Le Monde Magazine Du 3 Août 2019

(Dana P.) #1

Àdix minutesàpied...


C’estpeu de direque l’Hôtel Béarnaisachangé
de visage.Jusqu’àl’année dernière, l’établisse-
mentfamilialouvert en 1971,situé face au
Théâtredel’Atelier,aupied de la butte
Montmartre, vivait dans la nostalgiede ses
grandesannées,quandPierreBrasseur et
BrigitteBardot fréquentaientson bar àl’issue
des représentations.Après le décès du fonda-
teur AlbertSellam,ses enfants l’ont remis au
goût du jour.Rouvert l’an dernier,leBéarnais
se nommedésormaisMôm’Art, en référenceà
Montmartre, à«la MômePiaf», et àl’art, vers
lequell’hôtel esttotalementtourné.Classées
par thème,les 24 chambres et une suitemêlent
espritbohème(reproductionsd’œuvres de Miró
et de Picasso), cocooning(plaidsMissoni sur les
lits)ouluxe, pour celles de la collectionHermès
(produitsde beautéàdispositionet éléments
de décoration signéspar la maison).Restaurant
avec patio,sauna,salle de fitness.A. Ad
HôtelMôm’Art,42, rue d’Orsel,Paris 18 e.Prix bassesaison:
àpartir de 150 €(sans petit déjeuner).En hautesaison:àpartir
de 220 €(sans petit déjeuner).www.hotelmomart.com

en train d’agir,onn’est toujourspas sûrs. Ceuxqui
s’attendentàcroiserce genrede «Française»pour-
ront constaterque, dans la réalité,les vraieslocales
portent plutôt le chignon«bun»couleur beige-
marronet que, àdéfautd’êtredes altruistesachar-
nées,elles préfèrentse moquertrès ouvertementdes
bermudaset des Crocsdes touristes.Ceuxqu’ona
arrachésàleur retransmissionsportive(maisqui
regardentquandmêmeen douceleur chaînepréfé-
rée installéesur leur smartphone)aurontde quoi se
distraireendirect avec les 222 marchesqui mènent
àlabasilique.Deuxoptionss’offrent àeux.Une ver-
sion passive :regarderles gens monteret commenter
en amateurde salon,bièrefraîcheàlamain. Pour
l’optionactive,il faudramontersoi-mêmeet mesurer
sesexploitssur son braceletélectroniqueavantde les
publiersur Instagramet Facebook.Enfin,dans
Sacré-Cœuril ya«cœur»ettous les fans de comé-
dies romantiquesaméricainesqui ont l’air d’être
sponsoriséspar une marque de shampoingou de
dentifriceconvergent religieusementvers la basi-
lique.Objectif:yscellerla réalitéde leur couple
grâceàunselfie. Pour bien marquer leur présence,
ils ne font –heureusement–pas pipi sur les murs du
monument.Ils attachentplutôtun gros cadenasà
leurs initialessur la grillela plus proche.Des forêts
de métalqui inspirentaux locauxun autretype de
scénario,plus prochedeMassacreàlatronçonneuse.

PeRCHée SuR une Collinede MonTMARTRe,avec
ses rondeursromano-byzantines,la basiliquedu
Sacré-Cœurressembleàunvrai décorde film ou à
une cartepostale(l’ancêtredu GIF qui portaitun
timbre).Presqueirréel,le monumentparvientà
décollerde leursécransen tout genreles visiteurs,
mêmeles plus casaniers.Ceuxqui ont été élevésau
«Jour du Seigneur», pilier de la télévision des
années1980,ou les simplesamateursde documen-
tairesreligieuxs’intéresserontà«l’adorationeucharis-
tiqueen continu»proposéedans ce qui resteun lieu
de culteconsacréavantd’êtreun fond àselfies,et
pourrontdonc s’inscrireàdes sessionsde nuit.Atten-
tion cependantàbien se tenirpendantla prière
–mais prendredes notesmentalementpour une
future émission de télé-réalité ne dérangeraper-
sonne.En 2001,Le FabuleuxDestind’AméliePoulaina
fait beaucouppour la célébritécontemporainedu
Sacré-Cœuret enterréle sex-appealde la Française,
réduiteàune créaturequi,pour sa coupede cheveux,
auraitdû exigerdes excusesde son coiffeur.Sans
compterson air hallucinéun peu inquiétant–sur-
dose de sucreou médicamentcontrela crisebipolaire

Intra-muros.


parCarineBizet

Illus


tration Satoshi Hashimot


opour


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du Monde


.Mom’Art


Hôtel


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3août 2019 —Photo AudreyCorreganet Erik Haberfeldpour MLemagazinedu Monde.StylismeFionaKhalifa
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