Le Monde Magazine Du 3 Août 2019

(Dana P.) #1

La contrebasse


d’AvishaiCohen.


Le jazzmanisraéLien,quiasortiun nouveLaLbumen juin,estL’une
destêtesd’affichedu festivaL jazz in marciac. iL se produirasur
scèneavec La contrebassequi L’accompagne partoutdepuisqu’iL
apuseL’offrirgrâce àunpeu d’argenthéritéde songrand-père.

proposrecueillisparValentinPérez

Cettecontrebassem’appartient
depuis 1996.Jel’aidénichée chez
DavidGage, un magasin de Manhattanoù
l’on peut trouverdes dizaines d’instruments
àcordes. Elle étaitchère, mais je venais
d’avoir un peud’argentgrâce àl’héritage
de mongrand-pèreetj’aiimmédiatement
adoréleson de ce modèle quidataitde
1910 :plein,épais,dense,maisaussi précis,
concis.Exactement ce queje cherchais. Et,
pourêtrecertaind’en avoir vraimentenvie,
j’ai demandé au vendeur de mela mettre de
côté et de melaisserune semainede
réflexion.Jesuisparti en tournéequelques
jourset,àmon retour,jel’aiachetée.
Depuis, surtousmes disques, dans tous
mesconcerts,c’est cettecontrebassequ’on
entend.Partout où je vais,elleva.
D’habitude,les contrebassistesutilisentles
instruments disponiblesdansles pays où
ils se rendent, mais je fais exception :elle
voyagesystématiquement avecmoi dans
sa housse. Ce quiest terrifiant, carjem’in-
quiète toujours qu’elles’abîmedans le
transport. Il yaquelquesannées, lorsqu’elle
aatterri de Londres, j’ai ouvert la housseet
découvertque le manche étaitbrisé en

plusieurs morceaux. J’étaisdévasté.De
tempsentemps,ilyaunéclat ici, unefêlure
là,etjedoisl’apporterchezmon réparateur
àJérusalem. J’ai passédes milliersd’heures
enlacé àcet instrument. D’ailleurs,les
femmes en sont parfois jalouses, soucieuses
queje l’adoredavantage quejeneles aime.
«Sur scène,ondirait quetu luifaisl’amour»,
medit-on souvent. C’estvrai quece n’est
paslepiano ou la flûte.Aveclacontrebasse,
il yaune forteproximité,une intimité.Etune
répercussion physique :lorsque j’en joue,
je ressenssavibration dans tout moncorps.
C’estunesensation quimerendaddict.
Quand, en tournée, noussommes entre
deux villesetque je ne peuxpas la toucher
durant touteune journée,je ressensun
véritablemanque. J’auraispul’utiliser pour
jouerdelamusique de chambre, intégrer
un orchestre ou un groupe de salsa, mais
j’ai préférélejazz. C’estun genretrouble,dur
àdéfinir,maisqui appartientaux courageux,
auxgensqui ne craignentpas d’exprimer
leur véritablepersonnalité, au risque de
n’être ni aiméni compris.Et, si je peux,
je resterai jusqu’au boutfidèle
àcette contrebasse.

àécouter
Arvoles,
d’aVishai Cohen
(razdazreCordz/
Warner MusiC).
en ConCert
le 7aoûtàJazz
in MarCiaC,
Puis en tournée
dans toute
la FranCe.

66

Avishai

Cohen

MLemagazinedu Monde—3août 2019

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