Marie Claire N°805 – Septembre 2019

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Entretien 76


—La dernière fois que je vous ai rencontrée, rien
n’allait : vous aviez perdu coup sur coup votre
grand-mère et votre beau-père, vous veniez de
vous séparer de votre compagnon l’acteur Joshua
Jackson. Là, on dirait que tout va mieux.
(Elle rit.) Oui, effectivement ça va beaucoup mieux!
Je suis amoureuse, j’ai eu mon premier enfant à
41 ans. C’est comme ça, la vie, ça va ça vient.

—Vous aviez cette intuition que tout allait s’éclaircir
à ce point?
Je ne pense pas avoir imaginé quoi que ce soit à
l’époque, mais j’avais envie que cette période noire
s’arrête. Je me suis arrêtée de travailler un temps et ça
m’a fait du bien. Puis le succès de In the fade m’a
confortée dans l’idée que quelque chose de nouveau
se passait. Ça a provoqué une période de ma vie très
joyeuse et très riche en rebondissements positifs.

—Je me rappelle que vous aviez déclaré : « Je ne
veux pas me réveiller trop tard pour être mère. »
Cette inquiétude vous minait?
Non, ce n’était pas une inquiétude. Je m’étais faite à
l’idée que si ça ne m’arrivait pas, ça ne serait pas un
drame. Ça me travaillait quand même parce que j’ai
toujours rêvé de fonder une famille, moi qui n’en ai
pas vraiment eu une. Mais avec les hommes qui ont
partagé ma vie, ça n’a jamais été le bon timing. Le
hasard a misé sur le bon numéro au jeu du destin.

—Vous ne souhaitez toujours pas révéler le prénom
de votre fille?
Non. Ni le jour de sa naissance. Vivre à New York peut
être parfois un enfer quand on est un peu connu.
Norman et moi, on ne peut pas sortir de chez nous
sans être assaillis par les paparazzis. On a vécu des
moments trop bizarres avec les fans de The walking
dead. Il nous faut protéger notre fille de cette folie.

—Vous aviez une préférence pour le sexe?
Il y a une dizaine d’années, lorsque j’ai commencé de
penser à la maternité, je rêvais d’un garçon, par
altruisme envers la société, en me disant que je l’élè-
verai de façon à en faire un homme bien. Mais je ne
pouvais rêver mieux que d’avoir une fille.

—Qu’a révélé de vous votre enfant?
La patience. Je ne pensais pas que j’aimerais passer
autant de temps avec un bébé. En fait, j’adore ça. La
prendre au réveil, la balader au parc. Tout me plaît.
Dès que je dois m’éloigner pour le travail, c’est un vrai
déchirement. Ce que j’aime en elle, c’est que je per-
çois qu’elle sera quelqu’un de doux et de gentil.

—Vous lui parlez en quelle langue, vous qui êtes
bilingue allemand-français?
En allemand. Et Norman en anglais, bien sûr. Notre
nounou est germano-américaine, donc c’est parfait!
Son parrain et sa marraine sont français, ils lui parlent
en français lorsqu’ils la voient.

—Qui avez-vous choisi?
Le parrain est un de mes amis. La marraine est ma
grande amie la réalisatrice Fabienne Berthaud, avec
qui j’ai fait plusieurs films dont Sky. C’est sur ce tour-
nage que j’ai rencontré Norman. Ça s’imposait!

—Si vous étiez une fée et que vous pouviez offrir
trois dons à votre enfant, lesquels serait-ce?
La patience, l’intelligence et la liberté.

—Vous désirez d’autres enfants?
Non. Je suis trop âgée. C’est tellement de travail que
je suis parfois très fatiguée. Je suis très heureuse
comme ça.

— « The operative » est tiré de faits réels. Comment
avez-vous bâti votre personnage?
En m’entraînant dix jours en Israël. à la dure et dans
les mêmes conditions que les agents du Mossad.

A


ppelons-la Diane Junior puisque ses parents gardent
jusqu’à nouvel ordre son prénom secret. Elle a alors
6 mois et fixe avec une intense curiosité son tatoué
paternel, l’acteur Norman Reedus, qui lui donne la
becquée. Cheveux blonds plutôt courts, chapelet de
médailles (miraculeuses ?) autour du cou, Diane Kruger me dévoile sa
fille sur son téléphone portable, non pas pour me prouver qu’elle existe
bien, ce dont nul ne doute, mais par fierté, admiration, et peut-être
comme malin prétexte pour garder un œil sur son enfant restée à New
York. La comédienne allemande est à Paris pour parler de The operative*,
son nouveau film dans lequel elle campe de façon crédible une espionne
israélienne au pays des mollahs. Mais comme souvent chez elle, l’entre-
tien emprunte de jolis chemins de traverse pour tomber sur une succes-
sion de clairières où se découpent une à une quelques figures toté-
miques : sa fille, bien sûr, son compagnon aussi énigmatique qu’animal,
mais aussi le mensonge, ce travestissement parfois nécessaire, les
amies, et ce corps auquel elle ne laisse rien passer. Diane Kruger ou l’art
de la conversation fluide, sans circonvolutions affectées ni fausse
pudeur. Sans autocensure. Ça change, par les temps qui courent.

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