Planète Cyclisme N°90 – Août-Septembre 2019

(Sean Pound) #1

INSIDE THE RACE – LA BATAILLE DES ALPES


Valverde, Landa, Soler, le train de la Movistar
surpris à rouler derrière Quintana.

Quintana s’est envolé très tôt dans le Galibier pour
une victoire dont il a le secret.

Alpes maudites pour Bennett, fidèle lieutenant de Kruijs-
wijk, deux fois au sol avant Valloire.

Le lac de Serre-Ponçon a offert un décor de carte postale pour le début de la bataille des alpes.

L


a bataille des Alpes reste un classique
du Tour de France. Un classique d'ex-
ception. Coppi, Bobet, Anquetil,
Merckx, Hinault, Fignon, LeMond ont écrit
leur légende lors de chevauchées fantas-
tiques à travers ses plus hauts sommets. Des
étapes dantesques qui ont alimenté le mythe
et nourrit les mémoires. Cet été, le Tour, réa-
nimé sous la canicule de juillet par des Fran-
çais en quête d'une victoire à Paris, allait vi-
vre une nouvelle fois son épilogue dans le
massif alpin. Le Dauphiné avait titré “L'heure
des Braves”, Le Parisien “A vous de jouer”
quand les artistes entraient en scène pour
une pièce en trois actes. Une dramaturgie
suivie par des foules considérables du col de
Vars à Val Thorens en passant par les hautes
altitudes de l'Izoard, du Galibier et d'un re-
tour sur l'Iseran! Une première depuis
douze ans.
Julian Alaphilippe, pris d'une fièvre jaune
depuis le début du Tour, avait encore cinq
coureurs à ses trousses au moment d'attaquer
la haute montagne. Cinq grimpeurs qui se
tenaient en 39’’ : Geraint Thomas, Steven
Kruijswijk, Thibaut Pinot, Egan Bernal,
Emanuel Buchmann. Le triptyque alpestre
s'annonçait somptueux. Il le fut. Excitant
dans son cheminement. Epique par son scé-
nario! Dramatique dans son épilogue.
L'équipe Ineos, sans forcer depuis
Bruxelles, jouait avec un allié de choix, « la
patience »selon Nicolas Portal, son direc-
teur sportif, quand la Groupama-FDJ et la
Jumbo Visma avaient crevé l'écran dans les
Pyrénéens pour mettre sur orbite Thibaut
Pinot et Steven Kruijswijk en embuscade au
classement général.
Ce Tour, sans doute le plus fou depuis
1989, n'allait pas se donner au premier venu.
Il fallait aller le chercher. Le charmer diront
les esthètes. Le renverser pensaient les plus
radicaux. A la pédale. A la force des mollets.
Il faudrait du mental pour survivre à
l'épreuve de force déclenchée par les cou-
reurs colombiens. Les Sud-Américains
n'avaient jamais été aussi bien servi à cette al-
titude. Les fans semblaient l'avoir compris.
Massés par milliers dans les cols en Mau-
rienne comme en Tarentaise, les supporters
colombiens apportaient leur folie aux raids
promis par Nairo Quintana et Egan Bernal.
Le Tour, emporté par sa folie, charriait alors
de nouveaux moments d'histoire à quatre
jours de l'arrivée à Paris. « Mon maillot
jaune ne tenait qu'à un fil »avait lancé Ju-
lian Alaphilippe, avant d'entamer la série al-
pine. Le détricotage avait déjà débuté au
Prat d'Albis au-dessus de Foix quelques
jours plus tôt.
Frondeuse, l'équipe britannique Ineos du
richissime Jim Ratcliffe ne voyait pas Alaph-
lippe tenir le choc. Pourquoi? « On avait
deux cartes à jouer »notait Nicolas Portal.
« C'était un atout. L'important était de ga-

gner le Tour. Le matin au briefing, on ne
sait jamais. C'est sur la route que ça se dé-
cide. Mais on ne peut utiliser les deux
cartes que lorsqu'on maitrise ses adver-
saires. En fin de compte, c'est toujours
mieux d'être à deux contre un. »Une ba-
taille de mots avant une guerre physique. Les
Alpes seront terribles.

Nairo Quintana met
le feu au Galibier

Embrun, bordé par le lac de Serre-Pon-
çon, offre un décor de carte postale, tout
juste bariolé une fois l'an par l'arrivée des
pullmans des équipes du Tour ou du Crité-
rium du Dauphiné. Les coureurs n'ont ja-
mais le loisir d'apprécier les lieux. Le 25 juil-
let n'a rien d'une plage de repos. Il faut
rallier Valloire par les cols de Vars, l'Izoard, le
Galibier avant de plonger sur la station sa-
voyarde où Eddy Merckx remporta une
prestigieuse victoire sur le Tour 1972, en
battant au sprint Joop Zoetemelk après avoir
avalé le Lautaret et le Galibier.
Le champion de France Warren Barguil
n'était pas indifférent au menu. Il a été pos-
térisé pour l'histoire, au sommet de l'Izoard
en 2017. « C'est l'étape la plus dure en
termes de kilomètres et de dénivelé. Alors,
on verra bien comment ça part. Mais c'est
du costaud »notait le Breton obligé de se
doucher en pleine nuit à cause de la chaleur
sur Gap! Il n'a pas l'œil du rapace.
Romain Bardet non plus. Mais l'Auver-
gnat a retrouvé les jambes. C'est plus utile
chez un coureur. Bardet, habitué à être servi
sur un plateau par ses gregarios, a changé ses
plans pour la première fois de sa carrière. Il
va se battre pendant une heure pour être
dans une échappée fleuve avec les recalés du
Tour : Quintana, van Avermaet, Adam Yates
et quelques lieutenants comme George
Bennett, chargé de relancer Steven Kruijs-
wijk bien plus tard. L'équipe néerlandaise a

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