Mardi 6 août 2019 l’Humanité 7
Politique&Citoyenneté
Laurent Prévost remplace officiellement Thierry
Lataste au poste de haut-commissaire de la
République de Nouvelle-Calédonie. Il devra prendre
en charge le nouveau référendum d’autodétermination
de la collectivité française en novembre 2020.
PRISE DE FONCTIONS À NOUMÉA
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C’est le nombre de nouveaux témoins qui vont
être entendus par la justice, dans le cadre de
l’enquête sur le présumé financement libyen
de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.
C
omment part-on d’une situation
qui devrait imposer le recueil-
lement pour en arriver aux
scènes de violence observées
lors de la manifestation nan-
taise de samedi?
AYMERIC SEASSAU Au
point de départ, il y a une inter-
vention policière brutale et dan-
gereuse qui a conduit à ce que de
nombreux jeunes tombent dans
la Loire le 21 juin. Il a fallu cinq
semaines au gouvernement pour
publier le rapport de l’Inspection
générale de la police nationale
(IGPN), qui prétend qu’il n’y a pas
de « lien établi entre l’intervention
de la police et la disparition de
Steve ». Cette annonce a été ac-
cueillie à Nantes avec stupeur et
colère. Les arrêtés préfectoraux
d’interdiction concernant le
samedi n’ont fait que jeter de
l’huile sur le feu. Mais rien n’empêchera
la mobilisation pour rendre hommage à
Steve et obtenir vérité et justice.
En quoi les événements nantais sont-ils
révélateurs d’une doctrine particulière de
l’emploi de la force par le gouvernement?
AYMERIC SEASSAU Nantes est devenue un labo-
ratoire de la tension depuis plusieurs années,
avec de nombreux affrontements
entre policiers et groupes violents
qui profitent des manifestations :
350 manifestants ont été blessés
ces dernières années. Les deux
violences se répondent et se
nourrissent. C’est de la respon-
sabilité du gouvernement de
mettre en œuvre les solutions
afin de protéger les biens ainsi
que les personnes qui manifestent
pacifiquement, quelle que soit
l’idée qu’elles défendent. Mais
le pouvoir Macron est obsédé par
le maintien de l’ordre. La poli-
tique de sécurité en France est
désormais contestée par le Dé-
fenseur des droits, l’ONU et le
Conseil de l’Europe. Il faut changer de cap,
et vite! À Nantes, nous avons besoin d’effec-
tifs pour lutter contre la criminalité et nous
peinons à en obtenir. Une masse folle d’argent
public est consacrée au maintien de l’ordre,
mais qui n’empêche en rien les violences et
les dégradations. Il conduit même à des
drames. On ne peut pas vivre dans un pays
qui s’habitue à l’inacceptable, où, comme à
Nantes, on ne peut plus manifester en famille,
où des jeunes peuvent tomber dans la Loire
après une intervention policière alors qu’ils
assistent à un concert.
Plusieurs témoignages laissent penser qu’on
tente d’empêcher que toute la lumière soit
faite sur ce qui s’est vraiment passé...
AYMERIC SEASSAU L’enquête de l’IGPN est
un scandale. Elle est contestée par tous,
qu’il s’agisse des secouristes ou des témoins
présents sur place. Les vidéos sont acca-
blantes. C’était déjà le cas pour Zineb
Redouane, cette dame décédée à Marseille,
suite à un tir de grenade lacrymogène. Ce
même service de police a également classé
sans suite les événements de Mantes-la-
Jolie, où des dizaines de lycéens ont été
parqués à genoux, mains sur la tête, pen-
dant plusieurs heures. Cela suscite une
perte de confiance dans l’impartialité de
la police républicaine. Ce qui est en cause,
ce ne sont pas les fonctionnaires de police,
mais les ordres qui leur sont donnés.
Le premier ministre a évoqué certaines
responsabilités de la municipalité...
AYMERIC SEASSAU La ville de Nantes répondra
à toutes les enquêtes, mais nous ne sommes
pas dupes. La mise en scène du premier
ministre est honteuse! Il y a des installations
de ce type au même endroit depuis vingt
ans. Des free parties ont lieu partout en
France les week-ends, parfois à proximité
de cours d’eau, et ce sans aucun problème.
Ce qui est en cause ce soir-là, c’est bien
l’intervention policière. Sans intervention
policière, pas de drame irréparable...
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR
ÉMILIEN URBACH
Aymeric Seassau, élu PCF de Nantes, dénonce une « mise
en scène » de l’exécutif autour du rapport de l’IGPN sur
les causes de la mort du jeune animateur. Entretien.
« Que l’État
prenne ses
respo nsabilités »
MORT DE STEVE MAIA CANIÇO
Julien Jaulin/Hans Lucas
Aymeric
Seassau
Adjoint PCF
au maire
de Nantes
Le 3 août à Nantes. Les manifestants veulent connaître la vérité et les circonstances
qui ont conduit à ce crime d’État. Patrick Gely/Sipa
Référendum Militants antiprivatisation
d’ADP chassés des quais parisiens
Des militants opposés à la privatisation d’Aéroports de
Paris (ADP) tractaient dimanche afin de faire connaître
aux Parisiens le référendum d’initiative partagée (RIP)
lancé par des parlementaires, il y a un mois et demi, et
pour lequel le gouvernement d’Émmanuel Macron ne
lance aucune campagne d’information. Seulement, ils
n’ont pas pu aller au bout. Une vidéo publiée ce jour-là
sur Twitter montre les militants chassés des quais de
Paris Plages par des policiers municipaux, pliant les affiches
appelant à signer contre la privatisation d’ADP. Alors
même que le lieu est un espace public ouvert à tous. Inter-
pellée sur Twitter, la maire de Paris, Anne Hidalgo, n’a
pas donné d’explications pour l’instant. La pétition dis-
ponible sur le site du ministère de l’Intérieur (referendum.
interieur.gouv.fr) réunit aujourd’hui autour de 600 000
signatures, sur les 4,7 millions nécessaires, en neuf mois,
pour déclencher le processus démocratique. P. R.
Affaire Legay Le procureur muté à Lyon...
où l’affaire est dépaysée
Il ne voulait pas mettre Emmanuel Macron « dans l’embar-
ras ». Le voilà mal récompensé : selon des informations
du quotidien Libération, Jean-Michel Prêtre, le procureur
de la République auprès du tribunal de grande instance
de Nice (Alpes-Côte-d’Azur), sera sans doute muté – en
tout cas, il s’agit d’une proposition de la chancellerie – à
Lyon, à la fonction d’avocat général près de la cour d’ap-
pel. On se souvient que, dans l’affaire Legay – du nom de
cette manifestante de 72 ans blessée à la suite d’une action
de la police, lors d’une mobilisation des gilets jaunes –, il
avait délivré des informations tronquées après une décla-
ration du président de la République dédouanant les forces
de police. Il avait également confié l’enquête à la compagne
du commissaire commandant de l’opération. L’affaire sera
jugée... à Lyon. Détail qui a dû échapper à la chancellerie,
même si les chemins de la plaignante et du magistrat ne
vont plus se croiser. C. D.
Affaire Steve L’IGPN répond aux critiques
sur son enquête
Interrogés par Libération , la directrice de l’Inspection
générale de la police nationale (IGPN) et le chef de l’unité
de coordination des enquêtes affirment que le rapport
administratif publié à la suite de la découverte du corps
de Steve Caniço n’a pas vocation à « blanchir qui que ce
soit », ni à tirer des conclusions définitives sur les événe-
ments du 21 juin à Nantes, alors qu’une enquête judiciaire
suit son cours. Refusant de porter un « jugement de valeur »
sur l’action violente des policiers sur les bords de la Loire,
les deux responsables soutiennent que, comme indiqué
dans le rapport, il n’y a pas eu de « charge » des forces de
police au sens strict. Quant à déterminer la légitimité de
l’ordre d’intervention donné par la préfecture, ce n’était
pas, selon eux, l’objet de l’enquête administrative, laquelle
s’est focalisée sur l’action policière seule. Impossible en
revanche de justifier l’omission des témoignages de per-
sonnes tombées dans la Loire. I. M.