Marie Claire N°805 – Septembre 2019

Le bon sens Qu’ils l’appellent “instinct” ou “sens moral”,

nos invités ont tous un radar personnel qui leur permet de trouver

un certain équilibre. Par Fabrice Gaignault — Illustrations Alexandra Compain-Tissier

« Le bon sens est lié à ma
personnalité. J’ai cinquante
personnes sous mes ordres
et j’essaie d’être le plus efficace
dans la chaîne de décisions.
Je recherche le geste parfait.
La conception de mon travail
repose sur ce que j’appelle
la règle des quatre E : élégance,
équilibre, émotion, efficacité
(une pâtisserie doit être facile
à couper, à déguster, à digérer).
Mes recherches tendent vers
la quintessence de la pâtisserie,
sans gras, sans trop de sucre
ou ornementations inutiles.
Tout cela participe du bon sens.
Avant de partir dans tous les
sens, il faut travailler avec sa tête,
c’est pourquoi je réfléchis
sans cesse à la technique parfaite.
Ensuite, il faut pratiquer,
pratiquer, pratiquer. Je dirige
une master class où j’explique
comment j’ai appris à réaliser
les crèmes pâtissières parfaites
en prenant tous les raccourcis
possibles avec le minimum
de vaisselle. Tout cela est une
question de bon sens. »

Ouverture début septembre
du restaurant Polichinelle,
à Paris.

« Mes parents et grands-parents

m’ont inculqué tôt l’idée qu’il

fallait avoir du bon sens, soit une

capacité à se sortir d’une situation

dans n’importe quel endroit,

n’importe quel moment. Le bon

sens est selon moi une espèce

d’intelligence brute, un instinct

animal rapporté à l’humain.

Venant d’un monde paysan, j’ai

baigné dans l’idée que rien n’est

inutile, manqué. Mais je trouve

l’expression assez effrayante car

cela signifierait qu’à l’inverse

il existerait un mauvais sens et ça,

je n’y crois pas du tout. Je pense

qu’il y a une espèce de refuge

qu’on a plus ou moins tous, un

endroit où l’on est capable de se

sortir de situations quoi qu’il

arrive. C’est un positivisme assez

naïf qui me convient. Rien n’est

grave en soi. Le bon sens me

sauve de mes questionnements

sur l’amour, la vie, la question du

destin. Je n’ai que 29 ans, mais

pour l’instant ce cheminement par

le bon sens rend mon existence,

non pas facile, mais simple. »

À paraître, le 21 août :

Une bête au paradis

(éd. L’iconoclaste).

« Ce mot de bon sens, je l’ai

entendu toute mon enfance.

On me répétait : “Aie un peu

de jugeote, un peu de bon sens !”

Comme si ce dernier pouvait

remplacer l’intelligence, les

doutes, le fait d’écouter l’autre!

S’il y a un bon sens, c’est qu’il

y a du mauvais sens. En amour,

je n’ai fait qu’avoir du mauvais

sens. J’ai bien sûr un radar, mais

au-dessus, j’ai un mauvais sens

qui me murmure : “Mais non!

Vas-y, fonce !” J’ai fait une analyse

pendant cinq ans et ma mère

me répétait : “Enfin, avec un peu

de bon sens, tu pourrais t’en

sortir !” Faux. Pour arriver au bon

sens, si tu es tordue, il faut

détendre. Pour moi, l’analyse

a à voir avec le bon sens.

Les lapsus ont à voir avec le bon

sens. C’est comme si ta pensée

mettait dans le bon sens ce que tu

n’oses pas mettre dans ce même

bon sens. Le corps a du bon sens,

c’est difficile de lui faire faire

ce qu’il ne veut pas faire. »

À paraître, le 22 août :

Nobelle (éd. Robert

Laffont).

« Je pense être animé de bon sens

mais au sens d’honnêteté.

Mes parents m’ont inculqué l’idée

d’avancer dans la vie sans

préjugés, avec une liberté d’esprit

en gardant un sens moral.

Pour eux, l’honnêteté vis-à-vis

de soi-même et des autres

participe du bon sens. Je sais que

je possède un bon fond et que

je me dirige dans l’existence dans

le bon sens. Il y a aussi un

mauvais sens qui peut m’être

bon, par exemple lorsque

je m’aventure dans les ténèbres.

Ces angoisses me sont précieuses

pour composer des morceaux

mélancoliques. Et c’est tout aussi

bien, voire plus fort. Le bon sens,

c’est aussi savoir intuitivement

ce qui est bon ou pas en termes

de carrière. C’est pour ça que

je ne joue pas autant que ça au

cinéma. J’essaie d’avancer en

musique comme au cinéma avec

bon sens. Pas à pas dans la

bonne direction. »

Paris Texas

(EP de 5 titres, SPNG).

“C'est réaliser

les crèmes pâtissières

parfaites avec le

minimum de vaisselle.”

“C’est une espèce

d’intelligence brute,

un instinct animal

“Pour moi, rapporté à l’humain.”

l’analyse a à voir

avec le bon sens.”

“L'honnêteté vis-à-vis

de soi-même

et des autres participe

du bon sens.”

Christophe Michalak,

chef pâtissier

Cécile Coulon,

écrivaine

Sophie Fontanel,

journaliste et écrivaine

Lukas Ionesco,

musicien et acteur

Idées claires 30