Temps - 2019-07-31

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LE TEMPS MERCREDI 31 JUILLET 2019


4 Actualité


Préparation d’engins pyrotechniques sur la rade de Genève. Les feux d’artice restent un spectacle très populaire. (SALVATORE DI NOLFI/KEYSTONE)


MICHEL GUILLAUME, BERNE
t @mfguillaume

Mobilisation pour le climat en
Suisse centrale! A l’occasion du
1er Août, plusieurs associations,
dont les Médecins en faveur de
l’environnement, organisent une
Landsgemeinde non pas sur la
prairie du Grütli mais sur l’Aelg-
gialp, au-dessus de Sachseln (OW).
Ils ont choisi le centre géogra-
phique de la Suisse pour rappeler
que l’urgence climatique implique
un changement radical de société.
L’endroit, certes symbolique,
n’est pas facilement accessible:
on n’y parvient qu’à la suite d’une
randonnée à pied de trois à quatre
heures. Sur cette alpe où paissent
quelque 200 vaches, une centaine
d’écologistes prêteront un serment
particulier en ce jour de Fête natio-
nale. «Nous voulons être un peuple
de frères et sœurs qui, face aux nou-
veaux dangers, s’engagent pour
retrouver une liberté nouvelle dans
la modestie afin d’éviter de devenir
des esclaves du gaspillage.»

Le soleil roi
Ce genre de manifestation n’est
pas vraiment nouvelle, rappelle
Toni Reichmuth, l’un de ses initia-
teurs. En 1993 déjà, quelque 200
femmes et hommes s’étaient ras-
semblés sur l’Aelggialp en récla-
mant la fin du recours aux éner-
gies fossiles. Dans la foulée, les
Médecins en faveur de l’environ-
nement et une association sœur
qui se bat pour sortir du nucléaire
ont repris le symbole pour parti-
ciper au lancement de deux ini-
tiatives populaires, dont celle
pour l’introduction d’un centime
solaire à prélever sur les énergies
non renouvelables. L’initiative est
rejetée à une majorité de 67% par
le peuple en 2000.
«Nous étions trop en avance»,
constate aujourd’hui Toni Reich-

muth (67 ans), un grand-père qui
se dit bouleversé lorsque ses
petits-enfants lui confient «qu’ils
n’ont pas d’avenir». Un quart de
siècle plus tard, la situation s’est
aggravée, ainsi qu’en témoigne
le dernier rapport du Groupe
d’experts intergouvernemental
sur l’évolution du climat (GIEC).
«Nous avons perdu une généra-
tion. Malgré l’urgence climatique,
c’est l’inertie sur le plan politique
et surtout économique», déplore
Toni Reichmuth.

«Réinventer la démocratie»
C’est dans ce contexte que les
Médecins en faveur de l’environ-
nement appellent la population
civile à débattre lors d’une Lands-
gemeinde. Car si les politiciens
tardent à prendre des mesures
pour lutter contre le réchauffe-
ment climatique, l’espoir repose
sur elle. L’Association suisse pour
la protection du climat, qui exige
que la Suisse s’affranchisse des
énergies fossiles à l’horizon 2050,
a déjà recueilli 85000 signatures.
Les jeunes bougent aussi. En
Suisse alémanique, ils sont 1500
à s’être engagés à ne pas prendre
l’avion en 2020.
Parmi les Romands qui feront le
déplacement sur l’Aelggialp, il y
aura Thomas Guibentif. Cet ingé-
nieur genevois de 27 ans, qui pré-
pare un doctorat sur les politiques
d’efficience énergétique, estime
qu’il est temps de «réinventer la
démocratie». Il est aussi membre
du mouvement Extinction Rebel-
lion – qui veut parvenir à la neu-
tralité climatique en 2025 déjà –
et de divers mouvements où les
citoyens ont leur mot à dire. Celui
qui a réalisé un tour du monde
sans avion en 2016 et 2017 a tra-
versé de nombreuses régions tou-
chées par le réchauffement cli-
matique. Il est donc grand temps
selon lui de prendre des «mesures
drastiques». «La Landsgemeinde
sera l’occasion de débattre du
dilemme suivant, déclare-t-il:
soit nous choisissons mainte-
nant le changement à apporter
à notre mode de vie, soit nous le
subirons.» ■

SUISSE CENTRALE Les Méde-
cins en faveur de l’environnement
montent sur l’Aelggialp pour
mobiliser la société civile face à
l’urgence climatique. Ils déplorent
l’inertie politique actuelle

Une Landsgemeinde


pour le climat


Les hommages rendus à des membres
de l’ETA offusquent l’Espagne
Des hommages à des membres de l’ETA tout juste sortis de
prison suscitent une réprobation quasi unanime en
Espagne. Le week-end dernier, deux membres de
l’organisation séparatiste basque dissoute en 2018 ont été
reçus dans leurs villages avec drapeaux nationaux et
fumigènes, après avoir passé 29 et 22 ans sous les verrous
pour des attentats et enlèvements. Le gouvernement de
Madrid a qualifié ces faits d’«insulte aux victimes du
terrorisme et à la société dans son ensemble». AFP

Nouveau bain de sang
dans une prison brésilienne

Au moins 52 détenus ont été tués lundi lors d’un
affrontement dans une prison du nord du Brésil, un nouveau
massacre qui endeuille le système pénitentiaire de cette
région stratégique où des factions criminelles rivales se
disputent le trafic de cocaïne. Une vidéo circulant sur les
réseaux sociaux montre six têtes de prisonniers entassées
contre un mur. Un détenu apparaît ensuite dans le champ et
fait rouler l’une d’elles avec son pied. AFP

Internet, un plus pour la démocratie
Vote électronique, récolte de signatures, formation de
l’opinion: les nouvelles technologies offrent l’opportunité de
renforcer la démocratie directe, selon le groupe de réflexion
libéral Avenir Suisse. «La question n’est pas de savoir si le
système démocratique doit être numérisé, mais simplement
de savoir quand et comment il le sera», a souligné mardi le
think tank à l’occasion de la sortie d’une publication
intitulée «Une démocratie directe numérique». ATS

EN BREF


SONIA IMSENG
t @SoniaImseng


La ville d’Olten, dans le canton
de Soleure, a renoncé cette année,
pour des raisons écologiques, aux
feux d’artifice du 1er Août. «Ces
feux ne vont pas me manquer,
assure l’écrivain Alex Capus,
ancien président du Parti socia-
liste d’Olten. Ils ne sont plus dans
l’air du temps et le changement est
une bonne chose.» La commune
argovienne de Stein a pris la même
décision.
Sans les avoir supprimés tota-
lement, Bâle ne leur consacre
plus qu’une partie du spectacle,
le reste étant assuré par un bal-
let de drones et de lasers. Cette
remise en cause des habitudes,
pour cause de pollution de l’air et
de lutte contre le réchauffement
climatique, ne concerne pas uni-
quement la Suisse alémanique.
Gland, sur La Côte vaudoise, a
réduit ce feu traditionnel à trois
petites minutes, le reste du spec-
tacle étant assuré par des projec-
tions de lumière.
Lors des explosions, les feux d’ar-
tifice dégagent dans l’air des parti-
cules fines, mélanges de polluants
pouvant avoir de graves consé-
quences sur les poumons et les
voies respiratoires. Dans son rap-
port de 2014, l’Office fédéral de l’en-
vironnement (OFEV) précise que
les feux d’artifice participent à rai-
son de 2% maximum aux émissions
de poussières fines en Suisse, avec
310 tonnes dégagées par année.
Des élus verts n’en applaudissent
pas moins aux décisions prises
par ces quelques communes et


souhaitent que l’interdiction se
répande. «Nous faisons face à une
crise planétaire et nous conti-
nuons de faire la fête comme si de
rien n'était», dénonce Sara Gnoni,
conseillère communale lausan-
noise. En août 2018, cette écologiste
avait interpellé la municipalité de
Lausanne au sujet des feux d’arti-
fice, en demandant si leur rempla-
cement pourrait être envisagé.

Etude interne
Pour Sara Gnoni, même si l’im-
pact écologique de ce divertisse-
ment peut paraître moindre, il
reste important pour un spectacle
de courte durée. L’élue reproche
également à l’exécutif lausannois
de ne «pas évaluer des alterna-
tives aux feux d’artifice», ce qui
contribue selon elle à rendre plus
difficile la prise de conscience
individuelle, alors même que la
population «doit se rendre compte
de l’urgence de la situation».
La capitale vaudoise, dans sa
réponse à cette interpellation, a
maintenu son attachement aux
feux d’artifice traditionnels, «tout
en défendant une politique exem-
plaire en matière environnemen-
tale». «Après une étude interne,
nous sommes arrivés à la conclu-
sion que l’impact de ces feux sur
l’environnement restait margi-
nal», explique au Temps Christian
Zutter, chef du protocole de Lau-
sanne et organisateur officiel de
la Fête nationale. En revanche, en
cas de renoncement, les réactions
populaires de mécontentement
risqueraient d’être fortes, voire
de dresser les citoyens contre
d’autres mesures écologiques. Il
précise néanmoins que la décision
pourrait être différente en cas de
mobilisation des villes lémaniques
contre le feu et que, dans un tel
cas, «Lausanne aurait probable-
ment suivi l’élan».

Au bout du lac, la Fonda-
tion Genève Tourisme & Congrès
suit avec intérêt les annonces de
renoncement aux feux d’artifice
pour raisons écologiques. «C’est
une dimension importante que
l’on va devoir prendre en consi-
dération dans nos décisions
futures», explique sa porte-parole,
Lucie Gerber. Dans l’immédiat, le
grand feu du mois d’août, survi-
vance des Fêtes de Genève, aura
forcément lieu: «C’est un spec-
tacle qui reste très cher au cœur
des Genevois et qu’il serait diffi-
cile d’annuler.»

Jean Rossiaud, député vert au
Grand Conseil genevois, est en
faveur d’une disparition: «Nous
pouvons mettre en place des diver-
tissements qui ne mettent pas en
danger la faune et la flore, et qui ne
créent pas de la pollution atmos-
phérique», affirme-t-il. Même
pour un si petit impact? «Toute
mesure est bonne à prendre pour
diminuer notre empreinte écolo-
gique.»
Qu’en pensent les artificiers?
Ils sont conscients des problèmes
écologiques liés aux spectacles
qu’ils produisent. «Ces ques-
tions font évoluer notre métier»,
observe Nicolas Guinand, metteur

en scène et directeur artistique de
l’entreprise de pyrotechnie Sugyp.
«Chez nous, différents change-
ments ont déjà eu lieu, comme
le remplacement des déchets qui
retombent dans la nature après
l’explosion, qui ne sont plus en
plastique, mais désormais biodé-
gradables.»
Le directeur artistique ne voit
pas pour le moment par quoi
remplacer les feux d’artifice, qui
représentent «un spectacle cultu-
rel pas cher, au vu du nombre de
spectateurs». L’entreprise de
Grandson (VD) organise cette
année pas moins de 300 feux du
1er Août, ainsi que le grand feu de
Genève et celui de la Journée vau-
doise dans le cadre de la Fête des
Vignerons.

Ventes incertaines
Les problèmes successifs de
sécheresse, qui entraînent pour
les particuliers l’interdiction
d’allumer feux et pétards, jouent
aussi leur rôle dans cette défaveur.
Ainsi, les coopératives Migros de
Lucerne et de Suisse orientale
ont arrêté la commercialisation
de feux d’artifice. Même si la rai-
son principale évoquée est l’incer-
titude de vente de ces produits en
raison du risque d’incendie, «cela
permettra en outre de préserver
l’environnement, l’homme et les
animaux», note Patrick Stöpper,
porte-parole de Migros.
Ayant également constaté que
les chiffres de vente des articles
concernés n’ont cessé de diminuer
ces dernières années, Migros Bâle
et Migros Zurich devraient adop-
ter la même politique. Migros Vaud
fera de son côté un bilan après le
1er août, «toutes les options res-
tant pour l’heure ouvertes», pré-
cise le porte-parole, tandis que
Migros Genève entend poursuivre
la vente l’an prochain. ■

La vague verte veut éteindre


les feux d’artifice


1ER AOÛT Accusés de pollu-
tion, les spectacles pyrotech-
niques sont remis en question.
Certaines villes ont déjà pris des
mesures. La Migros aussi


«Toute mesure
est bonne
à prendre
pour diminuer
notre empreinte
écologique»
JEAN ROSSIAUD, DÉPUTÉ VERT
AU GRAND CONSEIL GENEVOIS
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