OuestFrance - 2019-07-27

(C. Jardin) #1

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27-28 juillet 2019
Tour de France 2019^

Coup de froid. Orage, grêle et éboulement. Il n’en fallait pas moins pour
convaincre la direction de course d’annuler la fin de l’étape, par sécurité.

AFP

« Une attaque de Geraint n’aurait pas de sens »


Le maillot jaune. Après son numéro alpestre, Bernal, le grimpeur d’Ineos a les


cartes en main pour devenir le premier Colombien vainqueur du Tour de France.


Entretien
Egan Bernal (Ineos), maillot jaune

Vous avez attaqué de loin, ce qui
était de plus en plus rare lors des
dernières éditions du Tour de
France...
J’adore faire du vélo, souffrir en mon-
tagne, la sensation d’adrénaline que
cela procure. Si j’avais opté pour une
stratégie défensive, j’aurais pu termi-
ner sur le podium. Mais à la fin du
Tour, je me serais demandé ce qui
aurait pu se passer si j’avais atta-
qué. En attaquant, je prenais juste le
risque de gagner. À 22 ans, ne pas y
parvenir n’aurait pas été grave car il
y a d’autres Tours devant moi. Je ne
voulais pas avoir de regrets.

Vous pourriez devenir le plus
jeune vainqueur du Tour de
l’histoire moderne...
J’espère d’abord gagner le Tour di-
manche. Je veux faire ce que j’aime
faire, vivre ce sentiment de compéti-
tion, cette incertitude de savoir si je

suis prêt, ou pas, à affronter mes ri-
vaux.

L’an dernier, Geraint Thomas
avait anticipé sur Christopher
Froome en attaquant le premier.
N’avez-vous pas craint pour vous
quand il a attaqué hier ?
Je savais qu’il voulait attaquer. On
en avait parlé ce matin (hier), c’était
prévu. De mon côté, j’avais pour
consigne de suivre, d’attaquer aussi.
Il fallait harceler Julian Alaphilippe
pour qu’il ne puisse pas s’accrocher.

Comment avez-vous appris l’arrêt
de la course ?
Au début, je ne comprenais rien,
j’étais concentré sur la descente
(de l’Iseran). J’entendais des «  stop,
stop » dans l’oreillette, mais je ne vou-
lais pas m’arrêter, je devais gagner
du temps. C’est quand on me l’a dit
en espagnol que j’ai vraiment com-
pris ce qu’il se passait.

Quel doit être votre stratégie :
défendre ou attaquer ?

Je pense que je vais défendre. Nous
sommes dans une bonne position, il
n’y a plus que l’étape de demain (au-
jourd’hui) qui est décisive. J’ai une
bonne équipe, capable de contrô-
ler. On ne sait jamais ce qu’il peut
se passer mais quand on est leader
avec une seule journée devant soi, la
logique me dit qu’il faut défendre.

Vous avez dit à plusieurs reprises
que Geraint Thomas vous avait
donné la permission d’attaquer
depuis le début de ce Tour. À
l’inverse, le laisseriez-vous faire
lors de la dernière étape de
montagne ?
S’il voulait attaquer, bien sûr que je le
laisserais. Mais je crois que procéder
de la sorte à ce moment de la course
serait de la folie. Je respecterais cette
décision, toute personne est libre de
faire ce qu’elle veut. Mais je pense
que l’équipe devrait faire attention.
Geraint est aussi sur le podium. Une
attaque n’aurait pas de sens.
Recueilli par
Christophe RICHARD.

Désormais en jaune, Egan Bernal change désormais d’univers, en passant de chasseur à chassé. À deux jours d’arriver
à Paris, le Colombien de 22 ans a pris une superbe option pour la victoire au général.

EPA

Aujourd’hui


Une interminable montée pour conclure le Tour


Moutiers
(539 m)

Val Thorens
(2 365 m)

de3 à 5,9%

de0 à 2,9%

de6 à 8,9%%
à partir de9%

LES 33DERNIE RSKILOMÈTRES


8,8%


6,5%


8%


9,8%


7, 9%


Olivier Bernard

Une dernière étape alpestre amputée


Ce dernier volet du tryptique alpestre
était le plus redouté... Jusqu’à hier. À
l’origine, l’étape devait passer par le
Cormet de Roselend et la Côte de
Longefoy, mais les coulées de boue
ont convaincu les organisateurs
d’éviter ces deux ascensions. Du
coup, l’étape est raccourcie et rame-
née à 59 km. Le peloton contournera

par la vallée, pour se rendre directe-
ment à Moutiers. Il y aura toutefois
bien le feu d’artifice final tant attendu,
où le supplice interviendra avec cette
longue ascension vers Val Thorens.
Les pourcentages ne sont pas for-
cément infernaux, mais elle semble
sans fin... Départ prévu à 14 h 30.

1 049 m Saint-Laurent-de-la-Côte

38,

539 m Moûtiers

28

1 360 m Saint-Martin-de-Belleville
44,

1 746 m Les Ménuires
52,

La caravane du Tour passe 2h avant les coureurs

Déviation en raison des conditions météorologiques

Albertville
547 m

Val Thorens
2 365 m

|SAVOIE

0 km

14h
Départ Arrivée Sprint intermédiaireBBonifications Catégorie du col

HC

20 eétape- Samedi 27 juillet - 59 km


Coup d’État. En haut de l’Iseran, Egan Bernal s’est emparé du maillot jaune,
déstituant Julian Alaphilippe du paletot qu’il portait depuis le 13 juillet.

EPA

Ce ne sera que la 2e arrivée du Tour à Val Thorens. La pre-
mière a eu lieu en 1994, avec la victoire du Colombien Nel-
son Rodriguez, devant Piotr Ugrumov et Marco Pantani.
Un Colombien, déjà...

2


Sur cette route de Val Thorens, dans la roue du dossard 10 


L’un de nos journalistes a participé,
le week-end dernier, à l’Etape du
Tour, l’une des plus grandes courses
cyclo-sportives du monde (plus de
12 000 coureurs). Elle empruntait le
parcours initial de la 20e étape, avant
que celle-ci ne soit modifiée (lire ci
contre). Et donc cette terrible der-
nière montée. Il raconte.

««À cet endroit, même Julian Ala-
philippe aura mal aux jambes... » À
8 km/h, impossible de rater ce pan-
neau jaune en lettres noires planté
sur le bas-côté. Comme des escar-
gots au taquet, le casque à la place
de la coquille, nous sommes des
milliers de gastéropodes silencieux
à cheminer à flanc d’une montagne
surchauffée comme une plancha.
Mal aux jambes sur cette pente
couleur cabri ? Les gens d’ASO
(Amaury Sport Organisation) ne
manquent pas d’humour, alors qu’au
bout de l’interminable pente menant
à la station des Menuires se détache
au loin sa voisine de Val Thorens,
perchée à 2 365 m. C’est l’altitude à
laquelle se figera, le podium du Tour
de France avec vue plongeante sur la
Tour Eiffel, laquelle culmine à 324 m,
une schtroumpfette à l’échelle...

La vasque et El Diablo

Nous n’irons pas aux Champs-Ély-
sées, ni à midi ni à minuit. Dimanche
dernier, nous étions juste 12  700  à
ouvrir la route à l’occasion de l’Étape
du Tour dédiée aux amateurs. La
même que celle du dénouement
d’aujourd’hui, mais avec 5  km de
plus, c’est cadeau !
7 h 30 du mat’, je me tasse dans le
sas 10, flanqué de six potes rennais.
La Ville d’Albertville a mis les petits
plats dans les grands en rallumant
la vasque olympique, 27  ans après.
C’est pas un peu trop d’honneur, ou
bien ? Un «  check  » aux copains et

roule ma poule.
Sous l’arche, certains s’offrent
un selfie avec «  El Diablo  », barbe
blanche et cornes noires, un modèle
déposé. Et vu que le compte à re-
bours convoque «  Highway to hell  »
d’AC-DC, l’enfer, ce ne sera pas pour
les autres. Comment dire ? Le gra-
phique annonçait la couleur avec
sa silhouette de chameau à trois
bosses (voir ci-contre). Pas étonnant
que des milliers de participants aient
été pourchassés par des mirages, à
force d’être dans le désert alpestre
depuis trop longtemps (2 500 aban-
dons). Il faut dire qu’en 29 éditions
de l’Étape, jamais la ligne d’arrivée
n’avait été tracée si haut.
Du goudron et des plumes

Avant de planter son piolet au som-
met du Cormet (1  968  m), en ayant
enfoncé sa lame dans une tomme
de beaufort au premier ravito, il faut
s’infuser 41  km de grimpette, ferrail-
ler dans le col du Méraillet. Normale-
ment, le peloton du Tour aurait pu ad-
mirer l’eau du lac de Roselend dont
la couleur bleu lagon aimante nos
smartphones, mais la météo en a
décidé autrement. Passé le sommet,
la vigilance aurait vite retrouvé son

dossard dans la vertigineuse des-
cente vers Bourg-Saint-Maurice, un
aspirateur à adrénaline non breveté.
Le radar de mon Garmin taquine les
80 km/h, zéro radar en vue.
L’essentiel consiste à ne pas finir
avec du goudron et des plumes.
Quelques cyclos en laissent. Dans un
lacet, un vélo couché attend son pro-
priétaire cabossé qui surgit d’un petit
ravin. Au fil des virages, s’amplifie le
ballet des ambulances. Bourg-Saint-
Maurice, priez pour nous, pauvres
coureurs du dimanche. Et donnez-
nous notre sandwich au jambon et
nos abricots secs.
Les coureurs du Tour, eux, chopent
des musettes à la volée. En suivant
le parcours initialement prévu, ils au-
raient pu être surpris par la côte de
Longefoy, qui se pousse mécham-
ment du col sur 7  km, et masque
la côte suivante de Notre-Dame-du-
Pré, plus vacharde qu’une laitière
tirée de sa sieste. Une Ukrainienne
m’enrhume en moulinant avec élé-
gance. Chaque dossard étant assorti
d’un petit drapeau, je révise ma géo.
Faut bien s’occuper lorsque la pente
fait une raffarinade en devenant plus
forte.
Je double un duo de Colombiens.

Sur le coup ça flatte l’orgueil même si
ce n’est pas Bernal-Quintana. Notre
procession muette plonge alors dans
la descente vers Moûtiers hérissée
de chausse-trappes. Normalement,
ça passe...

Le canyon à incendie
Ravito dans la vallée. Embouteillage
aux stands, pire que le rush des va-
canciers à la neige. L’image me fait
ruisseler d’envie. Épingle à droite,
et voici le plat de résistance : 34 km
de montée jusqu’à Val Thorens. J’ai
beau implorer l’esprit des Sioux, la
gorge en forme de canyon à incen-
die, pas une goutte de flotte dans le
ciel. Le thermomètre flirte avec les
40°, les kilomètres oscillent entre 7 et
12 % avant Saint-Laurent-de-la Côte,
on ne nous aurait donc pas menti ?
Ici l’ombre ! Des grappes de types
hébétés prennent racine sous la
moindre branche, des riverains nous
arrosent au jet à gogo, le soleil donne
à la Laurent Voulzy. J’avise une fon-
taine, je saute dedans à pieds joints,
j’y remplis mes bidons. Remon-
ter sur la selle, ignorer les mecs qui
demandent grâce en redescendant
sur la file de gauche, écraser les pé-
dales. À Saint-Martin-de-Belleville,
dernier ravito avec brumisateur incor-
poré, ah ! les braves gens...
De nouveau pistonner des mollets,
s’asperger dans un torrent avant « Val
Tho », égrener les bornes à rebours,
se mettre en danseuse dans l’ul-
time raidard sur un chemin de terre
blanche digne de temps héroïques,
valider enfin les 4 400 m de dénivelé
positif. Et passer la ligne d’arrivée en
basculant dans un névé de félicité.
Recevoir aussi sec un SMS d’ASO  :
« Tu l’as fait ! » Dossard 10 919, vous
avez mérité une médaille et une bière
fraîche. Sans faux col. »

Jean-Pascal ARIGASCI.

Dans la vertigineuse descente du Cormet de Roselend vers Bourg-Saint-Maurice.

ASO

400 coups. Même s’il n’est plus en jaune, Alaphilippe s’est amusé avec son
équipier Mas, à l’arrivée. Deuxième au général, il a sacrément limité la casse.

AFP

Les conditions météo devraient à nouveau
être terribles, ce samedi. De la pluie et des
orages sont annoncés sur la Savoie dans
l’après-midi.

Météo

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