Marie Claire N°805 – Septembre 2019

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sgp. courtesy benetton.


Le premier défilé (1)
de Jean-Charles de
Castelbajac (2) pour
Benetton, à Milan,
le 19 février dernier,
avec notamment
un pull en laine brodé
de moutons (3).

—Cinquante ans après votre première
collection, vous avez signé cette
année le premier défilé de la maison
Benetton. Quel était votre état d’esprit
ce jour-là?
C’était une journée assez particulière car
quelques minutes avant le défilé j’appre-
nais la mort de Karl Lagerfeld. A mes yeux,
il était comme le roi des mercenaires qui
mettait son épée au service de maisons,
absorbait leur ADN et donnait un souffle
nouveau. Chez Benetton, avec ce premier
défilé, ma mission était sensiblement la
même. J’avais le sentiment que c’était ma
première collection, que je me mettais en
danger, mais c’était un danger discipliné
car les responsabilités sont colossales.

—La marque va-t-elle rester engagée
sur les questions de société?
Bien sûr, l’écologie me tient particulière-
ment à cœur par exemple. Sur le premier
défilé, mes personnages de « cartoons »
étaient l’incarnation d’une forme de mili-
tantisme pour la planète. Nous travaillons
aussi sur les teintures végétales et nos tis-
sus sont d’origine contrôlée. Les précé-
dentes générations ont vécu des années
d’insouciance, aujourd’hui il y a un réel
retour de la conscience politique et du com-
bat. C’est extrêmement beau. Et puis soyons
honnêtes : le plastique, ce n’est pas chic.

—Comment allez-vous travailler et
conceptualiser les couleurs?
La couleur est la première chose que j’ai
considérée comme pouvant m’appartenir,
sans que je n’aie forcément à la conquérir.
Que les couleurs de l’arc-en-ciel soient sur
mes chasubles (qu’il a conçues en 1997 à l’oc-
casion des JMJ, ndlr), sur un T-shirt Benetton
ou sur drapeau LGBTQ+, elles sont un lien,
elles fédèrent et cimentent tout. Avec
Benetton, j’ai le sentiment d’être arrivé à
bon port, dans le lieu où j’ai la machine pour
utiliser la couleur à bon escient. C’est une
marque engagée donc je rejoins quelque
chose de social, qui va au-delà de la mode.

—Et comment allez-vous adapter
votre expression artistique à cette
grande fabrique qu’est Benetton?
J’ai d’abord travaillé sur les basiques.
En suite, à la manière d’un virus pop, j’ai
contaminé toutes les pièces avec ma signa-
ture. Le grand projet, c’est de proposer au
même prix des basiques et une revisite plus
mode. Nous souhaitons proposer en
continu des pièces cool, réalisées avec une
conscience écologique et à des prix justes.
Beaucoup de gens sont frustrés par notre
société digitale qui propose des monts et
merveilles inaccessibles. Ne pas transfor-
mer le désir en frustration, c’est tout le pro-
pos de Benetton. Cocteau disait : « On croit
que le style est une façon compliquée de dire
des choses simples, alors que c’est une façon
simple de dire des choses compliquées. » Cela
résume parfaitement ma vision de la mode.

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Le syncrétisme pop de Jean-Charles


de Castelbajac Directeur artistique de United Colors
of Benetton, le créateur nous explique comment il entend redonner
des couleurs à la marque. par Louise des Ligneris
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