LeSoir - 2019-08-02

(Michael S) #1
Renaud Emond, c’est un
caractère qui ne lâche
jamais rien et qui
donne tout ce qu’il a.
© VIRGINIE LEFOUR/BELGA.

DIDIER SCHYNS

R

enaud Emond fêtera, ce samedi
face à Zulte Waregem, son cen-
tième match de championnat
sous le maillot du Standard. Qui, à la fin
de l’année 2017, deux ans et demi après
son arrivée en bord de Meuse, aurait osé
parier un euro sur le fait que l’attaquant
gaumais en arriverait là? Personne sans
doute, à part lui-même. C’est qu’Emond
était alors au fond du trou, complète-
ment délaissé, n’ayant jamais réussi,
pour diverses raisons, à convaincre ses
entraîneurs successifs, Yannick Ferrera,
Aleksandar Jankovic puis Ricardo Sa
Pinto, de lui faire davantage confiance.

Buteur et cadre
Avant que le départ d’Orlando Sa pour
le club chinois de Henan Jianye, fin fé-
vrier 2018, ne lui offre une occasion
unique de rebondir. Et de quelle façon!
A nouveau capitaine et buteur samedi
dernier à Bruges, Emond entame sa cin-
quième saison à Sclessin où, à force de
travail et de pugnacité, il bénéficie au-
jourd’hui d’un statut à part entière.
De cadre et de buteur (il a été le
meilleur artificier du Standard au cours
des deux dernières saisons) pour un
joueur qui incarne parfaitement l’esprit
Standard et affiche en toutes circons-
tances une mentalité sur laquelle Mi-
chel Preud’homme mais, aussi ses équi-
piers aiment s’appuyer. Au point d’avoir
aujourd’hui valeur d’exemple pour tous
les footballeurs en herbe.

Renaud

Emond

rejoint

le club

des 100

STANDARD

Le buteur gaumais

disputera samedi

face à Zulte Waregem

son 100
e
match sous

le maillot du Standard.

Avec un but toutes les

205,5 minutes de jeu,

il a fini par faire taire

les sceptiques.

16 sports


Razvan Marin
« Je parviens à suivre le rythme
de l’Ajax »

plus.lesoir.be

ABONNÉS

Plus de deux saisons
passées en enfer
Renaud Emond débarque
de Beveren à Sclessin le
31 août 2015, en para-
phant un contrat de cinq
ans, au moment où Yan-
nick Ferrera succède à
Slavo Muslin. A la base de
l’opération, Axel Lawarée,
alors directeur sportif du
club liégeois, mais aussi
Bruno Venanzi, premier
supporter de l’attaquant
gaumais. « C’était un
profil intéressant », dit
Lawarée. « Parce qu’un
buteur le reste, mais
aussi parce qu’on avait
décidé de mettre l’accent
sur des joueurs qui
mouillaient leur maillot
et véhiculaient, en ma-
tière de travail et de
mentalité, les valeurs du
club. C’était son cas à
100 %... »
Pourtant, la sauce ne
prend pas. Malgré un
début encourageant (
buts en 6 matchs),
Emond se retrouve rapi-
dement sur le banc.
Yannick Ferrera, qui
reprend une équipe à la
dérive, écrasée 7-1 au FC
Bruges, lui préfère rapi-
dement Ivan Santini, qu’il
aligne seul en pointe. « Il
n’a pas beaucoup joué
avec moi, mais il faut
remettre ça dans son
contexte », précise le
technicien bruxellois, qui
tient le Gaumais en très
haute estime. « Je dispo-
sais de quatre atta-
quants, avec Tetteh et
Yattara en plus, qu’il me
fallait tester, pour donner
sa chance à chacun d’eux.
J’ai donc dû faire tourner.
Ajoutez à cela le fait que
le Standard de l’époque
n’était pas le Standard
d’aujourd’hui : on avait

une équipe qui avait du
mal à faire le jeu et pro-
cédait beaucoup en
contre, avec un Santini
important comme point
d’appui. Et puis, Renaud,
qui découvrait un club où
les attentes étaient bien
différentes de Waasland-
Beveren, avait sans doute
besoin d’une certaine
période d’adaptation
pour réussir dans un club
où on s’attend à ce qu’un
attaquant plante un but à
chaque rencontre, et tous
les trois matchs... »
La deuxième saison de
Renaud Emond à Sclessin
est la plus compliquée.
Relégué en début de
saison dans le noyau B,
avec Yattara, pas inscrit
sans les listes de l’Europa
League, l’ancien joueur
de Virton doit faire face à
la terrible concurrence de
Raman, Sa et Belfodil.
Aleksandar Jankovic, qui
succède rapidement à
Ferrera, ne fait que très
peu appel à ses services.
« Le poste d’attaquant,
comme celui du gardien,
est très particulier »,
indique Axel Lawarée, qui
parle d’expérience. « Un
attaquant a besoin de
sentir qu’on lui fait
confiance, sur plusieurs
matchs, même s’il ne
marque pas. Pour un tas
de raisons, on n’a pas
laissé à Emond l’occasion
de suffisamment s’expri-
mer... »
La situation s’empire
encore après l’hiver,
lorsque le Congolais
Jonathan Bolingi dé-
barque à Liège. Emond
recule d’un cran dans la
hiérarchie. « Là, j’ai pris
un gros coup sur la tête »,
reconnaîtra plus tard
l’intéressé.

Ses débuts

Les trois buts face à
Bruges lancent sa
carrière liégeoise
La troisième saison de
Renaud Emond en rouche
(2017-18), placée sous la
direction technique de
Ricardo Sa Pinto, débute
comme les deux autres,
avec des entrées en fin de
match et un temps de jeu
famélique. Jusqu’aux
velléités de départ d’Or-
lando Sa pour la Chine, et
pour le club de Henan
Jianye plus précisément,
qui perturbent le Portu-
gais et offrent à Emond
un terrain de jeu comme il
n’en a encore jamais eu
depuis son arrivée en Cité
ardente. Il ne laisse pas
passer sa chance, signant
le 31 janvier 2018 face au
FC Bruges, en demi-finale
aller de la Coupe de Bel-
gique, un triplé qui lance
sa carrière liégeoise (4-1).
Du coup, la, direction du
Standard laisse filer Sa en
Chine pour 8 millions et
confie les clés de l’at-
taque à Emond. « Une
belle marque de
confiance », dira plus tard
le Gaumais, qui en profite
pour prendre son envol,
inscrire 14 buts en cinq
mois et offrir la Coupe de
Belgique à son club.
« Ce qui m’a étonné, ce
n’est pas son retour au
premier plan, mais le fait
qu’il ne soit pas parti du
Standard », explique
Yannick Ferrera. « Dans sa
situation, la plupart des
joueurs l’auraient fait, ou
auraient semé la zizanie.
Lui pas! Lorsque je l’ai
dirigé, je n’ai jamais senti,

à aucun moment, qu’il
lâchait mentalement. Au
contraire, ce qui m’a
frappé, c’est qu’il restait
sur le terrain une demi-
heure ou une heure après
l’entraînement pour
travailler la finition. J’ai
un énorme respect pour
ce qu’il a fait... »
Partir, Emond aurait pu le
faire. A Rennes notam-
ment, avec qui il avait
trouvé un terrain d’en-
tente, avant que le Stan-
dard, enfin convaincu, ne
s’oppose à son départ.
« J’ai toujours dit, sans
aucune prétention, que le
jour où un entraîneur
daignerait lui faire vrai-
ment confiance, il mar-
querait pour le Stan-
dard », lance Axel Lawa-
rée. « L’exemple d’Orlan-
do Sa le montre aussi.
Autant le Portugais était
impressionnant, phy-
sique, puissant avant son
départ pour la Chine,
autant il a été inexistant à
son retour. Certes, il est
revenu blessé, mais il n’a
pas perdu toutes ses
qualités. Ce qu’il n’a plus,
c’est la confiance derrière
laquelle il est toujours
difficile de courir. » Et de
conclure : « Renaud a
toujours dit : “Donnez-
moi ma chance, mais pas
sur deux matchs, et vous
verrez ce que je suis ca-
pable de faire.” A sa place,
tout le monde aurait
quitté le navire, mais lui
s’est accroché, parce
qu’en signant au Stan-
dard, il était persuadé
qu’il pouvait réussir. Et il
l’a fait... »

Le déclic

« Un exemple
pour les gamins »
Depuis un an et demi,
Renaud Emond voit la vie
en rose. Son match, same-
di dernier au CS Bruges,
résume à merveille son
parcours liégeois : après
un gros raté, sur penalty,
le Gaumais n’a rien lâché
pour finir par placer le
Standard sur le chemin
du succès. Grâce à un but
qui, lui aussi, lui res-
semble : après un premier
appel, puis un deuxième,
Emond passe son bras
devant Serrano pour se
créer l’espace qui lui
permet d’ajuster de la
tête le gardien Loïc Badia-
shile. « Il y a, dans ce but,
beaucoup de qualités »,
juge José Jeunechamps,
l’entraîneur adjoint du
Cercle, qui avait eu
Emond sous ses ordres à
Sclessin lorsqu’il avait
succédé, en avril 2017, à
Aleksandar Jankovic. « Ce
sont là des gestes de vrai
buteur... »
Qu’il est indéniablement :
Emond, c’est, depuis son
arrivée à Liège, un but
toutes les 205,5 minutes
de jeu. Mais il est aussi
plus que cela : un tra-
vailleur infatigable et un
vrai joueur d’équipe qui, à
l’inverse de beaucoup
d’attaquants, ne jure pas
que par ses propres sta-
tistiques. « Certains atta-
quants ont sans doute, à
la base, plus de qualités
que lui, mais lui, il marque
du pied droit, du pied
gauche, de la tête et
même du genou », dit
Axel Lawarée. « Mais sa
vraie marque de fabrique,
c’est de travailler pour
soulager le milieu de
terrain... » Jeunechamps
acquiesse : « Emond, c’est
un moteur exceptionnel.
Un avant avec ce profil-là,
ça plaît à toutes les
équipes. Bruges et Ander-
lecht seraient très
contents de l’avoir dans
leurs rangs. »
Buteur, capitaine lorsque
Pocognoli et Goreux ne
sont pas là, Renaud
Emond s’érige aujour-
d’hui comme une valeur
sûre du Standard, qui a
prolongé son contrat de
douze mois en février
dernier. Ce qui ne l’em-
pêche pas de souffrir, à
certains moments, d’un
manque de reconnais-
sance. « J’ai parfois l’im-
pression de me faire
tacler plus vite que
d’autres », a récemment
avoué l’intéressé dans les
colonnes de L’Avenir.
« L’opinion publique est
restée sur certains com-
mentaires formulés à son
arrivée au Standard, à
savoir qu’il n’était pas fait
pour ce club », lâche
Yannick Ferrera. « A force
de travail et d’acharne-
ment, il a prouvé le
contraire. Renaud, c’est
un exemple à montrer à
tous les gamins qui
jouent au football. A la
place du Standard, je
mettrais un poster de lui à
l’Académie pour insister
sur les valeurs qui sont les
siennes et qui lui ont
permis d’épouser cette
trajectoire... »

Son statut
Free download pdf