Echos - 2019-08-06

(Brent) #1

Les Echos Mardi 6 août 2019 FRANCE// 03


FISCALITÉ


Matthieu Quiret
@MQuiret


La réforme de la fiscalité locale
prend son temps. Trop au goût des
élus locaux. Alors que le gouverne-
ment a annoncé, le 18 juin, les gran-
des modalités de la suppression de
la taxe d’habitation (TH) en 2023,
les associations de collectivités
s’inquiètent de n’avoir aucune
réponse aux questions formulées
depuis. « Bercy nous avait promis
des simulations pour la fin juillet
mais nous ne voyons rien venir »,
déplore-t-on chez France urbaine,
qui représente les grandes villes.
L’échéance se rapproche puisque le
projet de loi de finances 2020 est
généralement envoyé début sep-
tembre au Conseil d’Etat avant son
examen au Parlement à l’automne.


Compenser
Rappelons que les 20 % des Fran-
çais qui n’ont pas eu droit à la sup-
pression progressive de la taxe
depuis 2018 profiteront de cette
mesure d’ici à 2023. Pour compen-
ser cette perte de recettes pour le
bloc communal d’environ 17 mil-
liards d’e uros, le gouvernement a
prévu de transférer la part départe-
mentale de la taxe foncière sur le
bâti (TFB) aux communes, qui
récupéreront donc la quasi-inté-
gralité de cet impôt. Un complé-
ment d’Etat de près de 1 milliard est
aussi prévu, sans beaucoup de pré-
cision. Les intercommunalités, qui
conserveront leur 1,5 milliard
d’euros de TFB, seront dédomma-
gées par une part de TVA. Les
départements devraient, eux, rece-
voir une part de CSG en remplace-
ment de leur TFB.
Le dispositif ne réjouit aucune
association d’élus locaux, qui tente-
ront au Parlement d’infléchir le
projet du gouvernement. L’Assem-
blée des communautés de France
espère toujours, par exemple, obte-
nir un impôt plus local que la TVA,
comme la CVAE. Mais l’influence
des élus locaux ayant pâli au sein de
l’Assemblée nationale du fait du
non-cumul et du faible ancrage ter-
ritorial de La République En mar-
che, ils ont peu d’espoir d’obtenir de
fortes concessions.


Prélèvement à la source
D’où l’importance pour les collecti-
vités de disséquer le projet du gou-
vernement. Au cœur des interroga-
tions, le remplacement de la taxe
d’habitation par la TFB va


léser 10.721 communes, q ui seraient
sous-compensées, et va favoriser
24.656 communes, selon les chif-
fres donnés par l’Etat au comité des
finances locales du 23 juillet. Dans
le calcul des futurs impôts fonciers
reversés aux communes, l’Etat pré-
voit donc d’appliquer un coefficient
correcteur pour que chacune tou-
che a utant après l a réforme
qu’avant, à l’euro près.
Les experts veulent savoir quel
effet aura ce coefficient, vécu
comme un véritable prélèvement
à la source par les élus. « Si une
mairie a besoin d’augmenter son

taux de TFB pour dégager plus de
recettes, quelle part lui reviendra
après application du correctif? »
s’interroge par exemple France
urbaine. Autre question, ce coeffi-
cient sera-t-il remis en cause cha-
que année?
Les élus voudraient par ailleurs
voir précisée l’année de référence
des taux et des bases à partir de
laquelle sera calculée la taxe
d’habitation devant être compen-
sée. Sa suppression en cours pour
80 % des Français s’est appuyée sur


  1. Le montant de la compensa-
    tion pour les 20 % restants diffé-


rapporteur du Budget à l’Assem-
blée, Joël Giraud (LREM), alerte sur
des difficultés d’application.

Développer
les infrastructures
De nombreuses plates-formes
n’étaient pas prêtes au 1er janvier,
relève-t-il dans son rapport sur
l’application des mesures fiscales.
« Une seule plate-forme a réussi à
collecter la taxe selon les modalités
en vigueur d ans les toutes p remières
semaines de l’année. Pour les
autres, l’application s’est faite de
manière plus progressive et semble
pleinement effective depuis le
1 er juillet 2019 », indique-t-il. La
députée LR Emilie Bonnivard, rap-
porteure de la mission « tou-
risme », a elle aussi signalé de
nombreuses difficultés pratiques.
Dans son rapport sur le budget
2018, elle a appelé à revoir en pro-
fondeur la réforme votée en 2017.

« Après les premiers mois d’appli-
cation de la l oi d e finances, il apparaît
que certaines p lates-formes n’ont pas
collecté dès le 1er janvier 2019 ou ne
collectent pas partout ou ne collec-
tent pas le bon montant. D’autres ne
collectent même pas du tout », con-
firme Géraldine Leduc, déléguée
générale de l’Anett, l ’association d es
communes touristiques.
Vieille d’un siècle, la taxe de
séjour a été créée pour donner aux
communes les moyens de déve-
lopper leurs infrastructures tou-
ristiques. Ses recettes ont été dyna-
miques ces dernières années,
passant de 248 millions d’euros en
2012 à 452 millions en 2018. Il
n’empêche que les élus s’inquiè-
tent des pertes fiscales liées à
l’essor des locations touristiques
en ligne et de la distorsion de con-
currence avec les hôteliers. D’où
les mesures adoptées dans les tex-
tes budgétaires de 2017 qui impo-

Ingrid Feuerstein
@In_Feuerstein


Comme beaucoup de recettes fisca-
les, la taxe de séjour est mise à mal
par le numérique. Cette taxe, collec-
tée par l’hôtelier ou le propriétaire
du logement qui la reverse à la com-
mune, est confrontée à la montée
en puissance des plates-formes en
ligne comme Airbnb o u Leboncoin.
Ce constat établi depuis plusieurs
années par les pouvoirs publics a
conduit les parlementaires à réfor-
mer fin 2017 les modalités de col-
lecte. Alors que la réforme devait
entrer en vigueur en janvier 2019, le


La réforme adoptée
fin 2017 pose de nombreuses
difficultés pratiques.
Beaucoup de plates-formes
en ligne n’étaient pas prêtes
en janvier pour collecter
la taxe de séjour.


Leïla de Comarmond
@leiladeco

Le nombre de foyers bénéficiai-
res de la prime d’activité a
explosé au début de l’année. En
décembre 2018, il avait franchi
le seuil des trois millions, à
3,04 millions, en hausse d e 11,1 %
sur un an, selon les données
publiées ce lundi par la Caisse
nationale d’allocations familia-
les (CNAF). Trois mois après,
soit à la fin mars 2019, c’est la
barre des 4 millions qui a été
franchie, à 4,1 millions, selon
son estimation. Cela représente
une p rogression d e 35 % e n trois
mois, et même de 52 % par rap-
port à la fin mars 2018.
Ce pic de progression résulte
de l’entrée en vigueur d’une
mesure de revalorisation signifi-
cative de la prime d’activité à la
suite des annonces d’Emmanuel
Macron en réponse au mouve-
ment des « gilets jaunes ». « Le
salaire d’un travailleur au SMIC
augmentera de 100 euros par
mois », avait promis le chef de
l’Etat. Cela s’est traduit non par
une hausse du salaire minimum
légal mais par un avancement de
deux ans de la majoration de
90 euros mensuels de la prime
d’activité par rapport au calen-
drier initial.

Cette revalorisation « a accru
le recours à la prestation tout en
augmentant le montant de prime
d’activité versé aux personnes qui
en bénéficiaient déjà », note la
CNAF dans son communiqué.
En conséquence, la masse
financière consacrée à cette
prestation sociale par rapport
au dernier trimestre de 2018 a
progressé de 52,5 %, atteignant
2,2 milliards d’euros au premier
trimestre de 2019, selon les don-
nées comptables de la CNAF.

Stabilité du RSA
Le nombre de bénéficiaires du
RSA n’a, lui, que légèrement pro-
gressé. En mars 2019, il a con-
cerné 1,88 million de foyers, en
hausse de 0,6 % sur un an, pour
un montant moyen de 496 euros
par mois, selon les données défi-
nitives publiées lundi par la
CNAF également. Sur le trimes-
tre, ce sont 2,78 milliards d’euros
qui o nt été versés au titre d u RSA,
en baisse de 0,5 % par rapport au
trimestre précédent. Mais une
fois neutralisés les effets saison-
niers et réglementaires, ces
dépenses apparaissent stables
par rapport au dernier trimestre
de 2018. Le nombre de foyers
bénéficiaires du RSA a crû de 1 %
en 2018, après deux ans de
baisse. Cette hausse s’explique
par l’automatisation des renou-
vellements de droits et par les
effets de la dernière revalorisa-
tion exceptionnelle du plan pau-
vreté de François Hollande.n

Prime


d’activité :


plus de


4 millions de


bénéficiaires


SOCIAL


Le nombre de foyers
touchant la prime
a augmenté de 35 %
en trois mois, selon
les chiffres de la
CNAF publiés lundi.

Les angles morts de la réforme


des impôts locaux inquiètent les élus


rera selon qu’elle se réfère à 2019
ou 2020 par exemple, les bases
cadastrales évoluant avec la cons-
truction et quelques maires conti-
nuant à augmenter son taux de
taxe. En 2018, 6.000 mairies ont en
effet actionné ce levier, contre
3.200 cette année. Bercy devra
aussi simuler le futur impôt sur les
résidences secondaires qui rem-
placera la taxe d’habitation sur ces
propriétés. Chaque maire dispo-
sera d’un nouveau taux, mais il
reprendra c elui de sa feue taxe et sa
progression sera encadrée comme
avant.n

lLes modalités de la suppression intégrale de la taxe d’habitation devraient être fixées en septembre.


lMais les collectivités pointent avec inquiétude les questions toujours sans réponse de l’exécutif.


varier en fonction des saisons, mais
inclut parfois d’autres prestations
(ménages, fourniture de linge,
petit-déjeuner) qui ne sont pas tou-
jours facturées de façon distincte.
En outre, les plates-formes peinent
à appliquer l’exonération pour les
mineurs. Elles ne disposent pas
toujours de cette information dans
la mesure où les plus de 12 ans
paient souvent l’hébergement au
tarif plein. Enfin, certaines plates-
formes n’étaient tout simplement
pas prêtes, malgré le délai d’un an
qui leur a été laissé pour adapter
leur informatique.
Tout cela augure d’une nouvelle
évolution des règles en loi de finan-
ces. Mais les communes veulent se
donner du temps pour tirer les con-
clusions de cette expérience. « Un
bilan complet devrait être fait début
2020 pour mieux comprendre d’où
surgissent les difficultés », explique
Géraldine Leduc.n

Imbroglio dans la collecte de la taxe de séjour


Toulouse figure parmi les quelques exemples de grandes villes qui toucheraient plus de taxe foncière que de taxe d’habitation.
Photo Shutterstock

La hausse résulte
de l’entrée en
vigueur de la
revalorisation
annoncée par
Emmanuel Macron
en réponse au
mouvement des
« gilets jaunes ».





COMMUNES
devraient être lésées lorsque la
taxe d’habitation sera remplacée
par la taxe foncière sur le bâti,
selon les chiffres donnés
par l’Etat au comité des
finances locales du 23 juillet.
L’Etat prévoit d’appliquer
un coefficient pour corriger
les effets de ce remplacement.

sent la collecte de cette taxe par les
sites Internet et créent un barème
pour les hébergements non clas-
sés. Pour ces derniers, la taxe ne
sera pas calculée en fonction du
classement (de une à cinq étoiles)
mais en pourcentage du prix de la
chambre (1 % à 5 %).

C’est là que se posent les premiè-
res difficultés. Car le prix de la
chambre, non seulement peut

Les élus s’inquiètent
des pertes fiscales
liées à l’essor des
locations touristiques
en ligne et de
la distorsion
de concurrence
avec les hôteliers.
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