Marie Claire N°805 – Septembre 2019

(backadmin) #1

“J’ai toujours rêvé


de fonder une famille,


moi qui n’en ai


pas vraiment eu une.”


Ils m’ont fourni un faux passeport et je devais passer
une douane israélienne sans être démasquée, et ça a
marché. Bon, s’ils avaient tout découvert, je n’aurais
pas croupi en prison. Le fait de savoir que je ne ris-
quais rien ne m’a empêchée de sentir mon cœur
battre fort. Je n’imagine même pas ce que j’aurais
ressenti si j’avais été une vraie espionne franchissant
la frontière iranienne, comme dans le film.

—On ne vous a pas reconnue au poste-frontière?
Vous êtes quand même célèbre.
Non, absolument pas. Je vous jure que c’est vrai. J’ai
aussi les cheveux plus foncés qu’auparavant.

—La femme que vous incarnez a permis d’éliminer
des physiciens nucléaires iraniens en charge du
développement d’une bombe atomique...
Oui, c’est cela qui m’a le plus intéressé. Révéler l’im-
portance des femmes dans le monde de l’espionnage,
un monde toujours empreint d’une certaine carica-
ture machiste. Non, il n’y a pas que des gros durs, il y
a aussi beaucoup de femmes dans ces services parce
que moins détectables. On ne les attend pas là.

—Le métier d’espion consiste aussi à mentir.
Pensez-vous que le mensonge soit une valeur et
même une vertu en certaines occasions?
Sans doute, mais j’ai du mal avec ça. Des gens du
Mossad m’ont raconté que beaucoup d’entre eux
laissent tomber au bout de quelques années car c’est
très difficile de mentir sans arrêt à ses proches, à sa
femme par exemple. C’est même intenable à long
terme. C’est comme se mentir à soi-même. J’en serai
incapable. Bien sûr, comme tout le monde ça m’arrive
de mentir car c’est parfois la seule solution, mais
j’évite au maximum. Ce n’est pas dans mes gènes.

—Vous avez longtemps habité à Paris. Y reve-
nez-vous souvent?
Oui, car ça reste une partie importante de ma vie. J’ai
vendu mon appartement de Saint-Germain quand j’ai
appris que j’étais enceinte : c’était un quatrième sans
ascenseur. Karl Lagerfeld me l’a racheté pour l’offrir à
son assistant. Karl était un impatient qui voulait tout,
tout de suite. Il avait fixé une condition à la vente :
que je vide les lieux en deux semaines. Du coup, tout
est au garde-meuble. C’est bizarre de se retrouver à
l’hôtel à Paris. Je cherche à racheter un truc ici.

Top Jil Sander.

Entretien 78

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