Opinions Vendredi 2 août 2019SUD OUEST
Ils veulent « partir en vacances en
Hongrie ». En ce début d’été 1989, les
jeunes Allemands de l’Est affichent
un vif désir de découvrir les rives du
lac Balaton. À vrai dire, leurs yeux se
portent plus loin à l’Ouest. Car la
Hongrie, « baraque la plus gaie du
camp socialiste », a pour particula-
rité d’être libre d’accès aux citoyens
de RDA. Et d’avoir une frontière fort
perméable avec l’Autriche, ce sas
d’entrée dans le monde occidental.
Vue de Leipzig ou de Berlin-Est, la
Hongrie est un paradis. Pour la pre-
mière fois depuis 1947, un député
d’opposition a été élu au Parlement
de Budapest. Trente ans après l’écra-
sement du Printemps hongrois de
1956 par les chars soviétiques, le par-
ti de Janos Kadar a doucement des-
serré le carcan socialiste. Et lorsque
de jeunes touristes des pays-frères
pique-niquent entre amis à la fron-
tière autrichienne, il arrive que les
gardes-frontières hongrois poursui-
vent leur sieste ou détournent le re-
gard des barbelés ouverts.
Un exode incontrôlable
En catimini, l’exode a débuté. En
juin, on découvre que 12 500 Est-Al-
lemands ont franchi le « Rideau de
fer » et rejoint la République fédé-
rale allemande. La Croix rouge lo-
cale accueille les transfuges, leur
fournit papiers, conseils et
deutschmarks après que les servi-
ces secrets aient tenté de détecter la
présence d’espions. Pour la RFA, cet
exode qui s’amplifie est embarras-
sant. Il prouve certes que la RDA est
un régime vermoulu. Mais per-
sonne ne croit encore à la réunifica-
tion des deux Allemagnes. En atten-
dant, collaborer avec le parti d’Erich
Honecker est le credo de son « Ostpo-
litik ».
D’ailleurs, lors-
que début août,
130 citoyens de
RDA se réfugient
dans les locaux de
la représentation
allemande à Ber-
lin-Est, la RFA dé-
cide sa fermeture.
Entre les deux Al-
lemagnes, le ton
monte. À Varsovie, à Prague, à Buda-
pest, les ambassades ouest-alleman-
des voient aussi affluer les candidats
à l’exode vers Munich ou Francfort.
Mais alors que les régimes com-
munistes de Hongrie, de Pologne,
de Tchécoslovaquie essayent tous
de se réformer, la RDA, pourtant le
pays le plus prospère du bloc, se rai-
dit : pas question d’importer à Berlin-
Est la « perestroïka » dont Mikhaïl
Gorbatchev, le secrétaire général du
PC soviétique se fait le propagan-
diste en Occident dans l’espoir de
sauver le socialisme d’État. Car en
RDA, si le régime s’effondre, c’est le
pays lui-même qui peut être dis-
sous.
En cet été 1989, Erich Honecker a t-
il conscience de mener un combat
d’arrière-garde? Quarante ans de
propagande et de caporalisation
n’ont-ils pas coupé le régime du
pays et du monde réels? Car tandis
que la police est-allemande tente de
colmater l’exode, le vieil édifice des
relations Est-Ouest tremble sur ses
bases. À Bonn, à Paris, Gorbatchev
vante les vertus de la « maison com-
mune » européenne, tandis que les
leaders occidentaux tâtent le terrain
dans les démocraties populaires. Ils
ne savent pas, mais devinent, qu’un
énorme changement approche.
Christophe Lucet
Erich Honecker, principal dirigeant de la RDA, a dû quitter ses
fonctions quelques semaines avant la chute du mur de Berlin.
PHOTO ARCHIVES REUTERS
À la frontière hongroise,
une première brèche à l’Est
UN ÉTÉ SUD-OUEST/1989, ANNÉE DE FLAMMES ET D’ESPOIR
L’exode
a débuté en
catimini. En
juin, 12 500
citoyens de
RDA ont déjà
fui à l’Ouest...
Espionnage. Le lanceur d’alerte
américain, Edward Snowden, qui
a dénoncé la surveillance massive
aux États-Unis et a été inculpé
d’espionnage dans son pays, sorti-
ra le 17 septembre ses mémoires,
publiées simultanément dans
une vingtaine de pays. La version
française, « Mémoire vive », paraî-
tra aux éditions du Seuil.
L’affaire
Steve met
dans la lumière
la nullité de ce
ministre de
l’Intérieur qui est un
personnage limité et
sans aucune vision.
Le porte-parole
du Rassemblement
national, Sébastien
Chenu, hier, à propos
de Christophe Castaner.
ÇA VA FAIRE
DU BRUIT
sud ouest.fr
Vidéos. Fêtes de Bayonne : un blogueur basque dénonce
les festayres pollueurs
C’est, en pourcentage, la baisse
du marché automobile français sur
un an en juillet. PSA a fait mieux
que la moyenne, avec des imma-
triculations de voitures neuves
en hausse de 4,1%, tandis que Re-
nault a chuté de 9,8%.
1,
En Vaucluse, une carrière désaffectée est en train de devenir la première centrale solaire flottante
de France. Surnommée O’Mega1, elle entrera en service en septembre et pourra produire
la consommation annuelle d’électricité de 4 700 foyers ou quelque 10 000 personnes. PHOTO AFP
LA PHOTO DU JOUR
L’ANNÉE 1989 (3/18)
Un jour sur deux pendant
l’été, revivons quelques
événements de cette année
clé de notre histoire récente.
L’inauguration du TGV Atlantique,
date majeure pour le désenclave-
ment de la façade ouest de la France
LUNDI
P
lutôt que de faire le tour des capitales européennes
pour tenter d’y vendre son « Brexit dur », Boris Johnson
a entamé son mandat au 10 Downing Street par une
tournée intérieure des nations qui composent le Royaume-
Uni. Une manière de reconnaître que l’urgence est de sau-
ver ce qui peut l’être encore. Car dans les surenchères déma-
gogiques dont ils ont fait montre pendant la campagne
référendaire de 2016, les promoteurs de Brexit ont oublié un
détail : sortir de l’Union européenne serait non seulement
très compliqué pour le Royaume-Uni, mais pourrait aussi
faire éclater ce royaume, voire raviver une guerre oubliée.
On s’en souvient : l’Écosse et l’Irlande du Nord ont voté à
de larges majorités pour le « Remain », le maintien dans
l’Union européenne. Au Pays de Galles, le Brexit l’a emporté
de peu.
Écossais, Gallois et Irlandais au-
raient pu accepter la sortie de
l’Union, à condition que celle-ci
se fasse de manière élégante et
que des liens soient maintenus
avec le continent, notamment
par le biais d’une union doua-
nière. Cela aurait notamment
permis d’éviter le retour d’une
frontière entre les deux Irlandes
et des tensions qui l’accompa-
gneraient, la suppression de
cette frontière étant une des clés
des « accords du vendredi saint »
qui ont permis en 1998 de ramener la paix dans ce coin d’Eu-
rope. Avec le Brexit dur que professe Boris Johnson, c’est-à-
dire une sortie sans accord, le regard des nations associées
à l’Angleterre change du tout au tout. Certes, on ne peut ex-
clure qu’en bon tacticien, le Premier ministre ne brandisse
cette menace que pour faire peur aux autres Européens et
les amener à négocier. C’est oublier que les 27 ont présenté
un front uni depuis trois ans, et que le Royaume-Uni aurait
beaucoup plus à perdre que l’Union européenne avec une
sortie sans accord.
Quoi qu’il en soit, plus l’échéance du 31 octobre approche,
et plus la perspective d’un Brexit dur apparaît comme la
plus probable. On comprend donc l’inquiétude des Écos-
sais, qui reparlent d’indépendance, et celle des Irlandais, qui
rêvent à nouveau d’unification, au moins côté catholique.
Et l’on ne s’étonnera pas que Boris Johnson ait reçu un ac-
cueil glacial, tant à Belfast qu’à Édimbourg, y compris chez
ses amis conservateurs, tandis que se tenait hier au pays de
Galles une élection fort délicate pour son parti. Quand on
crache en l’air, il arrive que cela vous retombe sur la figure.
Avis aux apprentis sorciers, de France ou d’ailleurs.
Au pays du
Royaume-Désuni
ÉDITORIAL
Plus l’échéance
du 31 octobre approche,
et plus la perspective
d’un Brexit dur apparaît
comme la plus probable
Bruno Dive
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