LeSoir - 2019-08-02

(Michael S) #1
monde 11

Les principaux accords de contrôle
des armements nucléaires

Les forces nucléaires mondiales en janvier 2019

ACCORDS BILATÉRAUX ENTRE
LES USA ET L’URSS/RUSSIE

ACCORDS
MULTILATÉRAUX

2020

2010

2000

1990

1970

FNI/INF(1) (1988 - 2/8/2019)
Traité sur les forces nucléaires à portée
intermédiaire (INF en anglais)
Les Etats-Unis ont une première
fois dénoncé le non-respect
du traité par la Russie en 2014.
En octobre 2018, les Etats-Unis ont
annoncé leur intention
de se retirer du traité.

ABM (1972 - 2002)
Traité Anti-missiles balistiques
Les Etats-Unis se sont
retirés du traité en 2002.

SALT I (1972 - 1977)
Strategic Arms Limitation Treaty
Malgré que SALT I expirât en
1977, l’URSS et les Etats-Unis
s’étaient engagés à honorer
l’accord jusqu’à la conclu-
sion d’un nouveau traité.

SALT II (1979 - 1991)
Strategic Arms Limitation Treaty
Les deux parties s’étaient
engagées à respecter les
limites de SALT II malgré que
ce traité ne soit jamais entré
en vigueur. Il a été remplacé
par START I.

START II (1993 - 2002)
Strategic Arms Reduction Treaty

New START (2011 - 2021)
Strategic Arms Reduction Treaty
Expire en février 2021

START I (1994 - 2009)
Strategic Arms Reduction Treaty

CTBT (1996 - )
Traité d’interdiction complète des essais
nucléaires
Ouvert à signature depuis 1996.
Le CTBT remplace le PTBT mais
le PTBT reste en vigueur pour
les Etats qui ne sont pas partie
au CTBT.

NPT (1970 - )
Traité de non-prolifération des Armes
nucléaires

PTBT (1963 - 1996)
Traité d’interdiction partielle des essais
nucléaires

Source : SIPRI Yearbook 2019

(1) Les sigles sont ceux retenus en anglais
Sources : Munich Security Report 2019, ONU

1980

Jamais entré en vigueur
Pas encore entré en vigueur
Entrée en vigueur du traité
Traité signé et adopté

SORT (2003 - 2011)
Strategic Offensive Reduction Treaty
SORT succède à START II,
signé mais jamais entré
en vigeur. Il est remplacé
ensuite par New START.

Pays Ogives Autres Total Total
déployées (1) ogives (2) 2019 2018

Russie 1.600 4.900 6.500 6.
Etats-Unis 1.750 4.435 6.185 6.
France 280 20 300 300
Chine 290 290 280
Royaume-Uni 120 80 200 215
Pakistan 150 -160 150 -160 140 -
Inde 130 -140 130 -140 130 -
Israël 80 - 90 80 - 90 80
Corée du Nord N.C. N.C. (20 - 30) (10 - 20)

TOTAL 3.750 10.115 13.865 14.
(1) « Ogives déployées » signifie des ogives placées sur des missiles ou situées sur des bases avec les forces
opérationnelles
(2) « Autres ogives » renvoie à des ogives en réserve ou en fin de service et en attente de démantèlement.
Les totaux supposent l’estimation la plus élevée. Les données pour la Corée du Nord sont incertaines et ne sont pas
prises en compte dans les totaux. Toutes les estimations sont approximatives.

TPNW (2017- )
Traité sur l’interdiction des armes
nucléaires
Ouvert à signature depuis 2017.
23 pays ont ratifié à ce stade le
traité, parmi lesquels aucune
puissance nucléaire. Le traité
entrera en vigueur après
50 ratifications.

mais la Chine. D’où la tentation d’aban-
donner le FNI, pour pouvoir moderniser
son arsenal, le déployer dans la zone in-
do-pacifique, tout en affichant l’espoir
d’intégrer un jour Pékin dans un accord
de « nouvelle génération ». Mais Pékin
s’y oppose.
La Chine entend assurer le contrôle de
sa zone, où l’Inde, le Pakistan ou la Co-
rée du Nord ont allègrement développé
leurs programmes de missiles. Or l’arse-
nal chinois actuel serait composé à 95 %
de fusées à moyenne portée qui tombe-
raient sous le coup du FNI russo-améri-
cain. L’empire du Milieu n’entend évi-
demment pas abandonner l’avantage de
garder les mains libres. Au contraire :
Pékin a bien l’intention d’étoffer ses
moyens. « Historiquement », note un
fin connaisseur du dossier, « aucun Etat
n’a jamais négocié un accord de désar-
mement en position de faiblesse... »


Escalade pour désescalade
Moscou, pour sa part, a également be-
soin de ces armes à moyenne portée, au
vu des développements militaires en
Chine. Mais, surtout, le Kremlin table
de plus en plus sur sa dissuasion nu-
cléaire, notamment « tactique », face à
la supériorité écrasante de l’hyperpuis-
sance US et des alliés de l’Otan sur le
front de l’armement conventionnel.
La Russie a même développé une doc-
trine de « l’escalade pour la désesca-
lade », qui inquiète vivement les Occi-
dentaux : engager un conflit régional
avec des forces conventionnelles, par
exemple contre les pays baltes, et bran-
dir la menace d’un bombardement nu-
cléaire pour empêcher toute velléité de
contre-attaque... Les Etats-Unis ont
également menacé de recourir à l’arme
nucléaire de « faible puissance » en cas
d’attaque stratégique majeure, même
non nucléaire, lancée par une puissance
nucléaire.
Dans ce retour en grâce de l’arme ato-
mique, l’Europe reste... au balcon. « Ré-


duite à observer », note Hellendorff (Eg-
mont). Le 14 juillet, la cheffe de la diplo-
matie de l’UE Federica Mogherini dé-
clarait au nom des Vingt-Huit : « Nous
sommes profondément préoccupés »
par la fin d’un traité « qui a apporté une
contribution significative à la sécurité
de l’Europe, et à la sécurité internatio-
nale, au cours des 30 dernières an-
nées ».

Après le FNI, l’agonie de New START
Les Européens, Belgique comprise,
mettent dès lors l’accent sur l’impératif
de relancer des pourparlers diploma-
tiques pour œuvrer à un nouvel instru-
ment multilatéral de maîtrise des arme-
ments. Tout en sachant, que ce n’est pas
pour demain. Ce sont aussi les Euro-
péens, Merkel en tête, qui ont obtenu
des Américains qu’ils consentent en fé-
vrier un nouveau délai de six mois. Il fal-
lait montrer aux opinions que « tout »
serait entrepris (mais cela a-t-il bien été
le cas ?) pour tenter de convaincre les
Russes.
Car il n’y a pas que la mort du FNI qui
tourmente les Européens. L’accord rus-
so-américain de limitation et de réduc-
tion des stocks d’armes offensives « stra-
tégiques », à longue portée, paraît aussi
en sursis. Ce traité, New START, pré-
sente l’immense défaut aux yeux du pré-
sident Trump d’avoir été signé par... son
prédécesseur Obama. Il ignore égale-
ment Pékin et les ahurissants dévelop-
pements technologiques réalisés ces
dernières années – des fusées hyperso-
niques à l’intelligence artificielle.

Aucune discussion de suivi
New START vient à échéance en février


  1. Et Washington ne montre pas jus-
    qu’ici un enthousiasme débordant pour
    le prolonger, en l’état... L’administration
    Trump évoque plutôt le projet d’un nou-
    veau traité. Mais si l’idée est de laisser
    cet accord s’éteindre dans l’espoir d’em-
    barquer Pékin dans un nouveau texte,
    Moscou exigera alors d’intégrer l’arsenal
    de la France et du Royaume-Uni : ce
    n’est pas gagné!
    « Il n’y a actuellement aucune discus-
    sion sur cette extension ou négociation
    sur un traité de suivi », note dans son
    rapport annuel ( juin 2019) le Sipri
    (Stockholm International Peace Re-
    search Institute), qui fait autorité en la
    matière. « Nous sommes préoccupés de
    voir le régime international de désarme-
    ment et de non-prolifération sous
    grande tension », s’inquiète Mogherini.
    Le monde risque de se retrouver, dans
    un an, sans FNI ni New Start. Plus dan-
    gereux? Ce ne sera pas vraiment... pire,
    avec un traité FNI violé, des doctrines
    nucléaires explosives, des développe-
    ments technologiques inquiétants, de
    nouveaux acteurs menaçants et des
    stocks de bombes stratégiques suscep-
    tibles de détruire de multiple fois... la
    planète. Mais l’absence prévisible de
    successeur à ces régimes de maîtrise des
    armements de destruction massive, avec
    « moins de concertation et plus de dis-
    suasion », note Hellendorff, fait
    craindre une nouvelle course aux arme-
    ments nucléaires. Si pas en quantité, au
    moins en « qualité ». La Russie, les
    Etats-Unis, mais aussi la Chine, sont ré-
    solument engagés dans la « modernisa-
    tion » de leur arsenal atomique.


Poutine et Trump ont signé la mort du traité, l’Américain accusant le Russe de
tricher. Et aucune négociation ne se profile à l’horizon pour la suite...© REUTERS.


Le FNI, signé le 8 dé-
cembre 1987, est entré en
vigueur le 1erjuin 1988. Il
imposait à ses deux si-
gnataires, Etats-Unis et
Union soviétique, de
démanteler en trois ans
l’ensemble de leurs mis-
siles à lanceur terrestre à
portée « courte ou inter-
médiaire », soit entre 500
et 5.500 km (par opposi-
tion aux missiles balis-
tiques intercontinentaux
ou aux armes à plus pe-
tite portée. Les missiles
tirés depuis la mer ou les
airs n’étaient pas couverts
par le traité).
Au 1erjuin 1991, 2.692 de
ces engins conçus pour
emporter des ogives
nucléaires étaient défini-
tivement détruits : 1.
missiles soviétiques et
846 missiles US. Sans être
le seul ni le premier dis-
positif de contrôle des
armements, c’était la
première fois qu’une
catégorie entière d’armes
à capacité nucléaire était
éradiquée de la planète –
plus précisément, du sol
européen.
Tout allait bien, jusqu’à ce
que les Etats-Unis, et dans
la foulée leurs alliés au
sein de l’Otan, s’in-
quiètent du développe-
ment d’un nouveau mis-
sile russe à portée inter-
médiaire (environ 1.500 à
2.500 km), le 9M
(selon la terminologie
russe) ou SSC-8 (selon
celle de l’Otan). Moscou a
longtemps démenti l’exis-
tence de ce missile. Avant
d’en accepter l’existence
et même d’en exposer un
exemplaire, en janvier
dernier, tout en assurant
que ces nouvelles fusées
ont une portée limitée
à... 480 ou 490 km.
Trump prend les Alliés
de court
Le 20 octobre 2018, Do-
nald Trump prend les
Alliés de court et annonce
brusquement qu’il va
« mettre fin » au Traité. En
février, les Etats-Unis
entament leur procédure
de retrait du traité. Ils
sont suivis dès le lende-
main par Moscou. La
Russie affiche immédiate-
ment son intention de
développer de nouveaux
missiles terrestres, tout
en accusant les Etats-Unis
de s’y préparer égale-
ment. Le 5 juillet, un
conseil de concertation
Otan-Russie, au niveau
des ambassadeurs, ne
débouche sur aucune
percée. Chaque partie
campe sur ses positions.
« Au lieu de se mettre à
table et de chercher une
issue, Washington a
choisi d’agir unilatérale-
ment et d’abroger le
traité », accuse l’ambassa-
deur russe auprès de l’UE
Vladimir Chizhov, dans un
entretien à l’agence Eur-
Activ, le 8 juillet. « Le
problème, la raison pour
laquelle nous assistons à
la disparition du traité
INF, c’est que la Russie
viole le traité », rétorquait
mercredi le secrétaire
général de l’Otan Stolten-
berg.
L’enjeu, désormais,
consiste à faire « porter le
chapeau » à l’autre.
PH. R.

Repères

pés de missiles anti-missiles sont basés
à Rota, en Espagne, mais grandement
mobiles.
Moscou n’a eu de cesse de dénoncer ce
bouclier anti-missiles. Le dispositif vio-
lerait aussi les objectifs du FNI. La Rus-
sie affirme que ces moyens de défense
peuvent aisément être modifiés pour
devenir offensifs et tirer des missiles de
croisière – ce que l’Otan dément, en
boucle.


«Nous ne croyons pas l’Otan»
A la riposte de l’Otan, la réponse du
Kremlin est déjà toute prête : « Pour
nous, un éventuel déploiement de mis-
siles conventionnels sera tout autant
déstabilisant » que des missiles à tête
nucléaire, a déjà prévenu mardi le vice-
ministre des Affaires étrangères Sergueï
Ryabkov, interrogé par la chaîne britan-
nique Sky News. Avant d’ajouter : « La
Russie ne croit pas l’Otan. Au plus
l’Otan affirme ne pas avoir d’intentions,
de plans, au moins nous le croyons. »
L’escalade est déjà programmée...


missiles russes »

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