Temps - 2019-07-31

(nextflipdebug2) #1

LE TEMPS MERCREDI 31 JUILLET 2019


14 Science


CLÉMENTINE THIBERGE (LE MONDE)


La principale substance de rem-
placement du bisphénol A, le bis-
phénol S, serait tout aussi dange-
reuse pour l’organisme. C’est ce
que suggère une nouvelle étude
publiée mercredi 17 juillet dans la
revue  Environmental Health Pers-
pectives
, et menée par une équipe
de l’Ecole nationale vétérinaire de
Toulouse et du laboratoire Toxa-
lim (Institut national de recherche
agronomique), en collaboration
avec les universités de Montréal
(Québec) et de Londres. Cette der-
nière a montré chez le porcelet que
le bisphénol S (BPS) persiste plus
longtemps dans l’organisme et à
des concentrations beaucoup plus
élevées que le bisphénol A (BPA).


Perturbateur endocrinien
«Cette étude comble une lacune
importante dans nos connais-
sances sur la manière dont les pro-
duits chimiques de remplacement
du BPA sont métabolisés par le
corps, soutient Laura Vandenberg,
professeure associée à l’université
du Massachusetts (Etats-Unis), spé-
cialiste des perturbateurs endocri-
niens. Alors que le public continue
de poser des questions sur la sécu-
rité du BPA, de nombreuses indus-
tries remplacent ce composé par
d’autres produits chimiques ayant
des fonctions similaires. Malheu-
reusement, la plupart des substi-
tuts sont d’autres bisphénols – qui
ont des effets relativement incon-
nus sur le corps.»
Le bisphénol A est une substance
de synthèse utilisée dans certains
plastiques rigides, résines, etc. En
juin 2017, l’Agence européenne des
produits chimiques avait classé le
BPA sur la liste des substances


«extrêmement préoccupantes»
(« substance of very high concern »),
pour ses propriétés de perturba-
tion endocrinienne, «à l’origine
probable d’effets graves sur la santé
humaine, soulevant un niveau équi-
valent de préoccupation aux subs-
tances cancérogènes, mutagènes
ou reprotoxiques» – c’est-à-dire
affectant la fertilité ou le dévelop-
pement de l’enfant à naître.

Le BPA fait l’objet de mesures res-
trictives dans un grand nombre de
pays. En Suisse, il reste autorisé
mais est toutefois interdit dans les
biberons depuis 2017. En consé-
quence, les industriels ont pro-
gressivement remplacé le BPA par
des composés analogues, principa-
lement le BPS. Cette substance est
aujourd’hui présente dans de nom-
breux matériaux, notamment les
plastiques, les résines époxy (utili-
sées dans les revêtements intérieurs
de boîtes de conserve et canettes) et
le papier thermique (étiquettes ali-
mentaires, tickets de caisse, de par-
king ou de musée).

«Nous avons choisi de faire cette
recherche, car l’utilisation du BPS
augmente et il est nécessaire d’avoir
plus d’informations sur cette subs-
tance», explique Véronique Gay-
rard, professeure en physiologie
à l’Ecole nationale vétérinaire de
Toulouse et première auteure de
l’étude. Ainsi, pour leur rapport,
les chercheurs ont administré du
BPS par voie orale à des porce-
lets. «Etant donné que le BPS est
un contaminant alimentaire, c’est
la principale voie d’entrée dans le
corps, précise la chercheuse. De
plus, nous avons utilisé un animal
qui a de grandes similitudes physio-
logiques avec l’homme pour repro-
duire les conditions les plus sem-
blables.»
Les résultats montrent que la
quantité de BPS ingérée qui accède
à la circulation sanguine générale
de manière inchangée est envi-
ron 100 fois supérieure à celle du
BPA. Elle est de 57% pour le BPS
et de 0,5% pour le BPA. De plus,
selon l’étude, l’élimination de la
substance de remplacement est
3,5 fois inférieure à celle du BPA.
«En combinant ces deux éléments,
soutient Véronique Gayrard, on se
retrouve avec des concentrations
de BPS dans le sang environ 250 fois
supérieures à celles du BPA pour
une même exposition.»
Les fonctions gastro-intestinales
du porc et de l’humain étant compa-
rables, ces résultats suggèrent que
le remplacement du BPA par le BPS
pourrait conduire à augmenter l’ex-
position de l’être humain à un com-
posé hormonalement actif. «Cette
étude est très importante, insiste
Laura Vandenberg, qui n’a pas par-
ticipé à ces travaux, car elle per-
met d’affirmer que les effets du BPS
seront observables à des doses plus

faibles que le BPA, car le corps ne le
métabolise pas aussi facilement.»

Données toxicologiques
encore insusantes
En avril 2017, une étude du maga-
zine 60  millions de consomma-
teurs  avait déjà appelé les autori-
tés et les consommateurs à réagir.
L’association de consommateurs
avait fait analyser par un labora-
toire indépendant une mèche de
cheveux d’un panel de 43 enfants
et adolescents de 10 à 15 ans, habi-
tant «sur tout le territoire» fran-
çais, tant en ville qu’en milieu
rural, pour y rechercher 254 subs-
tances. Le bisphénol A n’avait été
retrouvé que dans 20% des échan-
tillons, preuve de «l’efficacité» de
son interdiction en France dans
tous les contenants alimentaires
depuis 2015, selon 60 millions de
consommateurs. En revanche, le
bisphénol S, utilisé en substitution,
était présent dans 98% des échan-
tillons.
Bien que les données toxico-
logiques soient encore insuffi-
santes pour évaluer précisément
le danger associé, ces résultats
soulignent l’importance de l’esti-
mation de l’exposition dans le pro-
cessus d’analyse du risque pour la
santé humaine lié à la substitution
de substances préoccupantes.
«Nous avons des centaines
d’études sur le BPA suggérant qu’il
peut causer des dommages au corps
humain, soutient Laura Vanden-
berg.  Mais seulement une dou-
zaine sur le BPS. Nous ne savons
presque rien du BPS dans la popu-

Le bisphénol S est présent dans de nombreux matériaux, y compris certains tickets de caisse. (CHRISTIAN BEUTLER/KEYSTONE)

Bâle


Lausanne


Sion
Verbier

Locarno


Zurich Saint-Gall


Coire


Saint-Moritz


Genève


La Chaux-de-Fonds Berne


MÉTÉO


Situation générale
aujourd’hui à 13h


LES NUAGES SERONT ENCORE
nombreux dans la matinée de ce
mercredi, notamment le long des
reliefs. Ils se dissiperont en cours
de journée pour laisser place à un
temps bien ensoleillé. Jeudi, le
soleil sera de la partie pour la Fête

nationale, cependant l’instabilité
augmentera en cours de journée
et quelques averses ou orages
pourront localement se produire
en soirée et dans la nuit. Quelques
précipitations sont encore atten-
dues vendredi matin.

PRÉVISIONS À CINQ JOURS
JEUDI
60 %

VENDREDI
60 %

SAMEDI
50 %

DIMANCHE
30 %

LUNDI
20 %

Bassin lémanique,
Plateau romand
et Jura

12° 26° 14° 26° 14° 27° 14° 27° 15° 25°


Limite des chutes de neige –––––
Alpes
vaudoises
et valaisannes
(500 m)

14° 29° 16° 29° 15° 30° 16° 30° 17° 27°


Limite des chutes de neige –––––

Suisse
centrale
et orientale

14° 29° 16° 29° 15° 30° 16° 30° 17° 27°


Limite des chutes de neige –––––

Sud
des Alpes

14° 29° 16° 29° 15° 30° 16° 30° 17° 27°



  • de -15°-15 à-10°-10 à -5°-5 à 0° 0 à 5° 5 à 10° 10 à 15° 15 à 20° 20 à 25°25° et + Limite des chutes de neige –––––


ÉPHÉMÉRIDE
Mercredi 31 juillet 2019

lever: 06h
coucher: 21h
2 minutes de soleil en moins

lever: 05h
coucher: 20h

lune décroissante
taux de remplissage: 1%

11°19°

18°24°

12°20°

17°28°
16°25°

16°24°

16°23°

20°29°

9°20°

15°20°

17°23°

17°22°

Prévisions en Suisse pour le matin et l’après-midi.
Les températures indiquées sont les valeurs minimales (en bleu)
et maximales (en rouge)

MétéoSuisse tél. 0900 162 666
en ligne avec nos météorologues, 24 heures sur 24
(fr. 2.90 la minute)

http://www.MeteoSuisse.ch


Haute
pression


Basse
pression


Front
froid


Front
chaud


Front
occlus


Isobares
(hPa)


H


B


1015

Le bisphénol S,

peu étudié et plus

dangereux que le BPA

PLASTIQUE Utilisé en substitution du bisphénol A, le BPS serait tout
aussi préoccupant. Il subsiste dans l’organisme plus longtemps, et
à des concentrations plus élevées, a prouvé une étude chez l’animal

lation humaine. Nous obtenons
maintenant de bonnes données de
biosurveillance qui vont nous per-
mettre de mieux évaluer le risque
de la substance.» Les rares études
sur le sujet suggèrent cependant
que le BPS aurait des effets hor-
monaux œstrogéniques compa-
rables au BPA, «voire supérieurs
pour d’autres capteurs», alerte l’au-
teure de l’étude.
Aujourd’hui, les chercheurs sont
unanimes: il est impossible de
remplacer une substance dange-
reuse par une autre qui n’a pas été
suffisamment étudiée. «Pour les
industriels, le BPS n’a que des avan-
tages: les biens de consommation
conservent leurs propriétés sou-
haitées, mais ce n’est pas du BPA,
ce qui leur permet d’étiqueter les
produits «sans BPA», fait valoir
Laura Vandenberg. Ce qui ne veut
pas dire pour autant sans danger.»

Alors par quoi remplacer ces dif-
férentes substances hormonale-
ment actives? «C’est une vraie ques-
tion pour les chimistes, répond la
chercheuse américaine. Ce qu’on
sait pour l’instant, c’est que, chaque
fois que nous pensons remplacer
un composé par un autre, nous
devons faire preuve de prudence
quant à la sécurité du nouveau
produit chimique et le tester de
manière appropriée. Sinon, nous
nous retrouvons avec des substi-
tutions regrettables. La réglemen-
tation chimique est remplie de
tels exemples et nous devons faire
mieux avec le BPA.»
Selon les associations de consom-
mateurs, la solution la plus satis-
faisante reste pour l’instant d’utili-
ser des alternatives aux plastiques
pour les contenants alimentaires,
tels que le verre, le silicone ou la
céramique. ■

«La plupart des
substituts au BPA
sont d’autres
bisphénols –
qui ont des effets
relativement
inconnus
sur le corps»
LAURA VANDENBERG, SPÉCIALISTE
DES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS

PUBLICITÉ
Free download pdf