Témoignages 118
chiffre parlera peut-être davantage : depuis 2012, les
Français dépensent plus en produits de soins que de
rasage – plus pour la peau que pour le poil, c’est une
révolution.
Les hommes deviendraient-ils donc aussi coquets que
les femmes? Pour Brigitte Castelain Meunier, socio-
logue au CNRS, « en termes culturels, nous vivons dans une
société de l’image, de la mise en scène de soi. Prendre soin
de son apparence s’est mué en impératif social, au même
titre que faire de la gym ». Mais pas d’égalité des sexes
pour autant : « Je suis notamment frappée par les masques
de beauté pour hommes. Il ne faut pas avoir l’air fatigué.
Dans l’ensemble, ce qui ressort chez eux, c’est la recherche
d’efficacité. » Comme si les femmes s’en fichaient... De
fait, si les produits pour homme vendent de la vitalité
sous un vocabulaire professionnel ou sportif, le rayon
féminin promet plutôt de l’éclat, de la lumière, de la
régénération, de l’or. C’est la technique contre la magie
- des clichés aussi cliché qu’au rayon jouet. Et on se
demande bien lequel est le plus naïf des deux.
Mais les catégories sont, paraît-il, en train de s’émiet-
ter. « Il y a une foule de nouvelles petites marques qui, plu-
tôt qu’une promesse anti-âge, par exemple, mettent en
avant un ingrédient ou un argument de vente local, vegan,
ayurvédique, etc. » explique Stéphanie Gabriel, du cabi-
net de tendances Beautystreams. Dans ce marketing
de niche, les grandes marques perdent leur toute-puis-
sance et le masculin/féminin n’a plus grande perti-
nence. Mais la vraie révolution viendra des jeunes
générations : « Les jeunes hommes sont devenus experts,
ils connaissent tous les ingrédients, c’est incroyable, et ils
sont très sensibles à la santé. Pour eux, la peau est un
organe à protéger. » Sans compter, précise Michael
Nolte, directeur créatif chez Beautystreams, la pres-
sion des médias sociaux.« Les photos sont tellement
retouchées qu’il paraît presque anormal d’avoir des rides
ou des imperfections. »
D’où l’érosion de l’ancien tabou du maquillage.
On en trouve même chez Chanel (la ligne Boy) ou
chez Givenchy (la ligne Mister Mat). « Cela concerne
« Venez, je peux vous montrer, si vous voulez...
C’est rien du tout (nous quittons la cuisine pour la salle
de bain, ndlr). On remplit de gros sel, là-dedans.
A ras bord (il se penche devant un appareil “de la taille
d’une poubelle”), et toutes les semaines ça se
régénère. C’est un procédé chimique. Le sel absorbe
le calcaire. Ce qui fait que l’eau mousse et qu’on
a l’impression qu’on n’est pas lavé, mais en fait on a
juste la peau douce. Parce que l’eau “normale”
est pleine de calcaire, alors que celle-là... Mon rituel
de beauté, il est minimal. Il tourne autour de l’eau.
Douce, donc. Et des mains. Pour les mains, j’ai toujours
une bonne crème dans mon sac. (Nous sommes
retournés à la cuisine, il sort un tube élégant.) J’en mets
tous les jours. Elle me sert aussi pour le visage.
Et puis après, c’est tout. Enfin, si. J’utilise aussi
de l’huile à barbe. Ça brille et ça hydrate.
Et c’est interdit mais, avant, j’avais une copine qui
m’en avait fabriqué toute une panoplie.
Comment on se retrouve avec une copine qui propose
de la cosmétique, sous le manteau? Disons
que ça l’intéresse. Et qu’elle souhaite, comme moi,
contrôler la composition de ce qu’elle met
sur sa peau. Ah, regardez...(il sort un autre tube,
toujours élégant, et bio.) Il y a quelques jours,
je suis tombé sur ce joli produit. Au lait d’ânesse.
Finalement, ça ne se voit pas, mais je m’occupe pas
mal de moi. C’est peut-être ça, le secret
des hommes. Ils ne se rendent pas compte qu’ils
prennent soin d’eux. »
“Pour les mains, j’ai toujours une
bonne crème dans mon sac.
Elle me sert aussi pour le visage.”
Laurent, 45 ans, artiste-peintre et graveur