Humanite - 2019-08-06

(singke) #1
8 l’Humanité Mardi 6 août 2019

Capital/travail

P


as de protection, pas de
prévention, et un plomb

qui a des ailes... Les résultats

des nouveaux prélève-
ments de contamination
autour de Notre-Dame de
Paris, qui doivent être

révélés aujourd’hui, seront observés avec

attention. Mais, déjà, résidents, travailleurs,

associations n’ont pas attendu la commu-

nication officielle pour dénoncer l’absence

de transparence des autorités depuis l’in-

cendie qui a ravagé la cathédrale le 15 avril

dernier. « Devant l’ampleur de l’inertie,

nous avons constitué un collectif pour faire

évoluer les choses », explique Annie

Thébaud-Mony, présidente de l’Association

Henri Pézerat, reconnue pour ses combats

sur les dangers de l’amiante.

Préserver la santé des riverains
mais aussi celle des ouvriers
« 400 tonnes de plomb ont été déversées

ici, s’alarme Mathé Toullier, présidente de

l’Association des familles victimes du satur-

nisme (AFVS). Un chiffre énorme par rapport

à l’émission annuelle en France, de 100 à
110 tonnes sur l’ensemble du territoire. Les
mesures prises ont été trop sporadiques,

nous n’avons pas eu d’éléments pour savoir

qui a été exposé et comment. » Le collectif

réclame donc, pour « arrêter la dissémina-

tion de cette pollution toxique », de confiner

le chantier de Notre-Dame de Paris dans

sa globalité. Confiner, pour ne pas répandre

plus encore les particules de plomb

volatiles qui se sont déjà déposées dans les

immeubles, crèches et écoles alentour.

Mais aussi confiner pour préserver la santé

des travailleurs exerçant sur le chantier de

la cathédrale.
Fin juillet, les travaux avaient été sus-
pendus après la visite de l’inspection du
travail, relevant que les règles de décon-
tamination, les protocoles particuliers à
suivre sur de tels chantiers n’étaient pas

respectés. Vendredi, la préfecture d’Île-

de-France annonçait la reprise du chantier

avec de nouvelles mesures de protection

pour les salariés. « Ça ne suffira pas, estime

Benoît Martin, de l’union départementale

CGT de Paris. Il n’y a pas de risque zéro.
Le site doit être isolé et les travailleurs

doivent posséder un système de respiration

autonome et non juste des filtres. Autrement

dit, les travailleurs doivent porter des
scaphandres, mais les pouvoirs publics ne

veulent pas faire peur aux touristes avec la

présence de cosmonautes... »

La dépollution du site devrait s’accélérer

pour prendre fin « avant la rentrée
scolaire », selon les mots de l’adjointe à

la santé de la Mairie de Paris, Anne Souyris.

« L’échéance de notre collectif, ce n’est pas

les municipales ou les jeux Olympiques,
rétorque Mathé Toullier. Notre échéance
à nous, c’est maintenant, pour préserver
la santé de tous. Nous avons effectué un
travail de fourmis auprès des travailleurs

sous-traitants qui œuvraient sans masque,

sans protection aucune, et qui ramenaient

leurs combinaisons de travail à la maison.

Une situation aberrante qui nous a fait
contacter les organisations syndicales. »

Une cartographie rigoureuse et
actualisée de la pollution au plomb
Face aux « circulez, il n’y a rien à voir »
des autorités, relayés hier encore par le

recteur de la cathédrale, Mgr Chauvet, sur

Europe 1, estimant que « les personnels ne

sont plus en danger », cet agent à la sécurité

de l’hôpital voisin, l’Hôtel-Dieu, est plus
inquiet. « Cela fait deux mois et demi que
j’ai effectué ma prise de sang et je n’ai
toujours pas de résultats, témoigne David
Frémiot. La direction nous rétorque que le

courrier a dû être perdu ou qu’il a du retard...

Le CHSCT a demandé à la direction une visite

médicale pour tous ceux qui travaillaient le
15 avril. Cette nuit-là, j’ai circulé un peu

partout, sur le parvis. J’ai fermé les fenêtres

de la façade à cause de la fumée et des
cendres. C’est par les médias que j’ai été

alerté sur l’exposition au plomb. En CHSCT,

nous avons dû déclarer un danger grave
imminent pour obtenir les résultats de pré-
lèvements. Mais “il n’y a pas de risque”,
selon la direction. C’est leur silence qui est
le plus inquiétant. Du coup, les gens sont

angoissés. » C’est pour cela que le collectif

veut obtenir une cartographie rigoureuse
et actualisée de la pollution au plomb. Et

créer à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu un centre

de dépistage et de suivi clinique psycholo-

gique et social des personnes résidentes ou

professionnelles exposées. Car les symp-
tômes du saturnisme peuvent mettre du
temps à apparaître. « C’est une maladie
qu’on ne sait pas soigner, il faut donc la
prévenir », conclut Mathé Toullier.
KAREEN JANSELME

Une riveraine montre une carte des taux de pollution, le 5 juillet. Dominique Faget/AFP

713
C’est le nombre de contraventions pour
« outrage sexiste » dressées, pour la grande
majorité en flagrant délit, depuis l’entrée
en vigueur en août 2018 de la loi Schiappa.

La banque britannique a annoncé, hier, une baisse
de 2 % de ses effectifs, soit 4 000 emplois supprimés
à travers le monde. La banque avait pourtant publié
un bénéfice net en progression de 18,6 % pour le
premier semestre, à hauteur de 8,5 milliards de dollars.

COUPES MASSIVES CHEZ HSBC

Un collectif d’associations et de syndicats réclame
le confinement du chantier de la cathédrale, alors que
la Mairie de Paris devrait révéler aujourd’hui de
nouveaux résultats de mesure de contamination au plomb.

Notre-Dame de

Paris toujours

dangereuse

SANTÉ

« DU TCHERNOBYL DANS L’AIR »

Pour l’association Robin des bois, « depuis
le 15 avril au soir, il y a du Tchernobyl
dans l’air au niveau de l’information ».
Mais que font la Mairie de Paris, la
préfecture de police, le ministère de la
Culture, le diocèse de Paris? Le 26 juillet
2019, l’association a déposé plainte
contre X devant le procureur du tribunal
de grande instance de Paris pour carences
fautives dans la mise en œuvre des
mesures de police générale (notamment
la protection et l’information des
populations et des travailleurs), ayant
pour conséquence la mise en danger
délibérée de la personne d’autrui et la
non-assistance à personne en danger.
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