Marie Claire N°805 – Septembre 2019

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Témoignages 116


Un homme à la caisse d’un grand magasin avec un panier rempli de produits
de beauté reste encore regardé étrangement. Parler crèmes, soins, textures
et gestes ne va pas encore de soi pour la plupart, encore cadenassés par une
virilité archaïque. Pourtant, le marché de la cosmétique masculine grandit
au galop. Alors que racontent les hommes qui prennent soin d’eux? Sur leurs
usages, leurs sensations, leur image et leur plaisir? Place à leurs mots.

Par Marguerite Baux � Témoignages recueillis par Marina Rozenman
Photos Paloma Pineda

Quand


les hommes prennent


s o in d ’eux


Yeux ronds et moue perplexe : a priori, le sujet ne
semble pas les concerner. Des produits de beauté,
pour nous, les hommes? Pour un peu, ils se sentiraient
offensés. Deux minutes suffisent pourtant à les lancer.
Le savon pour se raser, la crème qu’il est bien agréable
de passer ensuite, l’huile pour la barbe, le déodorant,
ce sont bien des produits de beauté, non? Et les voilà
qui vantent leur marque préférée, leur expérience du
gommage, le masque contre les points noirs, le plaisir
de la manucure-pédicure découvert dans un pays où
cela ne coûtait vraiment rien. Ils en parlent comme de
voitures, comme de leur potager, comme de géopoli-
tique, un peu nonchalants, un peu experts quand
même. La seule chose que les hommes ne semblent
pas apprécier dans les produits de beauté, c’est le
vocabulaire.
Car ils en utilisent souvent sans même s’en rendre
compte. Se raser et entretenir la chevelure : deux
obsessions qui demandent beaucoup de travail et
n’ont rien à envier aux complexités de la psyché fémi-
nine. Mais la peau virile est longtemps restée dans

l’ombre, discrètement soignée en piochant dans la
trousse de l’épouse ou dans la pharmacie familiale.

David Beckham et ses métrosexuels
Les premiers produits de grande distribution spé-
cifiquement conçus pour eux, les hommes, n’appa-
raissent que dans les années 1980, avec les pionniers
Nivea en 1980, Biotherm en 1985, Basic Homme de
Vichy en 1987. Bientôt, David Beckham et ses métro-
sexuels prouvent qu’on peut avoir des muscles et la
peau bien hydratée. Nickel, Clarins For Men en 2002,
L’Oréal Men Expert en 2004 : tout le monde se lance.
Entre 1997 et 2002, le marché mondial bondit de
43 %. Aujourd’hui, il représenterait 38,5 milliards d’eu-
ros, selon l’agence de conseil Nelly Rodi, et devrait
atteindre 50 milliards en 2026, avec une croissance de
10  % chaque année (avec des lignes de plus en plus
sophistiquées comme Barbiere d’Acqua di Parma).
Des chiffres à prendre avec précaution, car entre l’ac-
cession massive des pays pauvres au gel douche et un
beauty-case Aesop à 350 €, il y a un monde. Un autre
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