujours la bienvenue pour
les coureurs. Elle l'est encore plus pour le
porteur du maillot jaune qui casse notam-
ment la routine des protocoles où il laisse
beaucoup d'énergie. Alaphilippe se raconte
à Albi entre conférence de presse à son
hôtel, bain de foule et signatures d'auto-
graphes. Il ira faire une petite sortie ludique
avec ses coéquipiers de la Deceuninck-
Quick•Step, sur un nouveau Specialized
électrique. Version Turbo évidemment pour
lui.

4 « Je me demande si on peut appeler ça
des jours de repos sur le Tour! Mais bon,
on s'occupe. J'allais rouler un peu le
matin et l'après-midi je restais relax à
mon hôtel. J'avais du retard dans mes
films et séries. J'ai quand même apprécié
ces journées-là en fin de compte à Albi
et Nîmes, car ça permettait de souffler, de
couper avec tous les protocoles qui ne
sont pas les choses les plus marrantes à
faire. Mais bon, c'est normal d'assurer
après la course aussi. J'avais tellement dé-
pensé d'énergie, que ce soit en première
partie ou au milieu du Tour, que ces jours
de repos étaient quand même les bienve-
nus. Ça m'a permis de voir dans le rétro
du Tour. De regarder ce que j'avais fait
jusqu'à Albi. Mais sur la première partie,
j'étais déjà allé au-delà de ce que je pou-
vais imaginer. Il y avait quand même des
étapes extra où on pouvait se faire plaisir.
Il y avait de l'action tous les jours. C'était
la course que j'aime, la manière dont
j'aime faire mon métier de coureur. »

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