Planète Cyclisme N°90 – Août-Septembre 2019

(Sean Pound) #1

La fièvrejaune!


On retiendra les exploits d'Alaphilippe : ses deux victoires d'étapes à
Epernay et Pau et une fièvre jaune pendant 14 jours où il n'a pas dé-
branché, en parfaite communion avec le public. Les fans l'ont re-
mercié, adulé même. Une folie s'est emparée du phénomène
Alaphilippe. Il a changé sûrement quelque chose dans la vision d'un
public plus large dans le pays. Un sport “populo” raconté le coude sur
le zinc. On ne le saura que plus tard. A la rentrée, avec d'éventuels li-
cenciés en plus pour la Fédération Française. Mais ça, c'est demain. En
attendant, Julian Alaphilippe se remémore la belle histoire.

4 « Quand je me réveillais dans ma chambre chaque matin et
que je voyais ce maillot sur le bureau, c'était dur de réaliser que
j'étais le leader du Tour. Je voyais mon coéquipier Dries (Deve-
nyns) avec des étoiles dans les yeux, alors qu'il a une grosse ex-
périence avec plus d'une dizaine de Grand Tour. J'ai donné du
bonheur aux gens. C'est tout ce que je voulais. Si j'y suis par-
venu, c'est très bien comme ça. Je me surpris tout au long de
ce Tour de France. J'étais dans une situation que jamais je n'au-
rais pu imaginer. A Pau et au Tourmalet, j'étais encore loin de
Paris. Je ne m'enflammais pas. L'idée était toujours de prendre
jour après jour. J'avais pris le maillot très tôt à Epernay, je l'avais
perdu à la Planche-des-Belles-filles, puis j'étais allé le recher-
cher à Saint-Etienne sur un coup de folie et je l'ai gardé le plus
longtemps possible en m'accrochant jour après jour. Ce n'était
que du bonus. Dans les étapes de montagne, il fallait repousser
mes limites. J'étais là pour faire du vélo comme je l'aime. Le pu-
blic était content de voir un Français en jaune avec cet esprit
d'attaquant. Le public aime le panache et il a vu que j'ai tout
donné. J'ai fait le vélo que j'aime pendant ce Tour de France.
Mais aujourd'hui, je n'ai pas changé. Je reste le même homme.
Le même coureur. »

Trop haut,trop dur, trop brutal!


La bataille des Alpes s'annonçait terrible, sans pitié. Elle le
sera. Héroïque dans les Pyrénées, Alaphilippe finira par cra-
quer sur les pentes de l'Iseran dans une étape tronquée par
des torrents de grêle et de boue. Mais au sommet de l'Ise-
ran, à 2 770 mètres d'altitude, un territoire où Egan Ber-
nal a fait son coup de force, le Français avait déjà perdu son
maillot jaune, alors que le Colombien filait vers Tignes.
L'équité sportive était respectée. 24 heures plus tard à Val
Thorens, après une montée sèche de 33 km, Alaphilippe
sera même éjecté du podium. Il a laissé bien plus qu'un
maillot jaune dans les Alpes. Il y a laissé ses tripes, comme
il dit dans son langage imagé. Cruel et injuste? Le héros ne
voit pas les choses ainsi. Il l'a répété maintes fois. Il n'avait
pas pris le départ de ce Tour de France pour le gagner, mais
pour se faire plaisir en allant chercher des victoires d'étapes.
Ce Tour est allé bien au-delà de ses espérances. Il n'a aucun regret évidemment.

4 « Aucun regret. Je préfère gagner deux étapes et passer 14 jours en jaune que de terminer sur la 3e
marche du podium. Je comprends que les gens se soient pris au rêve que je gagne le Tour de France,
mais ce n'était pas possible, car je ne suis pas fait pour cela. Ça demande des mois de préparation, voire
des années et ce n'est pas du tout ce que je fais tout au long de ma saison. J'aime les classiques, j'aime
toutes les courses en fait. Mais je sais ce que je peux faire et ce que je ne peux pas faire. Cette 5eplace
me rend fier au final. J'ai vécu une aventure fabuleuse. Mais j'ai vraiment besoin de souffler au-
jourd'hui. Je n'ai pas été souvent présent auprès de ma famille cette année. Il est tant de les retrou-
ver et de passer de bons moments avec eux. »

26-31 Julian OK R.qxp_maquette 29/07/2019 20:31 Page39

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