Marie Claire N°805 – Septembre 2019

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Quelques enfants aux visages rembrunis par la pous-
sière jouent entre les chemins tortueux que dessinent
les tentes du camp de déplacés de Salamiyah, au sud
de Mossoul. Ils surgissent de toutes parts et courent
en poussant des cris de joie. Comme tous les jours,
leurs mères se retrouvent aux fontaines : agora
contemporaine où chaque membre de la cité devient
objet de discussion. Elles y remplissent les bouteilles
d’eau pour la soirée. Quelques-unes s’isolent et
étendent du linge. Les hommes, eux, choisissent plu-
tôt de s’asseoir à l’ombre tant que le soleil menace.
C’est le premier jour du ramadan. En fin de journée,
Sana, ses trois filles et ses deux garçons se retrouvent
pour rompre le jeûne sous une toile usée. L’aînée,
Nour, 22 ans, vit à nouveau aux côtés de sa mère
depuis que son époux a été arrêté par l’armée

irakienne. Sa deuxième fille, Raghat, 17 ans, a emmé-
nagé cet hiver avec son mari à quelques tentes d’ici.
Cela fait cinq mois qu’elle s’est mariée. Un jour,
Mohamed a vu Raghat à Mossoul chez une tante com-
mune. Il l’a demandée en mariage. Après trois mois
d’hésitation, elle a accepté. Depuis la libération de
Mossoul, en juillet 2017, plusieurs prétendants étaient
venus demander la main de la jeune fille impavide au
regard rieur. D’abord au camp d’Hamam al-Alil, puis
à Salamiyah, au sud, où la famille s’est installée l’an-
née dernière.
L’un était trop vieux, l’autre était déjà marié deux fois,
explique la mère. « J’étais la quatrième femme d’un
mari âgé et je ne veux pas que mes filles cohabitent avec
d’autres épouses. Raghat est jeune. Les autres seraient
jalouses et lui créeraient des problèmes », raconte Sana,

A d. : au camp de
déplacés de
Salamiyah, aller
chercher l’eau
est l’affaire des
femmes. Une des
rares activités
qui leur permet
de sortir et de
se retrouver aux
fontaines pour
discuter.
A g. : ici, les
robes de mariée
se louent,
comme celle-ci,
qui appartient
à Yasmine.
La jeune femme
en possède
plusieurs.

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