Le Monde Magazine Du 3 Août 2019

(Dana P.) #1

écrivainsalgériens,aveclesquelsil peutêtreami,commeavecBoualemSansal,
sanspartagerles mêmespositionspolitiques.»Sa volontéde distancecrée
parfoisde petitsincidents.Le 25 février,ilétait invitéàdébattresur CNews
avecl’historienBenjaminStoraet le journalisteMohamedSifaoui.Ces der-
niersont apprisqu’ilsn’échangeraientfinalementqu’à deux.YasminaKhadra
avaitexigéd’êtreinterviewéseul,en tout cas sans Sifaoui.Croyantet ancien
commandantde l’armée,celuiqui acombattule GIApendantla décennie
noireexpliquesouventqu’ilfaut distinguerreligionet idéologie,quand
d’autresne cessentde les rapprocher.EtsiKhadracritiquedurementle
régimeaujourd’hui,il sait que beaucouplui en veulentd’avoirdirigéle Centre
culturelalgérien àParis,de fin 2007à2014,àla demande du président
Bouteflika.Avant d’êtrelimogépar ses soins.
Lesécrivainsalgériensde languefrançaisese divisenten deuxgroupes,selon
SofianeHadjadj,cofondateurdes éditionsBarzakhàAlger.D’un côté,ceux
qui s’exprimentpeu et restentsur leur positionde romancier,tellesla jeune
KaoutherAdimiet MaïssaBey (deuxauteuresmaison),ou ceuxqui inter-
viennentdavantagemaissans créerle débat,tel YasminaKhadra.De l’autre
côté,les écrivainspolémistes,«ausensnobledu terme,avecun grandP»,
commeKamelDaoud,qu’ilpublie,et BoualemSansal.Au final,surtoutdes
voix d’hommes...«Kamelest l’archétypede l’auteurquidivise,analysel’édi-
teur.CommeSansal,il abordeles questionsclivantesde l’islam,de la laïcité,
du corps.EnFrance,on leurprêtedesarrière-pensées,descalculs,carles
relationsfranco-algériennessonttoujoursàvif. EnAlgérie,où le milieucultu-
rel est trèsfragile,ces écrivainsquisuscitentle débatsontprécieux.Ils appor-
tent unegrandebouffée d’oxygènedanslavie intellectuelle.Sinon,onse
contenteraitdu nationalismetriomphant.»Et ils sont entendus.Car àlasuite
de leur succèsàl’international,Khadra,Sansalet Daoudsont aussicélèbres
les uns que les autresdansleur pays.
Lescrispationsse nouentsurtoutautourde l’islamet de l’islamisme.
Adolescent,KamelDaoudaété séduitpar l’islampolitique.«J’ai toutarrêté


à18ans »,assure-t-il.Ancienhautfonction-
naire, BoualemSansal,lui, se définitcomme
«très laïc».Âgés de 49 et de 69 ans, ils ont une
générationd’écartet un parcoursdifférent,
maistousdeuxont été très marquéspar la
guerrecivile,le terrorismeislamisteet les mas-
sacresdes années1990.Leursavis tranchants
viennentde là. De sa voixdouce, Sansal
explique ainsique«l’islamismefinirapar
arriverau pouvoirdansdespayseuropéens,
commela Franceet la Belgique,d’icicin-
quanteans».L’auteurde2084,la fin du monde
(éd.Gallimard,2015)dystopiesur l’avènement
d’unrégimetotalitaireinspiréde l’islamisme,
raffole des sombresprophéties àla
Houellebecq.«Lagauchefrançaiseconsidère
mesproposcommeislamophobes,remarque-t-il.
Pourtant, dansmes livres, jecritiquel’extrême
droiteet le fascisme.»En France,il se sentirait
proche de François Bayrou ou,commeKamel
Daoud,d’EmmanuelMacron.On fait plus
extrême.«Boualemest sincèredanssa véhé-
mence,le défendson éditeurJean-Marie
Laclavetine.Il yaquelquechosede trèspurchez
lui,unesortede sagessehiératiqueassezmysté-
rieuse.Il veutêtreau plusprèsde sa pensée.
Maisil va parfoistroploin,ne calculepasles
conséquencesmédiatiquesde ses propos.»
QuantàKamelDaoud,chacunse souvientde
la tempêtedéclenchéepar sa tribune•••

Commebeaucoup, lestrois plus célèbres


auteursalgériens n’ontrienvuvenir.


C’estMohamed Sifaouiqui aremporté


la palmeduplusmauvais timing.


Le 21 février, il publiait un essai dans


lequel il concluait:“Hormisquelques


utopistes, lescitoyensnecherchent


même plus às’impliquer.”

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