Humanite - 2019-08-06

(singke) #1
14 l’Humanité Mardi 6 août 2019

Le monde en mouvement

Manifestations de joie dans les rues de Khartoum, dimanche. E. Hamid/AFP

Hong Kong La cheffe de l’exécutif adresse
un message de fermeté à ses opposants
Sortie de sa réserve, la cheffe de l’exécutif hongkongais,

dont les opposants réclament la démission, a accusé hier

les manifestants de vouloir « détruire » la mégapole chinoise

et « la précieuse vie de plus de 7 millions de personnes ».

Une déclaration peu à même de calmer les esprits. « Nous

avons vu récemment, c’est très clair, que les gens proposent

de manière impertinente de reprendre Hong Kong, la révolution

de notre temps (...) et de contester la souveraineté nationale

du pays », a-t-elle expliqué lors d’une conférence de

presse. Après deux mois de manifestations contre le projet

de loi – suspendu – visant à autoriser les extraditions vers

la Chine continentale, Hong Kong poursuivait hier une
grève générale, un mode d’action rare sur l’île, qui a

notamment paralysé les transports urbains et aérien. Sans

formuler de propositions de sortie de crise, elle a précisé
que « le gouvernement sera ferme pour maintenir la loi et
l’ordre et rétablir la confiance ». L. S.

Turquie Le président Erdogan
annonce une offensive antikurde

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a lancé hier un

appel aux États-Unis pour qu’ils mettent fin à leur soutien

aux forces kurdes du YPG (unités de protection du peuple).

Considéré comme une organisation terroriste en Turquie,

le YPG est présent dans le nord de la Syrie, entre l’Euphrate

et la Turquie. Craignant le mouvement séparatiste kurde,

le chef d’État voit depuis toujours d’un mauvais œil la

formation d’un bastion kurde à ses portes. Cette annonce

intervient alors qu’une délégation américaine arrive en
Turquie pour discuter de la « zone de sécurité » établie à
la frontière syro-turque. Des mouvements de troupes

turques en direction de la frontière ont déjà été observés.

Recep Tayyip Erdogan affiche clairement son objectif :
écarter les miliciens de la frontière. Si les négociations

avec les représentants états-uniens échouent, le président

prévient : la Turquie sera obligée de « créer elle-même la
zone de sécurité ». I. L.

P


araphé une première fois le

week-end dernier, l’accord

global sur la transition, après

la révolution du printemps
dernier au Soudan, doit
encore être officiellement signé le
17 août. Mais le pas franchi est

important... Sur le papier, ce texte laisse

une large place aux civils, lesquels, bien

plus que les militaires si longtemps
complices de la dictature, ont été les
fers de lance du mouvement qui, parti

d’une lutte contre le triplement du prix

du pain, a conduit au renversement et
à la destitution du président Omar

Al Bachir le 11 avril. Selon le calendrier

de cette transition, un « conseil

souverain », qui comptera cinq militaires

et six civils, devra être nommé le 18 août,

puis un gouvernement, dirigé par un

premier ministre désigné parmi les civils,

sera mis en place dans la foulée, avant
qu’un parlement ne soit installé dans

les 90 jours suivant la signature officielle

de l’accord. Selon l’une des négociatrices

pour les révolutionnaires, le parlement

devra compter 201 membres issus de la

protestation populaire, sur un total de
300 députés.

« Ce pays est le nôtre
et le gouvernement est civil »
Symbole important : le « conseil
souverain » sera instauré le jour
même de l’ouverture du procès pour
« corruption » de l’ex-président
soudanais. Une procédure qui ne règle

pas tout, tant s’en faut, pour l’Association

des professionnels soudanais, qui a été

au cœur du mouvement révolutionnaire.

« On juge Bachir seulement pour des faits

de corruption, alors qu’il devrait

comparaître pour ses crimes à l’encontre

du peuple soudanais devant la Cour pénale

internationale », déclarait son porte-

parole, Rashid Saeed, ces derniers jours.

La nouvelle de la conclusion de cet

accord de transition a été accueillie par

des concerts d’avertisseurs et des
manifestations de joie. « Ce pays est le

nôtre et le gouvernement est civil », ont,

par exemple, scandé des dizaines
d’habitants de Khartoum. Mais tout
n’est pas réglé et de nombreuses
inquiétudes demeurent. Au nom de

l’armée, le signataire de l’accord, c’est

Mohammed Hamdan Daglo, le numéro

deux du Conseil militaire, au pouvoir

depuis la mise à l’écart d’Omar Al Bachir,

et chef des paramilitaires des Forces de

soutien rapide (RSF). Or ce sont

précisément ces groupes qui ont soutenu

l’ex-président jusqu’à la dernière minute

et qui sont accusés d’avoir provoqué un

bain de sang lors de la dispersion d’un
sit-in devant le siège de l’armée dans
la capitale le 3 juin : au moins
127 manifestants avaient été tués.
Dans ces conditions, les révolution-

naires soudanais restent plus que jamais

vigilants et déterminés. « Maintenant,
nous pouvons dire aux martyrs

que leur sang n’a pas été versé pour rien »,

se réjouit toutefois l’un d’entre eux,
Omar Hussein, croisé par l’AFP à
Khartoum.
THOMAS LEMAHIEU

Sur le papier, l’armée accepte de laisser une large place au mouvement
populaire qui a provoqué la destitution d’Omar Al Bachir.

Au Soudan, les militaires

battent en retraite

AFRIQUE

S

elon une enquête conjointe de
plusieurs médias européens (le site
allemand Correctiv, le quotidien
britannique The Guardian et la télé

allemande ARD), publiée ce mardi, Frontex

couvre des maltraitances commises sur

des migrants par des gardes-frontières en

Bulgarie, en Hongrie et en Grèce. D’après

ces révélations basées sur « des centaines
de documents internes », pour la plupart

« classés sans suite », l’agence chargée du

contrôle des frontières extérieures de
l’Union européenne laisserait des
fonctionnaires locaux se comporter avec
une grande brutalité, utilisant des chiens

pour traquer les demandeurs d’asile ou des

sprays au poivre pour les refouler... Or,
selon Stefan Kessler, le responsable du
Forum consultatif de cette agence, une
instance de régulation interne chargée
notamment des questions de droits
humains, interviewé par ARD, Frontex
aurait la possibilité de retirer ses agents
dans ce type de situation et, en refusant

de le faire, l’agence se montrerait complice

de tels agissements.

Des demandeurs d’asile
placés sous sédatif
Plus accablant encore pour Frontex : selon

un autre document interne, des fonctionnaires

de l’agence basée à Varsovie sont directement

impliqués dans l’expulsion de mineurs non

accompagnés ou de demandeurs d’asile placés

sous sédatif durant leur vol d’expulsion. Au

cours d’un point presse, hier matin, assurant

qu’elle « prend très au sérieux » ces

accusations, la Commission européenne s’est

engagée à « voir si les faits rapportés sont
exacts » et à en tirer les conséquences
« appropriées ». T. L.

L’agence européenne est complice
de brutalités commises sur
des demandeurs d’asile.

Frontex en

accusation

UNION EUROPÉENNE

États-Unis Après les fusillades,
Trump exige... une réforme migratoire
La « haine n’a pas sa place aux États-Unis » mais tout de

même... Au lendemain des deux fusillades, au Texas, contre

la majorité hispanique, et dans l’Ohio, Donald Trump
jurait la main sur le cœur vouloir juguler le racisme.
Changement de braquet, hier. Dans une allocution à la
nation, le président états-unien a expliqué vouloir lier
l’encadrement des ventes d’armes à feu à une réforme

migratoire. Étant entendu, dans son esprit, que le problème

reste celui de l’immigration. S’il est resté flou quant à une

éventuelle réforme de la loi sur les ventes d’armes, le

milliardaire, soutenu par les lobbies du fusil, a en revanche

« ordonné » au ministère de la Justice de « proposer une

loi garantissant que ceux qui commettent des crimes motivés

par la haine et des tueries de masse soient passibles de la
peine de mort et que cette peine capitale soit appliquée

rapidement, avec détermination et sans des années de délai

inutile ». La réaction a de beaux jours devant elle. L. S.
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