Moto Revue Classic N°106 – Septembre-Octobre 2019

(Jeff_L) #1

(^20) / # 106
J
’ai possédé jusqu’à ce jour, les motos
les plus perfectionnées et les plus
rapides (Velocette KSS, KTT, Norton
Inter, Norton Manx, Triumph T100, Terrot
350 Compétition quatre paliers, Excelsior
Manx, BMW R51, 13 BMW Rennsport
(sic), BMW R73, R71, Ariel Square Four,
DKW course à refroidissement par eau).
Il n’y a aucune de ces motos, pas
même la dernière née BMW R68 Sport,
pour rivaliser avec la Black Shadow.
Quant aux voitures, n’en parlons pas. »
L’homme qui, en février 1954, parle
ainsi, est un lecteur de Moto Revue.
Un brin manipulateur, il va déclencher
une polémique qui va durer des mois
à travers le courrier des lecteurs de
la revue. Après avoir excité la curiosité
avec son énumération faramineuse
et sur un ton assez provocateur, il
persiste et signe : Marcel Vidal, Av. des
Pupilles de la Nation, Aurillac, Cantal.
Cependant, il a son idée derrière la
tête... Il continue ainsi : « J’habite une
région très accidentée avec des routes
très tortueuses et des virages l’un sur
l’autre. Comme performances, j’ai fait
Aurillac-Clermont-Ferrand : 164 km
en 1 heure trois-quarts, avec traversée
des agglomérations selon les arrêtés
municipaux! Ceci donne, je crois,
une moyenne de 90 à 91 km/h (et je
suis prêt à le prouver, je relève n’importe
quel défi au motard qui voudrait engager
le pari et venir voir le parcours). »
Ça y est, on arrive au cœur de l’affaire!
Le d’Artagnan motocycliste a jeté le gant
à quiconque mettra sa parole en doute.
Il trouvera une dizaine de « quiconques »
un peu moqueurs, qui lui répondent
un mois plus tard, le 6 mars 1954 :
« L’Auvergne est un bien joli pays
touristique qui possède des routes
sinueuses, mais qui est tout de même
assez éloigné de Marseille. C’est ce
que nous voudrions faire comprendre
à notre cher compatriote, M. Vidal,
d’Aurillac. » Se présentant comme
motards de Clermont-Ferrand (sauf un
Riomois), ils mettent 20 000 F sur la table
et proposent de faire de même à M. Vidal,
le tout sous la houlette d’un huissier, de
part et d’autre. Au cas où ils gagneraient
le pari, ils précisent : « Les fonds qui nous
écherront seront destinés à organiser
un banquet entre les vainqueurs, aux
dépens du trop téméraire Aurillacois. »
En ces temps reculés, les communications
en région se font alors par corbeaux
l’hiver et pigeons voyageurs l’été.
La réponse aux Clermontois mettra
trois mois à parvenir à Moto Revue
qui la publie le 1er mai 1954. Mais ça
valait la peine d’attendre si longtemps
car « Monsieur Vidal accepte! » comme
est titré l’encadré accompagné par
une ligne de pied expliquant que « bien
conduire n’est pas forcément aller vite ».
Les communications entre Aurillac et
Clermont ne s’arrangent guère puisqu’il
faut attendre... octobre 1954 pour avoir
des nouvelles. Elles proviennent d’une
lettre de M. Vidal que Moto Revue publie
sous un titre (« Pschitt! ») qui sera rendu
célèbre par un personnage politique...
par ailleurs (coïncidence !) originaire
de la Corrèze, département auvergnat
comme on sait. Comme l’affaire n’avance
pas, c’est fi nalement Moto Revue qui
aura le dernier mot après la publication
d’un nouvel échange de courriers entre
les protagonistes. Le ton des lettres (des
deux côtés) était devenu moins policé,
limite insultant. Si bien que la revue
décide de ne rien publier de plus avant
que le pari ne soit effectué. Et c’est ainsi
que se termine l’histoire sur une impasse
frustrante... De nombreuses années plus
tard, lors de mes vacances dans le Cantal
où j’ai eu mes habitudes durant plusieurs
années, j’ai tenté d’en savoir plus auprès
des concessionnaires motos d’Aurillac.
Chaque fois que j’ai prononcé le nom de
« Vidal », les regards et les mimiques de
mon (mes) interlocuteur(s) ne laissaient
guère de doutes sur leur opinion
du personnage. Le pire est qu’aucun
d’eux ne savait où était passée la Vincent,
ni même si elle avait réellement existé!
EN FRANCE ET AU JAPON
VINCENT, NORTON
ET CAFÉ BOL D’OR
Les souvenirs de Jean Junior
LA VINCENT DE M. VIDAL
A-T-ELLE RÉELLEMENT EXISTÉ?
Jean Junior a été embauché en 1951
à Moto Revue. Depuis, il n’a jamais
cessé de s’intéresser à la moto
et il a plein de choses à raconter.
Une Vincent 1000 Black Shadow
dans toute sa splendeur.
«

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