Vendredi 2 août 2019SUD OUEST
Dossier réalisé
par Benoît Lasserre
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« Sud Ouest » Vous avez achevé
votre tour des Régions de France
pour la renégociation des conven-
tions TER. Une mission qui n’était
pas gagnée d’avance.
Franck Lacroix C’est en effet un
énorme travail accompli, qui re-
présente un chiffre d’affaires cu-
mulé de 28 milliards d’euros. C’est
aussi le fruit d’un programme de
transformation, que j’ai lancé en
prenant la direction nationale des
TER en 2016. Nous avons inversé
une tendance négative et retrou-
vé une attractivité et une ponctua-
lité perdues.
Certaines Régions ont tenu un dis-
cours très dur à votre égard.
Et je l’ai reçu cinq sur cinq. Quand
je suis arrivé, les relations n’étaient
pas pacifiées, loin de là. Les Ré-
gions attendaient de nous une at-
titude de partenaires et j’ai juste-
ment lancé le plan Cap TER 2020
pour retrouver un climat de con-
fiance avec elles et surtout avec
nos clients. Aujourd’hui, nous
avons remis à l’heure 30 % des
trains qui étaient en retard. En
Nouvelle-Aquitaine, nous avons di-
visé par deux le nombre de trains
en retard. Le seuil de ponctualité
est passé de 88 % à 94 %. C’est un
changement énorme.
Depuis 2016, nous avons rega-
gné 60 000 voyageurs par jour sur
l’ensemble du réseau, soit l’équi-
valent de ce que nous avions per-
du entre 2012 et 2016. En Nouvelle-
Aquitaine, c’est presque
10 000 voyageurs de plus par jour.
L’effet TGV a certes joué mais il
n’explique pas tout. En revanche,
notre travail peut expliquer un
taux de satisfaction qui s’élève à
93 % en Nouvelle-Aquitaine. C’est
du jamais vu.
Quel changement apportent ces
nouvelles conventions?
Les anciennes conventions étaient
défensives et protectrices pour la
SNCF. Celles qui viennent d’être si-
gnées sont au contraire tournées
vers l’offensive et elles sont surtout
conçues pour les voyageurs. Au-
jourd’hui, grâce au travail entre-
pris depuis trois ans, on est désor-
mais capable de prendre des en-
gagements dans la durée pour
améliorer la qualité de service. Par
exemple, en Nouvelle-Aquitaine,
la convention 2019-2024 prévoit de
baisser de 40 % les trains en retard
et de moitié les trains supprimés.
En revanche, nous allons augmen-
ter de 24 % le trafic voyageurs. Et
quand il y a plus de voyageurs, la
contribution du Conseil régional
diminue. Celle de la Nouvelle-Aqui-
taine va ainsi baisser de 12 %. C’est
un extraordinaire effet de levier. Si
nous pouvons y parvenir, c’est
parce que nous avons des pro-
grammes industriels qui nous le
permettent et parce que nous
avons nous-mêmes réduit nos
coûts de production.
L’ouverture à la concurrence a-t-elle
été une épée de Damoclès dans les
négociations?
Un monopole est menacé quand
le marché se réduit et que vous
perdez la confiance de vos clients.
Ce qui était le cas il y a trois ans.
Mais c’est désormais le contraire.
On travaille pour un marché en
croissance et avec une confiance
retrouvée. Aujourd’hui, 80 % des
mobilités s’effectuent en voiture
avec une seule personne ou pres-
que à bord. Ce modèle est mort
parce qu’il ne permet plus de ren-
trer dans les centres-villes et parce
qu’il ne préserve pas la planète.
Pour nous, c’est un défi formida-
ble, à condition d’offrir plus de
trains et surtout de les connecter
aux autres modes de transport.
Certaines régions vous accusent de
manque de transparence par rap-
port à d’éventuels concurrents.
Nous faisons un énorme travail
pour transmettre aux régions une
quantité impressionnante de don-
nées. Nous serons au clair vis-à-vis
d’elles et de l’Autorité de régula-
tion. Mais la concurrence ne sera
obligatoire qu’en 2023 et, pour
l’instant, il n’y a pas de candidat dé-
claré. À la SNCF, nous jouerons le
jeu de la concurrence et surtout,
nous nous préparons à remporter
les appels d’offre.
TRANSPORTS Dans un entretien
accordé à « Sud Ouest », le directeur
national des TER, Franck Lacroix, fait le
point sur les conventions régionales et sur
la prochaine ouverture à la concurrence
TER : la SNCF se dit prê te pour la concurrence
« Le seuil de ponctualité des TER est passé de 88 % à 94 % », selon Franck Lacroix. PHOTO J.-M. CHACUN
Le fait du jour
« Depuis 2016, nous avons
regagné 60 000 voyageurs
par jour. » PHOTO DR
La nouvelle convention TER entre la
SNCF et la Région Nouvelle-Aqui-
taine a été signée pour une durée
de six ans le 17 mai dernier par le
président du conseil régional Alain
Rousset, Guillaume Pepy, PDG de la
SNCF, le directeur national des TER
Franck Lacroix et le directeur régio-
nal de SNCF Mobilités Philippe Bru.
Même si Alain Rousset, pour des
raisons politiques assez compré-
hensibles, n’a pas brandi la me-
nace de la concurrence avec la
même vigueur que ses homolo-
gues d’Auvergne-Rhône-Alpes, de
Paca ou des Hauts-de-France, qui
ont davantage les coudées fran-
ches, il a tout de même fait connaî-
tre son mécontentement à l’égard
de l’entreprise ferroviaire.
Dans un livre récemment paru
sur la SNCF, il exprimait crûment
son ras-le-bol à l’égard de l’état-ma-
jor de l’entreprise, précisant qu’il
était lassé d’être considéré comme
« le cochon de payeur ». Le prési-
dent de région s’est dit en tout cas
satisfait de la convention, la quali-
fiant même de « la plus ambi-
tieuse de France ». L’objectif de ré-
gularité des TER a ainsi été fixé à
95 % en 2024, juste au-dessus du
taux actuel (et inattendu) de
94,3 %.
24% de TER en plus
La SNCF devra également propo-
ser 60 TER par jour sur l’ensemble
de la région avec une augmenta-
tion de trafic de 3 à 4 % par an pour
ainsi atteindre 24 % en 2024. La
SNCF s’engage par ailleurs à ne sup-
primer aucune gare ni aucun gui-
chet. Et elle mettra en œuvre un
fonds de garantie-voyage pour dé-
dommager les abonnés annuels
en cas de service trop dégradé. Nul
doute, enfin, que le très girondin
Alain Rousset a été sensible au dis-
cours décentralisateur de Franck
Lacroix, qui prône « une stratégie
de proximité territoriale » et crée
pour cela, aux côtés des directions
régionales, des directions de ligne,
« plus proches des acteurs et des
décideurs. »
Guillaume Pépy et Alain
Rousset, le 17 mai dernier.
ARCHIVES FABIEN COTTEREAU/« SUD OUEST »
RÉGION La convention entre la Nouvelle-Aquitaine et
la SNCF, signée le 17 mai dernier, court jusqu’en 2024
Une convention très ambitieuse
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