Marie Claire N°805 – Septembre 2019

(backadmin) #1
Témoignages 120

“On voit apparaître


le maquillage, surtout


l’anticerne, sur


des marchés porteurs


comme la Corée ou


le Japon, où il y a une


forte pression par


rapport à la jeunesse.”


Michael Nolte, directeur créatif au
cabinet de tendances Beautystreams

une petite niche, note Michael Nolte, mais on voit appa-
raître le maquillage, surtout l’anticerne, sur des marchés
porteurs comme la Corée ou le Japon, où il y a une forte
pression par rapport à la jeunesse. » Pour préserver l’or-
gueil viril, mieux vaut choisir ses mots : « Avec L’Oréal,
Estée Lauder ou Amorepacific (numéro un sud-coréen des
cosmétiques), on cherche comment appeler les fonds de
teint ou les baumes à lèvres légèrement teintés... beaucoup
de choses que les jeunes hommes piquent déjà aux femmes
sans forcément l’admettre. »

Des prétextes et des justifications
Le faire sans le dire : pour beaucoup, l’usage de soins
s’entoure encore de prétextes, de récits, de justifica-
tions. « Je l’ai essayé par hasard, disent-ils. J’ai suivi
un traitement pour une allergie et j’ai pris l’habitude de
mettre une crème », et le sacro-saint « Dans mon travail,
il faut être impeccable ». Mais les plus conservatrices
sont peut-être certaines femmes, qui ne trouvent
« pas sexy » un homme à crème. Elles défendent sans
le vouloir une certaine idée de la beauté virile, sup-
posée naturelle – alors que la beauté féminine est
du côté de l’artifice. « La beauté cachée des laids, des
laids/se voit sans délai, délai », chantait Gainsbourg.
« C’est très culturel, répond Stéphanie Gabriel, de
Beautystreams. Dans les pays anglo-saxons, on entend
peu ce genre de remarque. J’espère qu’elles vont changer de
discours, car elles veulent quand même un homme qui ait
une belle peau et qui sente bon. »

« Si je suis tout à fait honnête, je dirais que je n’ai pas fait attention
à moi avant l’âge de 38 ans... Ma mère était très féministe.
On vivait en communauté. Et le rituel beauté, pour une femme
comme elle, c’était franchement tabou. Et puis, j’avais 15 ans lorsque
j’ai rencontré ma future femme au lycée. Nous nous sommes
arrimés l’un à l’autre. Et il a probablement fallu que nous nous
quittions pour que je commence à me sentir homme. Ou du
moins à investir la question de ce qu’être un homme signifie.
Et l’homme de la fin des années 2000 était viril et... soigné.
Depuis, je vois trois dimensions dans mon rapport à ladite beauté.
Une dimension fonctionnelle : ce sont, par exemple, les 3-4
minutes que je vais prendre le matin pour me frictionner le corps,
avec une lotion. Qui est en fait un alibi pour faire circuler mon
sang. C’est aussi le moment où je sors de mon heure de piscine.
Et où ma peau tire, donc je vais me passer une crème “spécial après-
piscine” pour contrer les effets du chlore. Ensuite, il y a la
dimension sociale : là, c’est l’éventail de mes parfums de savons
(verveine-citron, lilas, pin maritime...), que je vais choisir en
fonction d’une interaction à venir. Quand il va y avoir un échange.
Et que j’ai envie de bien communiquer... Ou c’est le coiffeur.
Avant de donner une conférence. Pour que l’image que je renvoie
de moi soit l’image de quelqu’un plein d’énergie, qui voit loin.
Enfin, il y a la dimension intime, qui, je crois, est en train de naître
et qui est plutôt agréable. Et là, c’est le massage. Une heure
totalement gratuite. Pour soi, avec soi. »

“J’ai un éventail de parfums de savons que
je choisis en fonction d’une interaction à venir.”


Olivier, 50 ans, chef d’entreprise

Free download pdf