Temps - 2019-08-06

(Jacob Rumans) #1

ADRIÀ BUDRY CARBÓ
t @ AdriaBudry


Tit for tat, donnant-donnant.
Dans la théorie des jeux, c’est
cette stratégie de «rétorsion équi-
valente» qui peut déclencher
l’engrenage. Sur les marchés des
devises, c’est la surenchère qui
fait craindre à certains analystes
qu’une «guerre mondiale des
monnaies» est imminente. En fin
de semaine dernière, Donald
Trump annonçait une nouvelle
salve de taxes sur quelque
300 milliards de produits chinois
importés. Lundi matin, le ren-
minbi plongeait de 2%, 7 yuans
s’échangeant désormais contre
un dollar. Un seuil psychologique
et historique.
D’autres y voient surtout une
«claire réplique» des autorités
chinoises à la stratégie de «négo-
ciations» de Washington. Un yuan
plus faible rend les produits
chinois plus compétitifs à l’expor-
tation, malgré les taxes. «Sans
aucun doute, la guerre des mon-
naies s’est installée, affirme, caté-
gorique, le directeur du gestion-
naire d’actifs Salter Brothers,
George Boubouras. Et elle n’est
que le développement logique de
la guerre commerciale qui vient
juste de dégénérer.»


Il faut sauver le soldat yuan
Alors que les nouvelles taxes
américaines sont censées entrer
en vigueur le 1er septembre, Pékin
voudrait donc démontrer qu’il ne
craint pas de laisser flotter sa
monnaie.
Martin Malone est préoccupé par
la santé du yuan, déjà affaibli par
la guerre commerciale et un dyna-
misme économique qui montre
des signes d’essoufflement. «La
monnaie chinoise doit être stop-
pée très rapidement. Il y va de la
stabilité de la Chine», prévient le
conseiller économique d’Alpha-
book, cité par Bloomberg. «Si le
taux de change n’est pas ramené
au-dessous de 7 [ndlr: yuans pour
un dollar], ce sera l’escalade» des
tensions avec Washington, pré-
dit-il, évoquant le devoir de Pékin
de mettre en place des mesures de
contrôle des capitaux.


L’heure ne semble pas à l’apai-
sement. Ni à la défense d’un plan-
cher du yuan face au dollar. Lundi
matin, la Banque populaire de
Chine a joué du pléonasme,
dénonçant «l’unilatéral protec-
tionnisme commercial» améri-
cain; tout en rassurant sur sa
capacité à garder le taux de
change à un «niveau d’équilibre
approprié». Sans donner plus de
détails sur où allait se situer ce
niveau.
Côté américain, c’est le remuant
Peter Navarro, conseiller écono-
mique à la Maison-Blanche, qui a
donné de la voix. Sur Fox News, il
pressait dimanche la Chine de
mettre fin à la guerre commer-
ciale et à la manipulation de sa
monnaie, qui figure parmi ses
«sept péchés mortels», conjoin-
tement avec le «vol de notre pro-

priété intellectuelle» ou le «pira-
tage de nos ordinateurs».

Le danger de la spirale
déflationniste
Fabrizio Quirighetti, lui, ne croit
pas à l’utilisation de la valeur du
yuan comme «arme» de guerre
commerciale. «C’est un jeu à
somme nulle. Si toutes les
banques centrales se mettent à
sous-évaluer leurs monnaies, je
ne vois pas qui pourrait y gagner»,
nuance l’économiste du gestion-
naire d’actifs genevois Syz. «D’au-
tant que la spirale déflationniste
peut être difficile à stopper et,
contrairement aux exportateurs,
le consommateur a besoin d’une
monnaie forte.»
Quoi qu’il en soit, il ne s’est guère
trouvé que la banque centrale nor-
végienne pour monter ses taux

d’intérêt cette année. Outre la Fed
américaine, 31 de ses consœurs,
principalement dans les pays
émergents, ont déjà abaissé les
leurs. La Banque centrale euro-

péenne, celle du Japon ou la
Banque nationale suisse (BNS) –
qui offre déjà les plus bas taux du
marché pour ses dépôts (-0,75%)


  • pourraient suivre dans les pro-
    chaines semaines.
    Fin juillet, l’euro/franc a d’ail-
    leurs atteint son plus bas niveau
    depuis deux ans; et l’écart se
    creusait encore lundi matin alors
    que la monnaie unique s’échange
    désormais au-dessous de 1,
    franc.


L’or et la pompe à incendie
En attendant une éventuelle
baisse des taux, la BNS est proba-
blement déjà intervenue fin juillet
afin d’éteindre l’incendie, selon
les statistiques comptables
publiées lundi. Les dépôts à vue
des banques commerciales auprès
de la banque centrale ont pro-

gressé de 0,3% sur une semaine,
à 583 milliards de francs au 2 août
dernier.
Ce qui suggère qu’il y a eu inter-
vention, confirme Fabrizio Quiri-
ghetti, évoquant une phase de
«début d’assouplissement quan-
titatif». Soit la création de «lettres
de crédit» par la banque centrale
qui pourront ensuite être injec-
tées sur le marché via les banques
commerciales. La BNS n’a pas
confirmé l’information, mais il
s’agit de la deuxième expansion
consécutive de ces dépôts à vue.
«Au vu des effets indésirables de
la baisse des taux d’intérêt, l’ex-
pansion du bilan de la BNS est un
moindre mal», estime le chef des
investissements de la Banque can-
tonale de Saint-Gall, Thomas
Stucki, selon Bloomberg qui a
révélé l’évolution comptable.
De quoi renforcer le repli sur
l’or. Le métal jaune brille tou-
jours davantage quand l’incerti-
tude monétaire est grande. «Un
emprunt américain, c’est la pro-
messe d’être payé dans une mon-
naie dont on ne connaît rien de
la valeur qu’elle aura», illustrait
la semaine dernière Fabrizio Qui-
righetti.
Et au vu de la poursuite du feuil-
leton de la guerre commerciale,
l’once d’or poursuivait lundi
matin son appréciation – démar-
rée en octobre, en pleine volte-
face de la politique de la Fed –
pour atteindre 1464 dollars. Les
banques centrales ne se sont
d’ailleurs pas trompées sur la
tendance: elles n’avaient pas
acheté autant de lingots depuis
la fin de l’étalon-or en 1971. En
attendant que la partie de tit for
tat s’achève. ■

«Si toutes

les banques

centrales

se meent

à sous-évaluer

leurs monnaies,

je ne vois pas qui

pourrait y gagner»
FABRIZIO QUIRIGHETTI, ÉCONOMISTE
DU GESTIONNAIRE D’ACTIFS SYZ

Les marchés chinois ont chuté après que le yuan a atteint son niveau le plus bas face au dollar. (GREG BAKER/AFP)

1,5%
PROGRESSION DES NUITÉES HÔTELIÈRES AU
PREMIER SEMESTRE. De janvier à juin, l’hôtellerie
helvétique a vu le nombre de nuitées progresser
à 18,7 millions d’unités, a annoncé lundi l’Office
fédéral de la statistique (OFS). Le nombre de
visiteurs états-uniens a augmenté de 10,4%.

-
INDICE DU CLIMAT DE LA CONSOMMATION EN
JUILLET. Les consommateurs suisses sont toujours
optimistes, même s’ils ont quelques inquiétudes au
sujet de leur situation financière. En juillet, l’indice du
climat de la consommation s’est fixé à -8,0 points,
contre -9,3 points lors du précédent relevé en avril.


MIKE MANLEY
PDG de Fiat Chrysler
Automobiles
Le patron de Fiat Chrysler
laisse la porte ouverte à de
nouvelles discussions avec
Renault pour fusionner les
deux constructeurs, a-t-il
déclaré lundi au «Financial
Times».

2%
La baisse du yuan face
au dollar lundi matin.

7
Le nombre de yuans
que l’on obtient avec
1 dollar.

Pékin rend à Trump la monnaie de sa pièce


DEVISES Le yuan a atteint un minimum historique face au dollar. Les investisseurs y voient une rétorsion chinoise et un «développement


logique» de la guerre commerciale. La Banque nationale suisse s’affaire, elle, à éteindre l’incendie du renchérissement du franc


SMI
9599,
-2,08%

l

Dollar/franc 0,9727 l

Euro/franc 1,0893 l
Euro Stoxx 50
3310,
-2,31%

l

Euro/dollar 1,1200 k

Livre st./franc 1,1825 l

FTSE 100
7223,
-2,47%

l

Baril Brent/dollar 60,55 l

Once d’or/dollar (^1441) k
Economie&Finance
DÉPÔTS AU PLUS HAUT

Source: Bloomberg
350
450
550
Dépôts auprès de la BNS, en milliards de francs
583
2014 2019
AWP
ReAssure, filiale britannique du géant
zurichois de la réassurance Swiss Re, a
conclu un accord pour le rachat de porte-
feuilles fermés de l’anglais Quilter. La
transaction porte sur 200 000 polices
d’assurance et des actifs de 12 milliards de
livres sterling (14,28 milliards de francs).
Le prix d’acquisition est de 425 millions
de livres (506 millions de francs), annonce
lundi Swiss Re. La reprise concerne pré-
cisément Old Mutual Wealth Life Assu-
rance Limited et sa filiale Old Mutual
Wealth Pensions Trustees Limited, qui
emploient quelque 300 personnes.
L’opération permettra à ReAssure de
porter à 4,5 millions le nombre de ses
polices d’assurance, pour une fortune
sous gestion de 81 milliards de livres. Le
rachat sera financé avec les fonds
propres de la filiale et devrait être fina-
lisé, après octroi des autorisations
requises, à la fin de l’année.
ReAssure attend de cette transaction
«des synergies importantes et un meilleur
potentiel pour générer du cash à l’avenir»,
selon le communiqué.
Swiss Re avait annoncé récemment son
intention de coter ReAssure à la bourse
de Londres pour juillet. Mais l’opération
a dû être gelée, faute d’un intérêt suffisant
de la part des investisseurs institution-
nels. Le réassureur a précisé mercredi
dernier que le Brexit avait refroidi des
ardeurs.
Le directeur financier de Swiss Re John
Dacey a dit la semaine passée que le groupe
maintenait son intention de réduire sa
participation dans ReAssure. «Notre but
est de la ramener de 75% actuellement à
moins de 50% et de déconsolider ReAs-
sure.» Il a avancé 2020 ou 2021 comme
horizon de temps pour y parvenir. ■


ReAssure rachète une partie de Quilter

pour 506 millions de francs

RÉASSURANCE La filiale britannique
de Swiss Re a conclu un accord portant
sur des actifs de 14 milliards de francs


AWP


Sans tenir compte des carburants, les
progressions dans le commerce de détail
au mois de juin ont atteint respectivement
0,7% en nominal et 0,3% en réel (hors infla-
tion), indique lundi l’Office fédéral de la
statistique (OFS).
Le groupe alimentation/boissons/tabac a
accusé un léger repli, alors que le domaine
habillement et chaussures a connu une évo-
lution contrastée. La catégorie «autres» a tiré

les statistiques vers le haut, avec des pous-
sées de plus de 2%.
Ajustées des variations saisonnières, les
recettes du secteur présentent des hausses
plus importantes, à savoir +1,4% (nominal)
et +1,5% (réel) en comparaison mensuelle.
Toutes les catégories ont connu une pro-
gression, surtout le domaine habillement/
chaussures, dont les augmentations en
nominal et réel ont atteint respectivement
7,4% et 5,6%.
Le commerce de détail est confronté depuis
plusieurs années à la concurrence accrue
des plateformes de vente en ligne, mais éga-
lement au tourisme d’achat lié à la force du
franc. ■

Le commerce de détail a repris

des couleurs en juin

SUISSE Les recettes générées par le sec-
teur ont augmenté de 0,7% en termes
nominaux et réels sur un an

MARDI 6 AOÛT 2019 LE TEMPS
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